Je découvre Emilie Guillaumin avec ce livre qui est son troisième roman et que j’ai lu dans le cadre d’une lecture commune.
Sarah et Pierre forment un couple parfait en apparence, il a sa propre boite dans la cybersécurité, elle est responsable des ressources humaines dans une entreprise de transports. Ils ont un petit garçon, Thomas, une grossesse que Sarah n’a pas réellement souhaitée, mais Pierre désirait tellement un enfant qu’elle a finit par céder, parce qu’elle l’aime passionnément.
Elever cet enfant s’avère très vite être chronophage, Sarah vise l’excellence, elle veut être une mère parfaite et s’impose tout un tas de choses qui ne seraient pas nécessaires. Elle se rend vite compte que cette naissance lui ôte une partie d’elle-même et que, petit à petit, un piège semble la happer toute entière. Sarah est fatiguée, elle jongle entre sa vie de famille et un enfant qui demande énormément. Thomas grandit, il va à l’école, Sarah rêve d’écrire un roman, alors elle prend une année sabbatique, encouragée par Pierre.
Mais très rapidement, alors qu’elle a tout le temps de se mettre à l’écriture de son roman, elle perd de sa force, sa santé décline, elle est atteinte de toutes sortes de maux aussi bien physiques que psychiques. Elle se dit qu’elle est fatiguée, que ça va passer, les résultats d’analyses sanguines ne sont pas alarmants, Sarah manque de fer, le médecin lui prescrit des médicaments. L’attitude de Pierre change, il congédie par exemple la femme de ménage parce qu’il estime que Sarah a désormais du temps, elle peut effectuer les tâches domestiques, ca semble anodin mais ce ne l’est pas.
On assiste alors au long déclin de Sarah, elle s’étiole jour après jour sans que personne ne s’en soucie. Pierre semble charmant mais il est absent, sa meilleure amie s’inquiète bien pour elle mais ne voit rien, elle met cela sur le compte d’un trop plein de travail, puis élever un enfant n’est pas de tout repos, elle n’approfondit pas, d’ailleurs elle est un peu mise à l’écart par Pierre. Sarah n’a plus de parents à qui se confier, elle est très isolée. Thomas est une sorte de sangsue qui s’accroche à sa mère et lui pompe toute son énergie.
Tandis que Pierre réussit professionnellement et brille un peu plus chaque jour, que sa complicité avec Thomas se renforce quotidiennement, Sarah s’éteint doucement et a cette désagréable sensation d’être mise de côté, Pierre et Thomas ont des codes que Sarah ne maîtrise pas et des comptines qu’elle ne connaît pas. Les comptines sont récurrentes et surgissent à n’importe quel moment de la journée, c’est une sorte de ralliement des deux hommes. Les mots sont toujours les mêmes « manger, dévorer, loup, agneau, petites dents, grands crocs, petites griffes, grandes pattes ». C’est une sorte de battle, Pierre démarre, Thomas renchérit…. J’arrive parfaitement à les imaginer se poursuivant dans les couloirs de l’appartement parisien en chantant à tue-tête, j’ai juste envie de me boucher les oreilles, je trouve ça hyper malsain.
Il y a aussi cette maison de campagne où le couple passe ses vacances, le chauffage ne fonctionne pas, l’électricité saute parfois, les araignées courent sur les murs et le parquet. Je trouve cet endroit lugubre et sans vie. Pierre et Thomas aiment chasser et ramener des lapins que Sarah doit ensuite dépecer. Il y a ce sang, tout ce sang qui ne semble pas déranger Thomas, il serait plutôt fasciné par ce liquide rouge vif et chaud. C’est quand même très étrange pour un petit garçon de son âge. Quand sa mère apprend qu’il a mordu sa petite copine et qu’il lèche le sang, elle s’interroge, ce n’est pas une situation normale mais Pierre balaie tout cela d’un revers de main.
Petit à petit Sarah perd complètement pied, Pierre s’éclate dans son travail, il est en pleine santé, élégamment habillé, il prend toute la lumière. Sarah est dépassée, maigrit à vue d’oeil, perd ses cheveux, ses jambes se couvrent de petits points rouges, la démangent, puis, deux jours plus tard tout disparaît. Elle sombre dans l’obscurité, n’a plus de goût pour s’habiller, ne prend plus soin d’elle, elle n’a même pas écrit une seule ligne de son roman. Ses nuits sont peuplées de cauchemars. Sarah n’a plus de forces, Sarah agonise tout le long du roman sous les yeux du lecteur qui lui se rend parfaitement compte qu’il se passe quelque chose de grave et d’indéfinissable.
C’est très anxiogène, au départ, je me dis que Sarah est en burn-out, puis je pense à une leucémie à cause des taches sur ses jambes, mais les médecins verraient tout cela, je ne comprends pas pourquoi personne ne semble alerté par son état alarmant, ni sa meilleure amie, ni son mari, ni sa belle soeur, sa détestable belle-soeur sur qui elle ne pourra pas compter !
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette famille, l’attitude de Pierre commence à m’interpeller, puis l’autrice sème des petites phrases qui semblent anodines mais qui ont leur importance, Emilie Guillaumin nous emmène avec habileté vers un dénouement que je n’ai pas vu venir.
J’ai refermé le livre complètement chamboulée, me posant mille questions, la fin est renversante, bouleversante, elle chamboule, interpelle et interroge ! j’ai presque la nausée !
Après débriefing en réunion de notre groupe de lecture, les avis sont très mitigés, c’est un roman qui divise, on aime ou on aime pas. Je suis celle qui a aimé ce roman, puis je pars du principe que quand un livre nous interpelle et qu’on a du mal à le lâcher c’est gagné, une histoire plate n’aurait pas de saveur.
J’ai apprécié l’écriture de l’autrice, je la trouve belle, riche et très fluide. J’ai aimé la construction du roman même si au début j’étais un peu perdue, j’ai trouvé l’intrigue vraiment très intéressante. C’est une autrice que je lirai à nouveau, j’ai noté l’embuscade dans ma wishlist !
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