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3.87/5 (sur 23 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : bienne , 1943
Biographie :

Franz Hohler est né en 1943 à Bienne en Suisse et a fait des études de philologie germanique et romane à l’université de Fribourg. Il a travaillé pour la scène et la télévision, notamment avec le mime René Quellet. Chansonnier, il est également connu pour ses histoires et romans pour les adultes et les enfants. Chipo et les pingouins est l'un de ses livres pour enfants les plus célèbres. Il vit actuellement à Zürich

Source : La joie de lire
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Elle se pencha, passa son bras droit sous les jambes du petit dormeur, son bras gauche sous ses épaules et le souleva précautionneusement du banc de la cuisine.
Katharina était déjà debout et elle avait ouvert la porte du vestibule, dont le froid la fit frissonner.
La grand-mère franchit prudemment le seuil et Katharina ferma la porte de la cuisine derrière elle. En suivant sa grand-mère vers l'escalier, elle effleura de l'épaule une des deux pèlerines toutes mouillées et elle sursauta, c'était comme si quelqu'un tentait de l'agripper ou qu'un animal inconnu l'ait touchée.
Elle se colla aux basques de sa grand-mère, sous les pas de laquelle chaque marche craquait. Quand Katharina posait le pied sur la même marche, elle n'entendait aucun craquement. Elle était trop petite pour faire craquer les marches. Mais un jour, pensa Katharina, chaque marche sur laquelle je mettrai le pied craquera, et chaque maison où je marcherai craquera, les maisons craqueront même rien qu'à me voir approcher. Aucune pèlerine mouillée n'osera essayer de m'attraper. Car je m'appellerai Katharina et je serai quelqu'un.
- Elle dort, la Didi ? demanda une voix de femme par la porte entrouverte.
Elles étaient arrivées à l'étage au-dessus.
- Non, le Kaspar, répondit la grand-mère, tu m'ouvres la porte Kathrin ? Celle-là, ajouta-t-elle en désignant du menton la porte à côté de celle derrière laquelle la voix de femme se faisait entendre.
Katharina se faufila à côté de sa grand-mère et ouvrit la porte de leur chambre. À l'intérieur, il faisait presque encore plus froid que dans l'escalier. À côté d'une armoire de dressait un grand lit avec une large couverture et deux coussins.
- Soulève-moi la couverture, dit la grand-maman, toujours à voix basse, du même ton que si elles partageaient un secret.
Katharina obéit, la grand-mère déposa Kaspar sur le drap de futaine et lui retira son pantalon.
- Nos habits de nuits sont encore en bas, dit Katharina.
- Cela ne fait rien, dit la grand-mère, il peut dormir en chemise.
Elle recouvrit Kaspar, et quand Katharina le vit dormir, elle se réjouit soudain à l'idée d'être dans ce lit. Il était plus grand que celui qu'elle avait à la maison, ou bien n'en avait-il que l'air que parce qu'elle devait partager le sien avec non seulement avec son petit frère, mais encore avec Regula et Jakob ? Elle alla à la fenêtre et regarda dehors, mais dehors les nuages étaient si bas qu'on ne voyait que les arbres les plus proches, derrière lesquels se pressait le gris du néant.
Katharina ressentait quelque fierté à l'idée d'avoir emmené ici son frère toute seule, comme le guide Elmer ses Anglais sur le Hausstock. Dernièrement, il s'était vanté à l'auberge d'avoir escaladé le Hausstock par mauvais temps avec deux Anglais, il avait essayé de les persuader d'attendre que le temps se remette, sinon ils ne verraient rien du tout, mais ces deux-là avaient voulu monter à tout prix, alors ils y étaient allés quand même et ils n'avaient rien vu du tout, il y avait même eu un tel brouillard qu'il s'en était fallu d'un cheveu que lui-même ne se trompât de chemin sur le Meergletscher.
- Viens, Kathrinli, dit la grand-mère à mi-voix. Elle se tenait déjà derrière la porte, la poignée dans la main.
Katharina passa à côté d'elle et s'arrêta devant la porte de la chambre ouverte.
- Adieu, Didi, dit la femme qui se tenait assise sur le bord du lit et qui donnait le sein à son poupon.
- Adieu, tantine, murmura Kathrina, et elle regarda le sein de la femme auquel le bébé tétait les yeux écarquillés. Il était nettement plus grand que le petit de Kleopha qu'elle avait vu avant, et le sein de sa tante était plus gros que celui de Kleopha, qui était déjà gros.
Tantine habitait ici, chez grand-maman, et elle était la femme de tonton. Mais celui-ci n'était tonton que pour Katharina, sinon il s'appelait Paul. Deux autres oncles habitaient encore ici, Johannes et Fridolin. On s'appelait " oncle " ou " tante " quand on était le frère ou la sœur du père ou de la mère.
Katharina ne savait trop quel était exactement le cas de la tantine qui était assise devant elle et qui lui disait maintenant : " Tu es une petite fille courageuse, tu as fait tout le trajet sous la pluie. "
Un sourire éclaira le visage de Katharina.
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Ils étaient maintenant assis à la table de la cuisine de la Bleiggen, la grand-mère, Katharina et Kaspar. Les deux enfants avaient devant eux un bol de tisane fumante et un morceau de pain de poires. Katharina avait déjà presque fini le sien, alors que Kaspar en avait pris à peine une bouchée, qu'il était encore en train de mâcher.
Ils avaient été si trempés que la grand-mère leur avait changé tous leurs vêtements. Elle avait encore dans ses armoires quelques habits d'enfant, qui semblaient n'avoir attendu rien d'autre, durant toutes ces années, que des petits-enfants trempés jusqu'aux os. La grand-mère se réjouit de voir qu'ils leur allaient. Katharina avait hérité d'une jupe bleue qui sentait la lavande et d'une jaquette tricotée grise. La chemise pour Kaspar était quand même un peu grande, c'en était une que son père avait portée jusqu'à l'âge d'aller à l'école.
Les pèlerines étaient accrochées dans l'entrée à côté des portes pour sécher, et la grand-mère avait suspendu les autres habits dans la pièce, à côté du gros fourneau d'ardoise d'où émanait une douce chaleur.
- On dirait presque le Jacky à te voir, dit à Kaspar la grand-mère après lui avoir un peu retroussé les manches.
Le père de Katharina et Kaspar s'appelait Jakob. Pourquoi, pensait Katharina, n'entendait-elle jamais ce prénom ?
Leur mère lui disait " Papa ", exactement comme Katharina et ses frères et sœurs, les hommes au village l'appelaient Joggli ou Meurjoggli, et la grand-mère parlait du Jacky. Une fois elle avait entendu sa mère lui dire, lui murmurer plutôt, " mon petit bouc ", une nuit qu'ils remontaient les deux l'escalier qui donnait dans la salle de l'auberge et que Katharina, qui n'arrivait pas à dormir, se tenait derrière la porte. Mais si on n'avait pas su qu'il s'appelait Jakob, on ne s'en serait pas rendu compte. À elle non plus, on ne disait pas Katharina. Les autres l'appelait Kathrine ou Kathrinli, et ce dernier nom surtout, avec le temps, lui plaisait de moins en moins.
Pourquoi " -li ? " N'était-elle pas déjà en deuxième année ? Et n'exigeait-on pas d'elle des choses qu'on demande d'habitude aux grands ? Ou bien quand est-ce que sa sœur Anna était montée pour la dernière fois à la Bleiggen en plein orage en traînant, comme une bonne d'enfants, un petit frère avec elle ? Elle aimait encore mieux quand sa mère ou sa grand-mère l'appelaient " Didi ", c'était déjà presque comme un autre prénom, et elle ne savait pas non plus d'où il venait.
Mais en réalité elle s'appelait Katharina, et elle était fière de ce long et beau prénom, qu'elle avait aussi écrit sur l'ardoise avec laquelle elle allait à l'école. Quand elle serait une femme, elle exigerait qu'on s'adresse à elle en disant " Katharina ", et le jour où il en viendrait un qui voudrait l'embrasser derrière la maison comme le Hans-Kaspar son Anna, elle lui dirait : seulement si tu me dis " Katharina ".
- Et la Kathrin, comment va-t-elle ? demanda la grand-mère.
Katharina sursauta et réfléchit un moment. Kathrin, cela voulait dire sa mère.
- Elle te fait bien saluer, répondit-elle, et Anna aussi.
- Et comment va-t-elle ? redemanda la grand-mère.
- Pas trop bien, répondit Katharina hésitante, elle est au lit et elle a de la peine à respirer.
Katharina raconta que Regula était allée chercher la sage-femme et que celle-ci voulait aller à la Meur ce soir.
- Dieu soit loué, dit la grand-mère, espérons que ça y soit bientôt, comme ça elle pourra de nouveau se lever et se remettre à la tâche, puis elle se tourna tout d'un coup vers Kaspar et lui demanda : " Tu te réjouis d'avoir un petit frère ou une petite sœur ? ".
Kaspar approuva prudemment de la tête. Il avait remarqué que cette question dissimulait un piège.
- Kaspar veut un petit frère, dit Katharina.
- Et toi ? demanda la grand-mère.
- Moi j'aimerais mieux une petite sœur.
La grand-mère se leva et alla à la porte de la cuisine.
- Tu as entendu ? cria-t-elle dans l'escalier, la sage-femme va chez la Kathrin aujourd'hui déjà !
En guise de réponse arrivèrent d'en haut les plaintes d'un nourrisson, et aussitôt après la voix apaisante d'une femme, sur quoi le poupon se tut.
" Elle bâfre comme un petit veau, celle-ci ! " cria la voix, puis le silence revint. La grand-mère referma la porte. Dans le fourneau, le bois crépitait. Quelque part dans le lointain, un fracas se fit entendre.
Kaspar s'arrêta de mâcher. Des larmes coulaient sur son visage.
- Te faut pas avoir peur, mon petit, dit la grand-mère en lui caressant la tête, l'orage est passé.
Kaspar continuait de pleurer dans son coin, presque immobile.
- Tu es chez ta grand-maman, continua la grand-mère, mange ton pain de poires et bois ton thé.
Mais le petit avait un tout autre souci, qui montait en lui comme un déluge dans la vallée, et où thé et pain de poires se noyaient.
- Mais qu'est-ce tu as ? demanda la grand-mère, dis-le donc à grand-maman.
Kaspar secouait la tête. Rien, il ne voulait rien dire.
La grand-mère se tourna vers Katharina.
- Tu sais ce qu'il a ? demanda-t-elle.
Katharina haussa les épaules.
- Ça va déjà lui passer.
Mais Kaspar continuait de pleurer. Il résonnait dans son oreille les voix de sa grand-mère et de sa sœur, et il comprenait ce qu'elles disaient, mais c'était comme si elles étaient devant la porte d'entrée et que dedans, où il était, il y avait une deuxième oreille, et dans cette oreille il entendait sa sœur dire : " Encore un morceau de rocher qui tombe sur notre maison. " Et devant ses yeux, la tasse de thé et le pain de poires et la table perdaient leurs contours nets, mais il y avait encore une seconde paire d'yeux, et il y avait un bon moment qu'il avait ouvert ces seconds yeux, et ils lui montraient un gros rocher qui s'abattait sur la maison dans laquelle il habitait et qui détruisait tout ce qu'il aimait, et ce n'était pas seulement le lit dans lequel il dormait avec Katharina et Jakob, et le cheval à bascule à propos duquel il se disputait avec Katharina, mais c'était aussi Züsi, le chat, et c'était, et là Kaspar fermait ses seconds yeux, - mais il voyait quand même - le bloc de rocher était assez gros pour écraser aussi papa et maman et Jakob et Regula et Anna, il ne voyait plus qu'un soulier de papa et un bras d'Anna dépasser de la maison écrabouillée. Et il lui faudrait boire du thé et manger du pain de poires ?
- Il s'est endormi, dit la grand-mère.
Katharina jeta un coup d'œil à son frère. Sa tête s'était affaissée sur le pain de poires comme sur un coussin, et la masse brune et sucrée commençait à sourdre lentement et à ramper de sa joue vers ses cheveux.
Katharina voulut lui soulever la tête par les cheveux pour en retirer le pain de poires, mais la grand-mère saisit la main de la fillette et la reposa sur la table.
- Laisse-le, dit-elle doucement, c'était quand même loin pour lui.
Puis elle se leva et dit : " Viens avec moi, tu peux m'aider à le mettre au lit, je le porte en haut dans votre chambre."
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La craie se mit à écrire lentement une phrase au tableau noir:
Une des choses les plus importantes au monde, c'est...

— Eh bien? dit l'éponge toute humide, en se rapprochant.

... l'éponge, écrivit très vite la craie.

— Ah bon, dit l'éponge avec un soupir de satisfaction.

Et elle se laissa retomber dans son support.
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