Étant entré dans l'exercice de l'art, alors qu'il est sous la domination de sentiments religieux et d'amertume sur le sort des misérables, et s'étant longtemps plus ou moins maintenu dans le même état d'esprit, toute son oeuvre produite en Hollande en garde l'indice. L'expression s'en trouve intense dans le tableau le plus important qu'il ait peint à cette époque: les Mangeurs de pommes de terre, des travailleurs attablés à un pauvre repas. Il a montré là, toute sa sympathie pour les humbles.
Claude Monet, parmi nos paysagistes, a eu le le premier la hardiesse d'aller aussi loin qu'eux dans ses colorations. Et c'est par là qu'il a le plus excité les railleries, car l'œil paresseux de l'Européen en est encore à prendre pour le bariolage la gamme de tons pourtant si vraie et si délicate des artistes du Japon.
Manet n’avait à ce moment où il était encore inconnu, que le poète Baudelaire pour le fréquenter dans son atelier, le comprendre et l’approuver. Baudelaire qui se piquait de ne reculer devant aucune audace, pour qui personne n’était assez osé, qui faisait depuis longtemps de la critique d’art, qu’il voulait tenir en dehors des voies battues, avait découvert en Manet l’homme hardi, capable d’innover. Il l’encourageait donc, il défendait ses œuvres les plus attaquées.
Whister a très bien dit, dans son Ten o’clock, que tous ceux-là avaient su reconnaître la beauté, dans les conditions de vie les plus diverses :
« Comme Rembrandt quand il découvrait une grandeur pittoresque et une noble dignité au quartier juif d’Amsterdam, sans regretter que ses habitants ne fussent pas des Grecs.
Comme Tintoret et Paul Véronèse parmi les Vénitiens, ne s’arrêtant pas à changer leurs brocarts de soie pour les draperies classiques d’Athènes.
Comme Vélasquez à la cour de Philippe, dont les Infantes, habillées de jupons inesthétiques, sont artistiquement de la même valeur que les marbres d’Elgin ».
Ainsi cette accusation élevée contre Manet, de violer toutes les règles jusqu’à ce jour admises, ne venait que de la médiocrité de vision du public, que de son étroitesse de jugement, que de son ignorance du passé, que de son amour de la routine et de sa complaisance pour la banalité.
Quand on écrit sur un peintre, on met généralement au titre : Sa vie et son oeuvre. Cela implique qu'il a pu se livrer à une certaine activité, exercer des fonctions, s'assurer des récompenses ou des honneurs, en dehors de ses poursuites strictes d'artiste, que la vie qu'il a menée et l'art qu'il a cultivé ont pu aller parallèlement et se développer côte à côte, mais en offrant cependant des parties distinctes et séparables, dans une certaine mesure. Tel n'a pas été le cas de Lautrec. Ce n'est pas sous l'influence d'une esthétique inculquée et de préceptes élaborés qu'il s'est porté vers Tart. Sa vocation a été spontanée.
Alfred Sisley, qui jusque-là avait vécu comme le fils d'une famille riche, se trouva tout à coup sans autres ressources que celles qu'il pourra tirer de son talent de peintre. Après 1870. il se donne donc tout entier à la peinture, à laquelle il lui faut désormais demander ses moyens d'existence pour lui et sa famille, car il est marié et a des enfants. A ce moment son ami Claude Monet avait, sous l'influence de Manet, adopté et développé le système des tons clairs et l'appliquait, à la peinture du paysage, directement devant la nature. Sisley s'approprie lui-même cette technique ; il peint en plein air, dans la gamme claire, On voit ainsi l'influence qu'exercent les uns sur les autres, au point de départ, des artistes en éveil, Manet sur Monet et Monet sur Sisley. D'ailleurs il faut répéter qu'il ne s'agit point ici de pastiche et d'imitation servile, mais d'une formule initiale que se communiquent, à la recherche de leur voie, des hommes foncièrement originaux, qui ne perdent jamais leur caractère propre. En effet, si dans le groupe impressionniste. Claude Monet et Sisley ne peuvent être, en quelque sorte, séparés, s'ils forment un couple, où les deux se ressemblent plus entre eux qu'à aucun des autres, ils conservent cependant, vis-à-vis l'un de l'autre, leur personnalité et ont chacun leur manière de voir et de sentir.
Et le mouton, comme il nous est présenté par Millet ! Non plus un être de convention peint pour l’effet pittoresque, mais la bête réelle admirablement observée et rendue avec tout son caractère intime et ses instincts, c’est-à-dire un animal lourd et stupide qui marche machinalement serré en troupeau pour n’avoir point à trouver son chemin, prêt à aller n’importe où, même à se jeter à la mer comme ceux de Dindenaud, par pure imbécillité et impuissance à se conduire.
Toyokouni de même que Shounshô, s'est surtout adonné à la reproduction des figures d'acteurs et des scènes de théâtre, sur les estampes en couleur et clans les livres. Il est cependant sorti de la spécialité des choses de théâtre, en illustrant des romans de Kyoden, de Bakin, les grands romanciers du temps, et dans les Mœurs du jour, il a donné, en couleur, un ouvrage analogue au livre d'Outamaro, Y Annuaire des Maisons vertes.
Le style de Toyokouni est libre d'allures et plein de mouvement. Le pinceau a été manié avec facilité, aussi la production de l'artiste a-t-elle été abondante. Il est mort en 1828. Il avait alors 56 ans et par conséquent, il serait né en 1772.
Evidemment l’Etat commande de la peinture au même titre que ses autres fournitures, et les peintres ne sont pour lui que des producteurs, comme ceux qui lui fournissent ses équipements militaires ou le mobilier de la couronne.
…
Quand l’Etat s’est adressé à Horace Vernet pour avoir des tableaux de bataille, il s’est trouvé posséder des œuvres de mérite, pourquoi ? parce qu’Horace Vernet, sur le terrain où on l’avait placé, était resté sur celui où son instinct l’avait déjà tout naturellement conduit, et où il s’était établi de lui-même. …. Aussi, … a-t-il produit de véritables œuvres d’art.
M. Jalabert peint de son côté une toile qu'il appelle une Veuve, où se trouve représentée la tristesse d'une veuve en même temps que la consolation qu'elle peut trouver dans ses enfants. Dans cette œuvre, voilà enfin le malheur rendu absolument agréable et joli, la tristesse et l'amour maternels tout ensemble exprimés d'une façon mièvre et affaiblie pour devenir un sujet d'agréable sensibilité et d'attendrissement mitigé, pour les femmes et les hommes élégants qui demandent que tout soit arrangé de manière à répondre à l'exacte nature' de leurs sensations en fait d'art, aussi une pareille toile me paraît-elle être un des triomphes de l'art bourgeois.