Maile Meloy

Ils s'étaient mariés pendant la guerre, un matin après la messe, dans la vieille église de la Mission à Santa Barbara. Teddy était solennel ; il prenait la cérémonie très au sérieux. Yvette, vêtue d'une simple robe ivoire et coiffée d'un chapeau à voilette, était troublée à l'idée de changer de vie et de nom, là, en Californie, et sans que ce soit son père qui la mène à l'autel. «Moi, Yvette Grenier, accepte de prendre pour époux Théodore Santerre...» Tout avait l'air formel et étrange, les mots semblaient prononcés par quelqu'un d'autre jusqu'à ce qu'elle se rende compte, étonnée, qu'il s'agissait d'elle.

Je me souvenais que le sortilège d'invisibilité se trouvait sur la page avec les lettres grecques en en-tête, juste après le Parfum de Vérité.

Clarissa ne voulait pas vivre un siècle. A trente ans passés, elle se sentait épuisée et malheureuse, l’idée de vivre encore soixante-dix ans n’était pas tenable. Couchée dans la luxueuse chambre d’ami de Margot, ses vêtements sales empilés dans un coin, elle pensa – et ce n’était pas la première fois – qu’elle aimerait se fondre dans la terre, devenir l’engrais d’un jardin, quelque part. Mais on ne se transforme pas en engrais quand on a un enfant.