Au lieu que la requête précède la révolte, il peut alors arriver que la révolte précède toute revendication, que le langage de la violence intervienne avant toute tentative d'expression de leurs plaintes. C'est alors au-delà de l'éclat, dans l'entraînement des évènements qu'ils essaient de réfléchir à leur entreprise, d'expliquer à eux-mêmes et aux autres les difficultés de leur situation. Cette intervention, la prise d'armes précédant la prise de plume, ne change pas l'opinion que les mécontents ont d'eux-mêmes. Ils assimilent leur attroupement à une autodéfense légitime.
La femme était ancestralement responsable et maîtresse de l'existence quotidienne de la famille, de l'achat ou de la fabrication du pain du ménage, de la tenue de la maison, de l'éducation des enfants. Elle était le coeur de la famille, la gardienne des traditions, le symbole du foyer. Éloignée des évasions masculines du cabaret ou de la foire, son univers se bornait aux taches obscures et vitales dont elle avait la charge. On a observé aujourd'hui que l'entrée des femmes dans le jeu politique se traduisait toujours par une concrétisation des problèmes.
La vie de brigands était magnifiée par des ballades et des complaintes dont les chanteurs locaux (cantastorie) débitaient les couplets nasillards. [...] L'imagination populaire se complaisait à lui attribuer un style de vie facile, d'abondance et de fête permanente, qui constituait une sorte d'utopie villageoise. Le brigand s'évadant hors de la routine admise par tous aurait ainsi été la projection des désirs, l'accomplissement des rêves.
Pour attester de la vigueur exceptionnelle d'un hiver, les scripteurs notent que l'encre gèle au bout de leur plume, que l'eau gèle dans la cruche posée sur leur table de toilette, ou qu'il gèle même au coin des feux les mieux alimentés. Ce qu'ils nous donnent aussi à voir, c'est l'extrême perméabilité des habitations anciennes aux infiltrations du froid. Cet état de fait ne semble choquer personne. Henri IV, un matin de janvier 1608, annonce sur un ton badin à son entourage que la nuit a dû être bien froide puisqu'il s'est réveillé avec la moustache toute gelée. (p. 39)
La prédication, les écoles et la pratique de l'écrit permettent un élargissement culturel qui touche les couches inférieures de la société. [...] font reposer leurs sermons sur la diversité des états de la société et cherchent à ce que chacun de ces états du monde gagne son salut. Tous peuvent y parvenir par une meilleure éducation, tous, sauf les métiers illicites, par exemple les fabricants de dés ! (p. 109)
Les gens simples sont justement ceux pour qui l'hiver est source de difficultés. Ce sont ceux qui peinent à se chauffer, ceux dont le corps est marqué par le froid, ceux qui endurent avec une résignation qui nous laisse stupéfaits la mauvaise saison en attendant des jours meilleurs. De ce fait, la souffrance provoquée par le froid est consubstantielle de l'appartenance à cette catégorie sociale. (pp. 44-45)
Les pauvres gens, étrangers à l'écriture par ignorance, incapacité ou misère, ne conservent que les écrits que la société exige d'eux pour les autoriser à habiter un lieu, à circuler sur les chemins, à travailler dans de petits métiers ou encore à survivre de mendicité et de secours. [...]
Deux sortes de traces s'y distinguent, celles du souvenir et celles de la nécessité sociale. (p. 11)