Le documentaire "Je ne suis pas votre Nègre" lui avait valu d'être nommé à l'Oscar du meilleur documentaire et de remporter le Prix du Public au Festival de Toronto ainsi qu'à la Berlinale, Raoul Peck revient aujourd'hui avec "Exterminate All the Brutes", une série documentaire en quatre épisodes et un livre du même titre.
Tirant notamment son titre d'une phrase du livre de Joseph Conrad, "Au coeur des tenebres", "Exterminate All the Brutes" montre à quel point l'histoire officielle est le fruit du pouvoir : la doctrine de la decouverte ou le récit officiel selon lequel les Etats-Unis seraient une « nation d'immigrants » nous viennent des récits et des silences des vainqueurs. Il s'agit dès lors, nous dit Raoul Peck, d'"essayer d'approcher l'autre histoire qui a été tue, qui a été réduite au silence".
Mettant en réseau les travaux de Sven Lindqvist (écrivain et historien suédois), auteur du livre "Exterminez toutes ces brutes !" en 1992 qui a inspiré cette démarche documentaire, mais aussi de l'historienne étasunienne Roxanne Dunbar-Ortiz et de l'anthropologue haïtien Michel-Rolph Trouillot, Raoul Peck propose d'autres perspectives. Il s'intéresse ainsi au point de vue des Amerindiens, des Africains, des Africains-Americains, et autres victimes des génocides et violences coloniales.
À l'aide d'archives familiales, de sequences de fiction et d'illustrations animees, un regard inédit qui bouscule les certitudes du spectateur. Là où le documentaire ne suffit plus, la fiction répond à la nécessité de "trouver une forme pour exprimer l'inexprimable".
Olivia Gesbert invite à sa table Raoul Peck pour nous présenter "Exterminate All the Brutes", à voir mardi 1er février 2022 à 20.50 sur ARTE et sur arte.tv du 25 janvier au 31 mai 2022.
#RaoulPeck #ExterminateAllTheBrutes
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Ce savoir pourrait également être formulé en des termes généraux et scientifiques. L’impérialisme est un processus biologique nécessaire qui, selon les lois de la nature, conduit à la destruction inévitable des races inférieures. Voilà ce que l’on pourrait dire.
Vous en savez déjà suffisamment. Moi aussi. Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut. Ce qui nous manque, c’est le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences.
La guerre offre un raccourci vers le statut d'adulte. Mais seulement pour celui qui arrive à surmonter sa peur. Seulement pour celui qui a le courage d'entendre : "Maintenant tu es mort", et de répondre : "Oui, maintenant je suis mort". (p. 152)
Nos évêques poussent des cris d'orfraie quand les Turcs violent les Arméniens, mais ils ne disent mot sur les crimes bien pires commis par leurs compatriotes. Les coeurs britanniques hypocrites battent pour tous, excepté pour tous ceux que leur empire noie dans le sang. Ce Dieu qui a créé des gens comme nous, ne doit-il pas être un fou ?
[p135]
Si, une fois, lorsque Tonnessen, le philosophe norvégien, est venu nous donner une conférence. Il a dit les choses suivantes :
Naître, c'est comme de sauter du haut d'un gratte-ciel.
Vivre est une chute ininterrompue vers la mort.
[...]
La société, l'art, la culture, toute la civilisation humaine ne sont que des faux-fuyants, une vaste illusion collective dont le but est de nous faire oublier que nous ne cessons de chuter et que chaque instant nous rapproche de la mort.
[p159]
Le pasteur de Lord Grey, le père Bihler, était convaincu qu'il fallait exterminer les Noirs. "Il soutient que la seule chance pour l'avenir de cette race est d'exterminer toute la population, mâles et femelles, au-dessus de quatorze ans.", écrivit Grey à sa femme, le 23 janvier 1897. De son côté, il refusait de souscrire à une conclusion aussi pessimiste. Mais l'idée de l'extermination était à portée de main, fort tentante, et la presse de l'homme blanc ne cessait de la reprendre.
[p106]
Terra nullius. Du latin terra, terre, sol, pays, et nullius, personne.
En d’autres termes : la terre qui n’appartient à personne. Ou du moins à personne digne de ce nom.
Le nourrisson hurle de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi ; à cette heure, il est tellement épuisé qu'il pousse à peine quelques gémissements pitoyables.
Si un adulte criait d'une manière aussi douloureuse, aussi torturée, combien de temps se passerait-il avant que quelqu'un ne réagisse ? Mais les enfants - les enfants pleurent, c'est bien connu. Tout le monde semble trouver la chose parfaitement naturelle.
[p117-118]
L'anéantissement du bison fut particulièrement rapide et complet. Les phoques, les baleines du Groenland et bien d'autres animaux sont confrontés à un sort aussi funeste. Comprennent-ils ce qui se passe ? Les derniers survivants d'espèces en voie de disparition ressentent-ils dans leur coeur l'effroi de la solitude ?
[p132]