Marseille aurait pu être en ces derniers jours de l'Europe l'ultime porte de la liberté. Pétain et sa police en on fait le dernier piège sur le terrain de chasse européen de Hitler. C'était une sorte de chasse vile, basse. Il faut remonter loin dans l'histoire de l'inhumanité pour retrouver quelque chose de semblable. (...) Ce n'était pas des lièvres, ni des renards, ni des chevreuils que l'on chassait à Marseille. C'étaient des Juifs, des Tchèques, des Polonais, des Autrichiens, des Lituaniens - des hommes venus de tous les districts de chasse occupés par Hitler. Les rabatteurs étaient des généraux, des employés ministériels et des policiers.
Cette fois, je vis ce qui allait arriver. Un homme fort, par quoi va-t-il commencer pour prouver sa force ? Par ce que font tous les hommes forts: porter un coup très vigoureux aux très faibles. Et qui était l'homme le plus faible en France ? L'émigrant. (arrivée de Georges Mandel au ministère de l'intérieur en mai 1940)
"Ces bœufs suivent l'animal de tête aveuglément...vraiment : le troupeau est si grand qu'à part quelques-uns, ils ne voient pas la vache qu'ils suivent, mais en ressentent-ils le besoin ?
- C'est comme les hommes avec leurs meneurs, confirma Jankel. Sauf qu'il y a une différence en faveur des bœufs. La vache de tête, comme on te l'a appris sans doute, se dirige selon la qualité du pré. S'il lui passait par la tête de conduire le troupeau vers la mauvaise herbe, le troupeau ne la suivrait pas. Les hommes eux, non seulement peuvent voir leur meneur, mais ils l'admirent et le suivent n'importe où, et souvent, ils en crèvent."
"Qu'aucune tristesse n'envahisse ces pages, c'est ce que je souhaite, mais ce souhait ne saura guère exaucé. Non qu'il soit impossible de penser sans tristesse à sa propre mort. Il n'y a pas de mort, il n'y a que la fin de la vie. Et tant que je peux écrire sur ces feuilles, je ne suis pas en train de dire adieu à la vie. Seulement, la tristesse ne vient pas de cet adieu. Elle vient de la vie, quand on la pense. Quand on la vit, il n'y a guère de place pour la tristesse. Mais si on la pense, il y a tant de tristesse qu'elle dispute sa place à la vie. Le soldat en guerre, pourrait-on croire - et c'est aussi ce que l'on croit, de manière insensée -, le soldat au combat est un homme en extrême activité, dans la vraie réalité, donc. Ce n'est pas vrai. Le soldat, il tire et transperce et tue. Il le fait comme en rêve. Ce n'est pas cela, sa réalité. Le tir, le coup de baïonnette, le meurtre ne sont la réalité du soldat que pour le spectateur. La réalité, pour le soldat, c'est penser à la vie. C'est cela, sa vérité. Tout le reste est ivresse et mensonge, tromperie des autres et de soi-même."
Chez lui, l'alcool chassait immédiatement le pire ennui, la plus profonde douleur. N'avait-il donc pas raison de boire ? me suis-je demandé par la suite. Et aujourd'hui encore, je me pose cette question : son démon, l'alcool, ne lui a-t-il fait que du mal (...) N'est-il pas à compter parmi les sages qui sont partis avant le temps ?
- J'ai décidé de conclure un pacte avec toi, maintenant que nous sommes devenus amis : quand l'un de nous deux est fâché contre l'autre, il doit lui donner un signe en lui écrivant tout de suite une lettre avec "Cher Monsieur". Cela signifiera qu'il y a un point à éclaircir entre nous. Ce que nous ferons toujours de vive voix, pas par écrit. Quand on commence à mettre par écrit ce genre de choses, ça tourne mal.
La honte qui avait frappé la famille une génération plus tôt n’était pas de celles qui s’effacent. La tache resterait éternellement. Ne pas le reconnaître eût été insensé. Son frère s’étant égaré, la considération d’une grande lignée d’hommes pieux était perdue, la fierté brisée, et finie la cohésion de la famille. Il ne pouvait s’ensuivre qu’une déchéance. Que vinssent de nouvelles générations, même meilleures et plus fortes que les précédentes - mais c’était déjà un péché de penser que de telles générations pussent encore venir - elles ne pourraient jamais réparer ce qui avait été une fois commis…
Un courant d'air parcourut la terrasse toujours aussi bondée et bariolée, poussa jusqu'aux fenêtres, et rafraîchit la fraîcheur déjà usé de la salle sombre, où, le store de la terrasse une fois ramené, les ombres du soir, légères et frisquettes, pénétrèrent, refoulant le crépuscule artificiel et lourd à l'arrière-plan ; et le premier plan s'éclaircit de lumière naturelle et douce.
Au-dessus des chaumières, des cheminées de brique poussaient des bouffées de fumée épaisse, qui s'élevaient en chandelle dans l'air bleu. Dehors, dans les cours, les hommes rangeaient la semaine de travail ; dans les maisons des femmes mettaient à cuire le dimanche.