Malgré que Flaubert en considérait l'idée comme malencontreuse, il était inévitable que le théâtre s'emparât d'une oeuvre telle que "Madame Bovary".
Pourtant Flaubert, objectant que le sujet de son roman n'était pas théâtral, refusa, tant qu'il vécut, toutes les mises en scène qu'ils lui furent proposées.
Cinquante ans plus tard, un dénommé William Busnach, qui avait déjà adapté "L’assommoir", "Nana" et "Pot bouille" de Zola, annonça une adaptation contre laquelle Lucien Descaves écrivit un violent et fameux article intitulé "la femme coupée en morceaux".
Réjane, après avoirs longuement hésité, puis Berthe Bady refusèrent de s'y engager.
La pièce, jouée en février 1906 au théâtre des Arts à Rouen, fut un échec.
Elle ne fut, ni éditée, ni reprise à Paris.
En 1936, ayant obtenu l'accord des héritiers de Flaubert, Gaston Baty va oser faire monter à nouveau Emma Bovary sur les planches.
Il s'en explique, à l'époque, longuement dans un article du "Figaro Littéraire" ...
Un soir, en 1840, à Yonville-l'Abbaye, à l'auberge du Lion d'Or, on attend le nouveau médecin.
Car Homais, le pharmacien, ne peut, depuis que la loi du 19 ventôse an XI le lui interdit, porter un diagnostique et combattre la maladie à l'aide de la science.
Ce soir-là, il attend donc Charles Bovary, un simple officier de santé, que l'on dit fort capable, qui était établi depuis quatre ans à Tostes et commençait à s'y poser.
Mais, paraît-il, que le climat s'y révélait pernicieux à sa femme et qu'elle dût, sans rémission, changer d'air ....
La pièce est découpée en une vingtaine de tableaux.
Elle a été représentée, pour la première fois, à Paris, le 9 octobre 1936, au théâtre Montparnasse.
Malgré l'opposition, dans la presse, de certains "littérateurs intransigeants", la pièce a été le plus souvent accueillie avec d'excellentes critiques.
Lucien Descaves, lui-même, est enthousiaste.
Aujourd'hui, grâce à sa redécouverte dans ce 401ème numéro de "La Petite Illustration", la pièce de Gaston Baty nous fait pénétrer dans l'intimité du fameux roman de Flaubert.
Une vingtaine de photographies, les critiques de presse faisant écho à la répétition générale et un brillant commentaire de Robert de Beauplan sont ajoutés au texte intégral de la pièce.
Pouvait-on imaginer plus agréable manière de se replonger, d'une manière vivante mais sans le déformer, dans ce formidable chef-d’œuvre de Flaubert ...
* écrit grâce aux suppléments et aux commentaires extraits du 401ème numéro de "La Petite Illustration" paru le 28 novembre 1936.
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Une adhésion précieuse est celle de Mr Lucien Descaves, qui avait naguère mené une si vigoureuse campagne contre la malencontreuse adaptation de William Busnach.
Dans "L'Intransigeant", il écrit cette fois :
"Comment ne louerais-je Gaston Baty, dont l'adaptation de "Madame Bovary" m'a rajeuni de trente ans !
Je n'ai pas changé d'avis à l'égard de feu Busnach. Dennery ait son âme !
Mais de l'eau a coulé sous les ponts et pourquoi en userait-on pas à présent envers Flaubert comme envers Balzac, dont "La Rabouilleuse", autre chef d’œuvre porté à la scène par Émile Fabre, entre justement au répertoire de la Comédie Française !
L'excuse de Gaston Baty - s'il en avait besoin d'une - serait de n'avoir pas enfermé, à la mode d'autrefois, l'action en cinq actes et de l'avoir développée en vingt tableaux colorés, rapides à la manière du cinéma, mais d'un cinéma illustrant et sonorisant l’œuvre avec une intelligence, un tact, un respect et même une dévotion qui absolvent l'adaptateur non plus sacrilège mais audacieux seulement" ...
Il est superflu de revenir sur la beauté spectaculaire de cette suite de tableaux.
Elle enchante tous ceux qui les voient.
Les nombreuses images qui accompagnent ce fascicule ne peuvent donner, malgré leur pittoresque, qu'une idée approximative de cette poésie vivante ...
(extrait de "La Petite Illustration" n° 401 du 28 novembre 1936)
Ordre des tableaux :
Dans la première partie : "Le lion d'or" (mars 1840) - "La grand rue d'Yonville" - "Salon des Homais" - "Salle chez les Bovary (avril 1840) - "Devant l'église" (mai 1840) - "Salle chez les Bovary" (juin 1840) ...
Dans la deuxième partie : "La pharmacie" (septembre 1840) - "La plage" - "Chambre d'Emma" (octobre 1840) - "La Huchette" (janvier 1841) - "La pharmacie" - "Le jardin" (mai 1841) - "Juillet" (1841) ...
Dans la troisième partie : "Théâtre de Rouen" (avril 1842) - "Hôtel des empereurs" (mai 1842) - "Le jardin" (août 1842) - "Hôtel des empereurs" (mars 1843) - "Chez Lheureux" - "Le jardin" - "La chambre et au delà" ...
Gaston Baty ou l'enfant du pays sans nom.