"
Dulcinée" est une pièce inspirée par "
Don Quichotte".
Mais ce n'est pas une adaptation du chef d'oeuvre de
Cervantès.
C'est une oeuvre originale pleine de fantaisie.
Si l'on y retrouve quelques uns des personnages du roman - notamment
Dulcinée et Sancho Paça -
Don Quichotte, lui, n'y apparaît pas.
Dans un avant-propos inséré au programme du théâtre "Montparnasse" où fût jouée, pour la première fois, cette magnifique pièce, l'auteur,
Gaston Baty, explique son propos :
"Dès les premières pages du roman, le bonhomme Alonzo Quixano, la tête troublée par la lecture des "Amadis", décide de quitter son village et de s'en aller chercher de glorieuses aventures.
Il s'appellera désormais
Don Quichotte de la Manche.
Cependant, à tout chevalier errant il faut un écuyer et "une dame de ses pensées".
L'écuyer est facile à trouver : son voisin, le laboureur Sancho Paça.
Pour la dame, qu'importe qu'elle soit imaginaire, pourvu qu'elle soit princesse et qu'elle ait un nom magnifique.
Sancho, muni d'une tendre missive, est chargé de la trouver.
Il ne dépasse pas la première auberge qu'il trouve sur son chemin.
Dans le roman de
Cervantès, l'écuyer, revenu près de son maître, fait à celui-ci un récit très "imagé" de son ambassade manquée.
Gaston Baty imagine, lui, que Sancho est allé jusqu'à Toboso et qu'il a remis la lettre d'amour à une pauvre fille.
L'humble servante d'auberge, stupéfaite et reconnaissante pour le seul homme qui ne la méprise pas, veut faire sa connaissance.
Quand elle arrive, il est trop tard
Don Quichotte vient d'expirer.
Mais
Dulcinée, transformée par cet amour, n'oubliera jamais et devient une autre femme....
Gaston Baty, l'un des meilleurs écrivains que le Théâtre nous ait jamais offert, livre, avec cette pièce, une oeuvre très littéraire.
Le texte, libéré de sa mise en scène, vit par lui-même.
Par un malicieux renversement de situation,
Gaston Baty amène à la vie cet invisible personnage de
Dulcinée qui dans le roman de
Cervantès était si absent et occulte adroitement celui de
Don Quichotte.
Il souffle, à travers cette pièce, un vent de poésie populaire et truculente qui, traversant les décennies grâce à ce numéro de "
La Petite Illustration", parvient à nous donner, aujourd'hui, encore beaucoup de plaisir à sa lecture.