Il est bon de lire des souvenirs qui respirent le bonheur simple, l'enfance heureuse et paisible qui bénie ses parents, son pays et vénère ses racines (ça change de nos contemporains !). Frédéric Mistral a pourtant vécu dans un siècle déchiré ; politiquement républicain pendant la révolution de 1848 il était opposé à son père royaliste. Il n'empêche qu'il rend hommage à son père et à sa mère, à leur foi naïve et solide de campagnards, aux traditions qu'ils lui ont inculquées et à la langue qu'ils lui ont transmise.
« Mon enfance première se passa donc au Mas, en compagnie des laboureurs, des faucheurs et des pâtres, et quand, parfois, passait au Mas quelque bourgeois, de ceux-là qui affectent de ne parler que français, moi, tout interloqué et même humilié de voir que mes parents devenaient soudain révérencieux pour lui, comme s'il était plus qu'eux :
– D'où vient, leur demandais-je, que cet homme ne parle pas comme nous ?
– Parce que c'est un monsieur, me répondait-on.
– Eh bien ! faisais-je alors d'un petit air farouche, moi, je ne veux pas être monsieur. »
Ces souvenirs, prétextes pour rapporter de vielles traditions, des contes de veillées, mêlés à des idylles virgiliennes, des chants de troubadours, ont été écrit en provençal, et c'est un peu dommage de ne pouvoir lire que la traduction française, parce qu'il est vrai que le côté informatif sur la vie personnelle de Frédéric Mistral est assez mince. On lit les chapitres comme une suite de petits contes qui célèbrent davantage la chère Provence de Mistral que sa petite personne.
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Aujourd'hui, avec l'étroitesse du système brutal qui ne veut plus tenir compte des ailes de l'enfance, des instincts angéliques de l'imagination naissante, de son besoin de merveilleux, - qui fait les saints et les héros, les poètes et les artistes, - aujourd'hui, dès que l'enfant naît, avec la science nue et crue on lui dessèche coeur et âme... Eh ! Pauvres lunatiques ! Avec l'âge et l'école, surtout l'école de la vie vécue, on ne l'apprend que trop tôt, la réalité mesquine et la désillusion analytique, scientifique, de tout ce qui nous enchanta.
Vouliez-vous, pour berceau d’un rêve glorieux, pour l’épanouissement d’une fleur d’idéal, un lieu plus favorable que cette cour d’amour discrète, au belvédère d’un coteau, au milieu des lointains azurés et sereins, avec une volée de jeunes qui adoraient le Beau sous les trois espèces : Poésie, Amour, Provence, identiques pour eux, et quelques demoiselles gracieuses, rieuses, pour leur faire compagnie !
Le miracle est arrivé ! Il se nomme Mirèio, le poème que Frédéric Mistral, le fondateur du Félibrige, publie en 1859, au mitan du siècle des nationalités. À partir de là, et jusqu'à aujourd'hui, va fleurir, au Sud, une immense renaissance des langues et des littératures. En Provence, mais aussi dans le Languedoc, la Gascogne, le Limousin et l'Auvergne. C'est cette saga culturelle du Midi que raconte ici, avec science et style, Stéphane Giocanti.
Qui sont ces rebelles en butte au jacobinisme et à la stigmatisation des « patois » ? Quelle a été leur fabuleuse aventure héroïque et collective ? Quel rôle l'occitanisme a-t-il joué au sein de ce réveil ? Comment ce renouveau a-t-il influencé Alphonse Daudet, Jean Giono ou Marcel Pagnol ? Que reste-t-il de ce rêve à l'heure où les locuteurs naturels connaissent un crépuscule ? Et que nous dit cette résistance alors que la France s'interroge sur son avenir ?
Avec ce panorama inégalé, complet et clair, alerte et accessible, Stéphane Giocanti nous initie comme jamais au Sud, à sa terre et à son ciel, à ses peuples et à ses parlers. Une célébration lumineuse.
Essayiste et romancier, Stéphane Giocanti est, entre autres, l'auteur de T. S. Eliot ou le monde en poussières, C'était les Daudet, Une histoire politique de la littérature ainsi que de Kamikaze d'été.
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