"
The girl with no soul" est le premier roman de
Morgan Owen, paru au Royaume-Uni en mars dernier, et à paraître en France dans quelques jours. Elle nous invite à découvrir un univers particulier, où règnent la peur et la privation de liberté (liberté de penser et de s'exprimer essentiellement). En cela, j'ai trouvé beaucoup de similitudes avec "
1984", le célèbre roman de
George Orwell, notamment dans le fait d'être constamment observé, non pas par des écrans mais par les Yeux implantés un peu partout dans les rues et les bâtiments. L'État n'est pas représenté par Big Brother, mais par Tristan Obscura, figure imposante de l'une des cinq Maisons nobles et qui s'est auto-proclamé dirigeant de l'Ordre. Et quand nos pensées divergent de celle de l'Ordre, nous sommes considérés comme une menace : nous ne disparaissons pas, mais nous sommes en revanche "invités" à faire un tour au Reformatorium afin de rééquilibrer notre âme.
Et depuis qu'Obscura a trouvé la manière de transformer l'âme en matière, c'est d'autant plus facile de contrôler tout un chacun. Chaque âme se découpe en cinq parties : l'ombre, l'esprit, la mélodie, le coeur et l'étincelle, chacune étant respectivement une prédominante des cinq Maisons nobles. Une âme complète présente ces cinq caractéristiques, à des degrés plus ou moins élevés.
Mais Iris, elle, a une âme vide : elle n'a pas de mémoire, pas de personnalité, pas de craintes, pas de rêves, pas de sentiments. Les Yeux ne la voient même pas et personne ne la remarque et ne se souvient d'elle. Voilà un an qu'elle vit de ses vols de vestiges, ces objets qui contiennent des souvenirs que la Comtesse convoite tant. Ce qu'elle était et faisait auparavant ? Elle n'en sait fichtrement rien et son âme vide l'empêche de s'en soucier. Mais un jour qu'elle vole une bague appartenant à la Maison Renato, son Étincelle se réveille à son simple contact. Les Yeux la signalent, la voilà traquée dans tous les coins de rue. Mais ayant retrouvé une partie de son âme, le besoin de comprendre qui elle est surgit. Pour cela, il lui faut chercher les quatre parties manquantes. Cette quête l'amènera à faire équipe avec la rébellion, dont les membres sont eux aussi recherchés et traqués...
Dystopie, société de contrôle, atteinte à la liberté sont les thèmes qui dominent l'histoire, nous offrant une ambiance sombre, inquiétante, oppressante, qui nous accompagne tout au long de notre lecture. le fondement de cette société, dictature appelée l'Ordre et qui demeure inébranlable depuis plusieurs siècles, est rigoureusement développé, bien expliqué, et de ce fait nettement bien implanté. le contexte dans lequel se déroulent les événements serait presque, du coup, un personnage à part entière.
Mais tout n'est pas noir dans cette histoire. La peur prédomine évidemment, l'urgence également, l'incompréhension, les souvenirs douloureux ou au contraire la douleur de ne pas se souvenir. Mais il y a quand même quelques éclats de lumière : amitié, amour, solidarité, réconfort, manques comblés, qui prennent davantage de place au fur et à mesure que l'on s'approche du dénouement.
Le personnage d'Iris, jeune fille en quête de soi, s'impose, et de plus en plus au fur et à mesure qu'elle récupère les parties de son âme. Solitaire et transparente au début, elle nous est révélée petit à petit : on la découvre rebelle dans l'âme, on est à ses côtés lorsqu'elle apprend à faire équipe et à vivre avec les autres, lorsqu'elle découvre son passé et ses origines, ou encore lorsqu'elle acquiert les sentiments de base (peur, joie, tristesse, amour, amitié, jalousie, colère). La narration étant à la première personne, nous sommes par conséquent proche d'elle et de ses ressentiments, on l'accompagne partout dans ses (més)aventures. J'ai beaucoup aimé également le personnage d'Evander, énigmatique et plutôt taiseux, très secret, abritant un mal-être qui lui fait perdre sa confiance et son assurance.
L'intrigue est plutôt bien ficelée, le passé d'Iris nous est dévoilé au compte-gouttes et nous garde éveillés. Rebondissements et retournements de situation ne manquent pas à l'appel. Et j'ai bien aimé cette façon de compartimenter l'âme humaine, octroyant à certains protagonistes des dons surnaturels en fonction du composant prédominant (feu ardent, ombre démoniaque, voix envoûtante, mentalisme, etc), donnant un aspect fantastique à l'histoire, très appréciable.
Le dénouement était quelque peu prévisible, mais il y a eu tout de même quelques jolies surprises.
Riche en aventure et en action, avec des personnages bien campés et attachants, une intrigue bien construite, et un contexte et une atmosphère bien présents, je viens de passer un excellent moment de lecture. Je remercie Babelio et les éditions
La Martinière pour la sélection et l'envoi de cet ouvrage, m'ayant permis de le découvrir en avant-première grâce à une masse critique privilégiée, ouvrage dont la couverture est aussi belle que son contenu est captivant. Je ne regrette qu'une chose : le happy-end laisse à penser qu'il n'y aura pas de suite, c'est bien dommage, j'aurais bien aimé retrouvé Iris et Evander pour d'autres aventures dans cet univers qui m'a particulièrement plu.