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Le Visage Vert (21/06/2014)
4.67/5   3 notes
Résumé :
« Et, cet animal dont Keiko sent maintenant l'odeur mouillée, gémit,-gronde, et prononce horriblement, au beau milieu de sa plainte informe, le nom de mère. Keiko tend la main vers la bêle, la secoue, pour la chasser — « Mère, mère... » — rentre dans la maison, fait claquer sur le montant de la porte-fenêtre le loquet de la vitre coulissante. La bête s'avance ; Keiko ne voit que le fond de ses yeux briller, presque orange, de l'autre côté de la vitre. Elle tire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce recueil de sept nouvelles, toutes fantastiques, d'Anne-Sylvie Salzman illustré par Stepan Ueding, paraît ce mois-ci (Juin 2014) aux éditions le Visage Vert.
Divisé en trois parties, -Filles perdues, Crucifixions et Vivre sauvage dans les villes-, ces nouvelles explorent les terreurs enfouies au plus profond de l'homme, les thèmes de la folie et des monstres, de l'enfantement et de l'animalité, thèmes déjà présents dans «Lamont» (2009, le Visage Vert) mais abordés ici de façon encore plus terrifiante, charnelle et monstrueuse, avec le talent de conteur d'Anne-Sylvie Salzman, qui laisse toujours une grande place au lecteur, dont l'imagination doit accomplir une grande partie du chemin.

FILLES PERDUES

Dans «Fox into lady», une jeune femme, Keiko, souffrant de douleurs incompréhensibles au ventre, donne soudain naissance à un petit animal au poil brun, de la taille d'une taupe. Envers éprouvant du récit de David Garnett («La femme changée en renard»), cette nouvelle impressionnante s'enracine dans la peur de la maternité, de l'enfantement d'une créature anormale, dans l'angoisse de l'enfant transformé en menace.

«La nuit venue, Keiko descend voir si la bête est morte ; elle ne l'est pas ; couchée dans un coin du carton, elle tremble quand Keiko la touche et paraît cependant avoir grossi. En remontant dans sa chambre, Keiko prend peur. le regard neuf de la bête, noir et liquide, lui colle aux talons et remonte le long de sa jambe jusqu'au nid muqueux dont elle s'est détachée.»

Dans «La brèche», instillant par touches un malaise dérangeant, à partir d'une situation presque anodine, deux femmes venues d'Angleterre dans un mobil home avec un enfant et un chien, et qui se sont arrêtées au bord d'une plage dans les dunes, Anne-Sylvie Salzman nous laisse pressentir le pire, ouvrant finalement un abîme sous nos pieds.

«Le chemin de halage» est une vision terrifiante des fantasmes de pillage charnel qui peuvent surgir à l'adolescence, nés de l'imagination et des interdits parentaux, ici l'interdiction d'emprunter le chemin de halage. Mais s'agit-il uniquement de fantasmes ?

«Les pirates allument d'énormes soleils au plafond de sa chambre et, ricanant, se repaissent des membres d'Ada. Son esprit sans corps devenu une chevêche gris-blanc, elle vole entre les étoiles, se voit couchée sur les rochers noirs et coupants d'un rivage tropical, écorchée par les marins, rôtie sur les pierres brûlantes, avalée muscle à muscle. Les cannibales se gardent les yeux, la langue, les joues pour la fin. Mais dévorée vivante des centaines de fois, Ada se lasse fatalement de ces pilleurs. Pendant des mois, elle essaie par tous les moyens de chasser ces démons qu'elle a si bêtement conviés. Elle ne retrouve pas sa chair, lui semble-t-il. Quand les assassins sont partis, les vautours et les labbes l'ont nettoyée jusqu'au dernier lambeau.»

CRUCIFIXIONS

«Shioge» m'a rappelé les grands classiques du fantastique du XIXème siècle, dans une atmosphère de nature sauvage et inquiétante, ou le troupeau du berger Shioge est décimé par une bête invisible, un mal aussi inexplicable qu'inéluctable.

On retrouve l'ambiance de la lande écossaise et isolée dans «Au pied du phare», une très belle nouvelle opaque, impossible à évoquer sans en déflorer le contenu.

«La main voyante», récit et confession d'un fabricant d'yeux de verre, qui entre en résonance avec «Mémoire de l'oeil» (dans Lamont), est tout simplement glaçante.

VIVRE SAUVAGE DANS LES VILLES

Cette dernière nouvelle est pour moi l'apogée d'un recueil exceptionnel de bout en bout, où une jeune femme de vingt ans quitte le domicile de ses parents pour se transformer en une créature plus sauvage qu'une bête, un récit fantastique en écho profond à la sauvagerie et à la difficulté de survivre au coeur de la folie des villes contemporaines.

«Vint une nuit où, ses parents absents, elle sortit de leur maison et s'assit – nue, pensait-elle – sur le trottoir d'en face pour regarder en étrangère la façade couleur foie. Elle descendit vers l'autoroute, empruntant les vieux chemins, et marcha sans croiser une voiture vers Paris. La traversée du tunnel qui passait sous le parc de la Cité universitaire lui procura une peur infinie. La peau lui fondait sur la chair. Parvenue de l'autre côté, elle se hâta de retrouver les rues, la surface. Avenue de la Neva, le coq des voisins salua son retour. Elle avait les pieds en sang et dormit longtemps. Après cette expédition, elle n'alla plus jamais à l'université. le sérieux morne qu'elle avait mis jusqu'ici à ses études s'était perdu dans le tunnel. Ou la danse exécutée sur la passerelle, au retour – comment savoir ?»
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Transmuter ordinaire et bizarre en inquiétude vitale, en 7 nouvelles insidieuses et racées.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/11/11/note-de-lecture-vivre-sauvage-dans-les-villes-anne-sylvie-salzman/
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Extrait de ma chronique :

"Rien d'étonnant donc à ce qu'Anne-Sylvie Salzman revendique une filiation avec l'ero-guro-nansensu, ce mouvement littéraire japonais né dans l'entre-deux guerres et inspiré du fantastique occidental ; ses nouvelles fantastiques convoquent bel et bien, en effet :

– l'érotique (entendu, comme le fait la critique Miriam Silverberg page 29 de son ouvrage sur le sujet, au sens large, à savoir "la différence et le désir", voir notamment la section "Filles perdues" du recueil) ;

– le grotesque (il n'est pas anodin que son éditeur italien ait publié ses nouvelles sous le titre Lacérations, car les corps sont souvent mis à mal dans ses nouvelles, et pas seulement dans la section "Crucifixions" du recueil) ;

– le non-sense (à la Lewis Carroll, dans la mesure où nous ignorerons, la plupart du temps, pourquoi les personnages sont confrontés à de tels phénomènes, j'y reviendrai)."

Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il alluma la télévision et se servit un whisky avec des glaçons qu’il fit machinalement tinter en regardant, sans les voir, deux jeunes femmes qui donnaient des cours de cuisine indienne. Juste au-dessus de la porte, une lucarne rectangulaire montrait le haut de la colline qui surplombait le lac. Le bleu-noir de la montagne fut traversé par un lent faisceau de lumière : une auto ? Il n’y avait pas de route carrossable là-haut. Un gosse sur une moto de cross ? Crane partit un peu avant minuit, avec, dans un petit sac à dos, la bouteille de whisky, une paire de jumelles, une lampe torche et sa couverture bleue. Il monta jusqu’au chemin du phare. Des agneaux, le cul jaune, bêlaient.
Le phare, la falaise ? La falaise l’emporta. Du sommet on verrait mieux venir les forces ennemies. Au phare, malgré l’heure tardive, il craignait de rencontrer Katie ou les locataires, sortis regarder les étoiles et fumer. Il faudrait leur parler : lui, Crane, n’avait plus rien à dire. Mieux encore, en descendant au lac, les cuisses douloureuses, il dut se rendre compte obscurément qu’il avait perdu jusqu’à sa voix intérieure, laquelle, fabrique à digressions, lui avait pourtant tenu compagnie depuis l’enfance. De l’autre côté du lac, la pente était rude. Il glissa dans un trou d’eau et se releva, trempé jusqu’aux genoux. S’il avait fait plein jour et grand soleil, il se serait déshabillté et se serait enduit le visage et le torse de boue – la nuit était fraîche et il n’y avait plus place dans son esprit pour ces jeux enfantins. (« Au pied du phare »)
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La sœur dort, la main droite sur la poitrine ; elle ronfle très légèrement ; ses lèvres esquissent de temps en temps un mouvement de succion. Keiko la regarde dormir ; la terreur s’empare de chacun de ses muscles jusqu’à anéantir ses forces. Elle s’imagine un instant n’être que peau tendue sur une immense, informe, palpitante amibe. La peau explose, Keiko retourne au désordre protozoaire. Ni les lendemains, ni les jours qui suivent, Keiko ne parle à sa sœur de la créature si inopinément venue au monde. La caisse est cachée dans un placard du vestibule que la sœur, se dit Keiko, jamais n’ouvrira. Du reste, Keiko ne parle à personne de cette naissance illégitime. L’envie ne lui manque pas – mais les mots ? Le premier jour, étant partie sans même rendre visite à la bête en son enfance (« Pourvu qu’elle meure ! »), Keiko vers midi est saisie d’une épouvante sans nom. La sœur aura trouvé l’animal, l’aura porté chez le vétérinaire – aura ainsi rendu son apparition misérablement officielle. (« Fox into Lady »)
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Les parents d’Ada lui interdisent d’emprunter le chemin qui, partant de la ville, parvient à l’autoroute et ce faisant longe des marinas improvisées le long de l’Ouse : les bateaux qui s’arriment là ne le font pas dans les règles. Y vivent des mariniers effrayants et silencieux dont les chiens sont galeux et les femmes moroses. Des filles se sont noyées là, corps et âme. Et lorsqu’elles ont survécu, elles se sont mariées sur le chemin de halage, un sort sans doute plus terrible que la mort. Le soir, elles se baignent nues dans la rivière brune et offrent leur poitrine aux mariniers cruels, qui les battent et les mordent et les font saigner et gémir – songe Ada. Car il y a des enfants au milieu de toute cette vermine, œuvres de la chair, bien sûr, et non pas de la boueuse rivière. (« Le chemin de halage »)
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Videos de Anne-Sylvie Salzman (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Anne-Sylvie Salzman
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