L'été agonise.
Les torses nus vont se recouvrir, les rires pompeux vont s’essouffler ; les veillées tardives, le farniente, les grasses matinées – pfuit ! — confisqués… Qu’elles sont loin, les filles appétissantes, admirablement callipyges, qui se laissaient piéger comme des biches autour de baratins abracadabrants ; qu'ils sont loin les cornets d'ice-cream et les hauts verres de citronnade que l'on dégustait sur les terrasses comme s'il s'agissait de nourriture céleste ; qu’elles sont loin les parades nuptiales que l'on exécutait sur l'esplanade, les biceps dopés et la frime plus grande qu'une affiche de réclame, persuadé que l'univers en entier n'a d'yeux que pour soi…
(p. 13-14, Yasmina Khadra, « Absence »)
La cellule où je suis est petite, il y a une lumière qui ne s'éteint jamais et une goutte d'eau qui tombe sans arrêt. Le désespoir peut rendre dingue, surtout quand on manque de patience et de tolérance. La tolérance envers les autres n'est pas facile comme exercice. Ça devient un pur exercice de style.
[...]
Ce serait bien si quelqu'un éteignait la lumière et arrêtait cette goutte qui tombe.
(pp. 120-121, Pia Petersen, « Il suffira d'une goutte d'eau »)
Ma génération ne cherche qu'à sortir du bourbier.
(Linda Lê, L'Autre, p. 45)
[… à la ville], elle le sait, l'attendent la pollution, la fumée, le bruit, la fatigue. Mais, ce qui la chagrine le plus, c'est qu'elle ne reverra plus les siens avant longtemps. Sans le savoir, elle vient de rentrer de plain-pied dans le monde cruel des adultes.
(p. 27, Maxence Fermine, « Mademoiselle Loan »)
Il s'imagine en train de dispenser un cours de botanique aux enfants. L'un d'eux lève le doigt à la manière d'un écolier :
– Si on croisait une marguerite avec un coquelicot, qu'est-ce que ça donnerait ?
– Une pensée, répond Nasser.
– Et une pensée avec un muguet ?
– Une poésie.
–Très joli, l'en félicite le père qui daigne enfin se soustraire à son journal.
(p. 19, Yasmina Khadra, « Absence »)
Phnom Penh et ses murs de pierres chauffées au soleil, ses fumés lourdes, ses ruelles salles, ses mendiants, ses voleurs et ses prostituées. C'est dans ce monde sans douceur que mademoiselle Loan arrive ce matin d'automne, comme on débarque d'un navire pour une terre hostile et effrayante, où tout vous apparaît étrange et différent.
(p. 27, Maxence Fermine, « Mademoiselle Loan »)
Cette nausée, chaque année, me rappelait celle des autres. La nausée de ceux qui ne peuvent se libérer de la faim.
(p. 11 fin de « La jeunesse » d'Éliette Abécassis )