Le veilleur du jour

Le port des lunettes les plus obscures était commun chez ces adolescents finissants qui éprouvaient en raison directe de leur timidité devant la vie un grand désir d'apeurer le monde. Ils gardaient leurs regards indéchiffrables derrière des verres fortement teintés où leur interlocuteurs ne pouvaient lire que leur propre reflet ironiquement renvoyé.

On ne pouvait affirmer que Barthélémy lisait ; il semblait plutôt s'abîmer dans la contemplation désintéressée mais fascinée des noirs sur le fond pâle du papier.

Alors que couché sur une maigre paillasse il commençait à s'endormir, l'envahit le mal du soir et des exilés, ce mécontentement vague, cette défiance nostalgique, ce sentiment d'insuffisance de soi et d'incertitude du monde dont certains compagnons autrefois l'avaient entretenu à la nuit tombante, sous les arbres, étendus à demi sous des lits de fougères et fumant la pipe près du feu, lorsque chacun se retournait vers un passé révolu dont les relents remontaient en touffes de paroles pâles et que le fantôme d'une femme, d'un parent, d'un lieu surtout glissait parmi les ombres mêlé aux voilages de fumée lacérée qui couraient debout dans l'air calmé.

Ce que tu veux, c'est être bon ; c'est pourquoi tu passes ton temps à te soustraire, car on n'existe jamais que contre les autres.

A partir de là, il est évident que ce sont les pervers qui déploieront le plus d'énergie, et la leur est immense, pour s'approprier un tel objet, car la perversion n'est rien d'autre que la passion du pouvoir ; c'est pourquoi elle culmine dans le domaine de la politique, qui est a perversion majeure.

Ceux qui ne savent oublier sont fous ou le deviennent.