Ne cherchez pas, ce n'est pas un tome de la série des Enquêtes du Département V, ce livre en est totalement indépendant!
Dans la note de l'auteur, en fin de roman, la première phrase est "Ce livre n'est pas un roman de guerre".
Soit.
Mais l'auteur a choisi de situer son action pendant la Seconde Guerre Mondiale, ses personnages principaux sont des soldats et le personnel infirmier d'un hôpital psychiatrique militaire, et la scène d'introduction est une mission de reconnaissance en terrain ennemi.
Donc on est quand même un peu dans un roman de guerre, a fortiori quand l'auteur nous parle de la manière dont les médecins nazis traitaient les malades mentaux, évoque la constitution de jolis butins par vols et spoliations des civils et pays belligérants et la manière dont certains nazis ont eu le talent de s'offrir une nouvelle virginité après la guerre.
Mais
Jussi Adler-Olsen a raison,
L'Unité Alphabet est avant tout une histoire de trahison. Trahison envers sa patrie quand les soldats simulent la folie pour échapper aux zones de combat, trahison de l'homme qui fomente une évasion en laissant son ami derrière, trahison envers soi-même quand on reste confiné dans sa passivité.
La première partie du roman est un huis clos infernal, pesant, anxiogène et agaçant d'impuissance. Bryan et James se sont retrouvés coincés dans un wagon empli de blessés de guerre atteints de divers troubles mentaux. Destination le service psychiatrique d'un hôpital militaire au coeur de la Forêt Noire sans aucun espoir d'évasion.
Le moindre geste, une unique parole, le plus petit regard... chaque instant peut marquer la fin de leur fuite.
Être démasqué en qualité d'ennemi, c'est une sentence de mort.
Être démasqué en tant que simulateur de folie, c'est une sentence de mort. L'enfermement est une chose mais Bryan et James vont aussi subir une médication lourde et une thérapie par électrochocs. Des agressions médicales répétées portées à leur intégrité psychologique et physique.
Comment ne pas craquer? Ne pas devenir fou?
A fortiori quand vos petits copains de dortoir vous épient, vous maltraitent pour mieux dissimuler leur propre forfaiture?
A fortiori quand les infirmières, le personnel médical et les gardiens vous malmènent et vous considèrent comme des coquilles vides, indignes d'être encore des êtres humains.
Outre la peur de voir l'identité de Bryan et James dévoilée, ces passages vous serrent les tripes à la lecture de leurs conditions de survie. On imagine aisément le quotidien de ces aliénés, ces malades mentaux ou ceux atteints de simples traumatismes. Les expérimentations sont juste évoquées sans être approfondies mais nous voyons le résultat: des hommes dépossédés de toute lucidité et de toute volonté.
Mais Bryan va s'en sortir. Pas James.
Trente ans plus tard, la guerre est un lointain souvenir.
Enfin, pas pour tous.
Si Bryan est rentré au pays, s'est construit une existence aisée et relativement heureuse, il n'en a pas pour autant oublié son ami, James. Il a essayé de le retrouver. En vain.
Les Jeux Olympiques d'été de 1972 se déroulant à Munich est l'occasion pour Bryan de remettre les pieds en Allemagne pour la première fois depuis la guerre et de relancer ses recherches sur le destin de James.
Événement anecdotique et accessoire que ces JO, rappelant douloureusement la Seconde Guerre Mondiale puisque les JO de Munich ont été marqué par la prise d'otages d'athlètes israéliens qui se soldera par leur mort. Anecdotique et accessoire car les preneurs d'otages ne sont pas des nazis mais des palestiniens.
Cette seconde partie de roman se déroule comme une enquête de police. D'indices en filature, Bryan se trouve confronté à son passé, à des individus qu'il aurait préféré ne plus croiser, à un danger de mort qu'il pensait écarté. Et le vide de 30 ans se comble peu à peu pour lever le voile sur la vérité, l'atroce vérité.
Si le rythme n'est globalement pas trépidant, je n'ai pourtant pas pu lâcher ce roman. Pour la curiosité de l'évolution mentale de James et Bryan dans les dramatiques circonstances de leur survie, pour l'envie et l'espoir d'un happy end, pour ces portraits de nazis vraiment antipathiques qui ont su profiter du chaos et rebondir après-guerre sur le matelas confortable de leur butin de guerre sans jamais être inquiétés pour leurs exactions passées... jusqu'à un certain point.
Si je devais relever un bémol, il concernerait la confrontation entre James et Bryan que j'aurais aimé voir approfondi et étoffé puisque l'auteur a installé un contexte psychiatrique au départ de son roman. Mais c'est un léger bémol!
Une lecture passionnante donc, et je suis ravie d'avoir découvert la plume de
Jussi Adler-Olsen dans ses débuts dans l'écriture!
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