Je voudrais crier, mais je sens qu'aucun son ne peut sortir de ma bouche.
A présent je suis libre, et je choisis d’avancer avec ces souvenirs plutôt que de rester engluée dedans.
Je suis gauchère.
Et je suis enceinte.
Je suis obsédée par l'image d'un œuf. Un œuf énorme, gigantesque, qui pourtant est à l'intérieur de moi.
"Chez moi l'amour n'a pas disparu, mais il s'accompagne désormais de haine"
"Soit j'avorte, soit je reste enceinte."
"J'ai fais un test de grossesse, et le test dit que je suis enceinte."
Si j'ai ce bébé comment savoir duquel de ces scénarios la réalité sera la plus proche ? Comment savoir si je donnerai naissance à un ange ou à un démon ? Comment savoir si je saurai m'en occuper ? Est-il possible que je ne l'aime pas s'il n'est pas choux tout le temps ? Est-il possible qu'il ressemble comme deux gouttes d'eau à Ulysse et que je lui en veuille de me rappeler en permanence la façon dont l'histoire avec son père s'est achevée ? Avoir un bébé, c'est un sacré pari. Un sacré risque, aussi. Rien avoir avec le fait de prendre le bus sans ticket. Est-ce que je suis prête à mettre ma destinée entre les mains du hasard ? Est-ce que j'ai envie de jouer ?
Je me réfugie au CDI. C'est finalement plus sûr que les toilettes, car on y est protégé par un garde-fou formidable : le silence. Entre les livres, pas le droit de parler. Même pour demander quelque chose à la documentaliste, il faut murmurer. Au moins, ici, personne ne me dira rien.
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Pas possible. Je sais qu'on peut tomber enceinte lors de sa première fois mais je sais aussi que c'est exceptionnel. Or je ne suis pas du genre à faire des choses exceptionnelles. Au contraire.