AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,6

sur 81 notes
5
10 avis
4
15 avis
3
7 avis
2
2 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jose Eduardo Agualusa m'a conduit a Luanda, en Angola, un peu au sud des tropiques. Je n'ai pas vu grand chose, confine la plupart du temps dans une maison. Je me suis surtout promene dans sa prose, chaude, tropicale, poetique, avec des effluves de realisme magique et des relents de Borges. Baroque.


J'ai croise un gecko (un lezard salamandrin? une salamandre lezardophile?) qui voit tout et raconte tout, y compris ses reves et ses souvenirs d'une vie anterieure, ou il etait homme; j'ai rencontre un noir albinos feru de livres qui invente des genealogies prestigieuses (force preuves a l'appui) a tout ceux qui le sollicitent, habillant leurs reves les plus extravagants de realite.


Mais pour ne pas me montrer Luanda, Agualusa m'a entretenu de Lisbonne, Rio de Janeiro, New York, Berlin, Paris, le Vatican, le Pakistan, l'Inde. Il a essaye de m'eblouir, convocant Eca de Queiros, Bakounine, Bruce Chatwin, Montaigne, Borges (le gecko n'est pas une reincarnation de Borges, voyant de nuit et affectionnant des termes desuets?), les fugues de Bach, la musique cubaine. Vers la fin du livre j'ai cru comprendre: Luanda traine trop de souvenirs des horreurs de la guerre fratricide declenchee apres la decolonisation.


La prose d'Agualusa est affriolante. Je pourrais en tirer de nombreuses citations (je le ferai peut-etre). Il suggere des considerations sur la memoire, son poids, sa construction ou sa deconstruction, assez singulieres, sinon tout a fait novatrices. La memoire qu'on delaisse, la memoire qu'on s'invente. Des speculation sur la relativite de la verite: "la grande difference entre la dictature et les democraties, c'etait que dans le premier systeme il n'y a qu'une verite, la verite imposee par le pouvoir, alors que dans les pays libres chacun a le droit de defendre sa propre version des evenements. La verite, a-t-il dit, est une superstition". Et plus loin: "la verite aussi est en general ambigue. Si elle etait exacte elle ne serait pas humaine. ... permettez-moi de citer Montaigne: rien ne semble vrai qui ne puisse sembler faux".


En fin de compte le livre m'a laisse un peu confus. Trop de materiaux, eparpilles, qui m'ont eparpille (en me charmant, il est vrai), dont je n'ai pas completement saisi le propos. Comme si Agualusa n'avait voulu que m'epater par sa verve, par des images bigarrees, par une ecriture bariolee. J'ai senti que la fin est parachutee, comme par un procede de "deus ex machina", a peine raccordee a tout ce qui precede. La fin se mesure a la memoire historique angolaise, mais tout le reste? C'est comme si, ne en Angola, Agualusa se cherchait, cherchait par ce livre sa vraie patrie, son ultime identite: africaine? portugaise? sud-americaine? lusophone? Je pencherais por cette derniere alternative: il a sejourne dans beaucoup d'endroits, sous divers climats, en diverses epoques de sa vie, et je crois deviner que partout, toujours, c'etait en lusophonie.


Il m'intrigue, Agualusa; je m'y replongerai.





Commenter  J’apprécie          413
Félix Ventura est un angolais albinos. On pourrait dire que cette différence était de mauvaise augure pour sa vie, mais ses talents en généalogie et son ingéniosité pour inventer des passés à des personnes qui en auraient besoin font que son "infirmité" devient anecdotique et renforce un certain côté sorcier moderne et invocateur d'esprits défunts.

Le titre et le résumé sont trompeurs car en réalité, ce roman qui a des traits de réalisme magique, est une satire sur la société angolaise (et le monde contemporain en général) et notre rapport aux souvenirs , aux mensonges, à nos rêves et aux vérités qu'on manipule pour vivre "mieux".

C'est un roman déconcertant par moment, avec des passages brillants et plein de finesse et de bon sens. L'une des grandes originalités de ce récit est le fait d'avoir choisi comme narrateur de certaines parties un humain réincarné en gecko qui nous décrit les faits et gestes de Félix Ventura autant qu'il nous parle de ses souvenirs de vie humaine et des enseignements de sagesse qu'il en retire.

Même si je me dis que beaucoup de choses m'ont échappé, c'est le genre de littérature qui bouscule nos certitudes et nos croyances occidentales que j'aime à lire de temps à autre pour sortir de mes schémas de pensées trop bien établies pour voir le monde et l'humanité autrement. C'est le genre de roman auquel il faut repenser, qui demande un temps de pause et de réflexion après sa lecture pour apprécier et comprendre sa portée.
Et pour toutes les raisons que j'ai évoqué je pense que José Eduardo Agualusa est très clairement un romancier qui mérite qu'on s'intéresse à son oeuvre - et dont la poétique n'est pas sans rappeler celle d'une autre écrivain lusophone africain : Mia Couto.

Une très belle découverte grâce à un défi Babelio!
Commenter  J’apprécie          220
Quelle drôle de découverte je viens de faire là ! Auteur inconnu au bataillon (à mon bataillon littéraire du moins), José Eduardo Agualusa mérite pourtant le détour.

L'histoire est censée être centrée sur Félix Ventura, un albinos qui créé un passé fameux à de riches hommes angolais. Jusqu'au jour où il invente un passé et une généalogie à José Buchman, un photographe blanc qui souhaite se poser en Angola...

La plume de l'auteur est fraîche, imagée, poétique. Le récit paraît anodin (il est même dépourvu de fil conducteur) mais il se cache dessous des questionnements sur la vie, le mensonge, le passé, la vie après la mort.
A petites doses, l'auteur nous révèle aussi quelques informations sur l'Angola : ses paysages, sa faune et sa flore, sa vie quotidienne, sa politique, son passé historique.

Et quoi de plus surprenant que la forme choisie ? Car c'est un gecko qui nous narre cette drôle d'histoire (pour les ignorants comme moi, le gecko est une sorte de lézard ou de salamandre). Et souvent, c'est par le biais d'un rêve qui relie cet animal aux personnes qui l'entourent que le lecteur avance. Eh oui, il y a bien une touche de fantastique dans ce récit. Non seulement par ces rêves étranges, mais aussi par la nature même du gecko qui a été humain par le passé.

Une drôle d'aventure donc, un petit plaisir qui me laissera un goût sucré (comme les nombreuses papayes dégustées par les personnages), le souvenir d'une lecture douce et étrange.
Commenter  J’apprécie          150
Après la guerre civile en Angola, Félix Ventura est un " marchand de passés" : il vend au nouveaux parvenus un passé honorable "clés en main", une nouvelle et prestigieuse ascendance.
La vie de Felix, c'est un Gecko qui la raconte et comme l'animisme est présent en Angola, ce reptile est bien évidement la réincarnation d'une âme précédemment incarnée en un être humain.
Chez Felix passeront un photographe de guerre, une jeune femme elle aussi photographe et un SDF au passé incertain.
Les chapitres narratifs sont entrecoupés d'une restitution des rêves d'Eulalio le reptile et de Felix, reves qui s'entrecroise.
Le texte est léger , poétique, les personnages sont tous attachants.
Mais le passé rattrape les personnages en quelques pages finales me prenant par surprise, me laissant soufflé : je n'avait rien vu venir.
Un très bon moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          100
Rien que le titre laisse rêveur, comme la femme sur la couverture qui contemple l'immensité du paysage.
Ce récit est un entre-deux, mi-réalité, mi-onirisme. Dans un tel univers, seul Eulalio pouvait en être le conteur. C'est le gecko qui vit sur les murs intérieurs de la maison de son ami Félix Ventura.

Félix ne peut pas être un individu ordinaire. Angolais, noir albinos, enfant abandonné dans un carton de livres, il vit encore dans la maison de celui qui l'a recueilli. Sa vie s'écoule parmi les photos, les tableaux, les encyclopédies, les journaux et les livres. Ses compagnons sont la Vieille Espérance, qui passe pour le ménage et la cuisine, et Eulalio le gecko qui observe.

C'est ainsi que, grâce à cette somme de documents, Félix exerce le métier extraordinaire de bouquiniste-généalogiste. Qui veut se refaire un passé vient sonner à sa porte. Et après guerre, ce ne sont pas les clients qui manquent. Mais Félix, qui est-il lui-même ?
Avec l'aide du gecko et par le biais des conversations avec ses curieux clients, quelques pans de l'histoire de Félix se déroulent, vite étouffés par la végétation chatoyante du jardin ou le bruit de la pluie.
Réalité ou fiction ?

Qu'importe. Tout n'est que poésie, rêverie, nostalgie...
Ne cherchez pas à comprendre et laissez-vous entraîner.
Commenter  J’apprécie          100
C'est un roman très inhabituel, si on reprend des éléments (le point de vue d'un léazard, la fabrication de passés, un albinos etc.) on pourrait penser à une comédie, une roman loufoque et drôle comme on en voit beaucoup dans les romans d'été, mais ce n'est pas du tout le cas, c'est un roman poétique.

Il faut lâcher la réalité pour se laisser porter par la poésie et pour apprécier la beauté des phrases et le vécu des personnages.
Le héros fabrique des fausses généalogies pour des personnages célèbres ou non "Félix Ventura. Assurez à vos enfants un meilleur passé."

La transformation de certains personnage nous montre que notre passé nous construit, mais si nous changeons notre passé -pas avec une machine à remonter le temps comme dans la Science-Fiction, mais comme on le fait dans la réalité en changeant nos souvenirs- alors est-ce que cela nous change? Et si oui, comment?
"Félix parle de son enfance comme s'il l'avait réellement vécue."

A la fin on se rend compte que "Toutes les histoires sont liées. En fin de compte tout est lié."

Commenter  J’apprécie          90
Un très beau livre d'une poésie simple. Un gecko nous parle, à travers les différents personnages, de mémoire, de l'Angola, de beauté, de mensonges aussi. Un auteur que je viens de découvrir et que je relirai volontiers.
Commenter  J’apprécie          50
Quel envoûtant roman ! J'ai retrouvé dans la manière dont l'auteur met son inventivité et la musicalité limpide et éloquente de son écriture au service d'un récit tantôt sombre, tantôt lumineux, ce qui m'avait également séduite chez l'auteur mozambicain Mia Couto.

"Le marchand de passés" a pour narrateur un gecko. Un animal extraordinaire, et pas seulement parce qu'il appartient à l'espèce rare des geckos tigres : il est l'une des réincarnations d'un homme dont les souvenirs l'habitent encore. Il a ainsi été dans une autre vie un individu timide et solitaire, qui se réfugiait dans les livres. Il lit d'ailleurs encore, lorsqu'il a la chance de tomber sur un ouvrage resté ouvert sur une table de chevet. Il n'a jamais quitté la maison où il est né, qu'il connait mieux que personne, sensible à sa nature secrète, celle "d'un bateau rempli de voix remontant un fleuve".

Cette maison, c'est aussi celle de Félix Ventura, un noir albinos recueilli et élevé comme un fils par Fausto Bendito Ventura, marchand de livres anciens devant la porte duquel il a été déposé, bébé, dans une caisse contenant par ailleurs plusieurs exemplaires d'un roman d'Eça de Queirós.

Félix est marchand de passés. Il invente pour les nouveaux riches de la haute société angolaise dont l'avenir est assuré mais à qui il manque un "bon passé", des ancêtres illustres, une ascendance noble et cultivée. Il trace leurs arbres généalogiques, leur fournit des photographies prouvant la belle prestance de leurs aïeux. D'innocents mensonges, en somme.

Un jour, un homme mystérieux, qui se dit reporter-photographe de guerre, lui demande de lui inventer une nouvelle identité. L'étranger devient José Buchmann, et se prend d'une inquiétante obsession quant à la véracité du passé que lui a créé Félix, dont il part en quête de traces tangibles. Jusqu'à ce que son véritable passé le rattrape…

C'est par l'intermédiaire du témoin privilégié que représente le gecko, tapi dans les angles morts de la demeure des Ventura ainsi transformée en huis-clos, que nous assistons aux allées et venues des différents personnages dont les liens secrets se dévoilent en un final particulièrement brutal, qui vient transpercer la bulle dans laquelle la dimension onirique, presque surnaturelle du récit, nous avait installés, et nous rappeler le douloureux legs qu'a laissé à l'Angola un passé de violence et de guerre fratricide.

Un beau mais terrible roman, sur les ambigüités de la mémoire, et la difficulté à faire cohabiter la réalité et les fantasmes de nos vies rêvées ou inventées.


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          40
Au début de la lecture, on perd ses repères. le narrateur est un animal, une réincarnation qui ne se souvient plus exactement de sa vie humaine. Il habite à Luanda, en Angola, chez un "marchand de passés", qui invente des biographies dignes de ce nom à des bourgeois qui veulent se refaire une bonne image après la guerre.

Mais un homme qui fait appel à ses services prend sa nouvelle identité très à coeur. Des personnages rentrent peu à peu dans le fil de l'histoire. Je me suis laissée envoûter par cette atmosphère.

Un grand plaisir de lecture, des passages magnifiques, entre rêve et réalité, on se perd un peu... et ce n'est qu'à la fin de ce roman déroutant que l'on perçoit sa complexité. Beaucoup de poésie et d'humanité. Une très belle définition de la Littérature.
Commenter  J’apprécie          30
Dans le marchand de passés, il faut accepter de se laisser porter car plusieurs mystères planent et la construction du roman peut surprendre. Grâce à une galerie de personnages intrigants et hautement romanesques, l'auteur s'amuse à brouiller les frontières entre rêve et réalité, souvenirs et imagination. Jusqu'au dénouement qui fera ressurgir l'histoire douloureuse et bien réelle de l'Angola et qui changera la vie du marchand de passés.

Encore une très belle (et courte) lecture pour moi de José Eduardo Agualusa, dans une atmosphère onirique rattrapée par la réalité d'un pays au lourd passé et au présent complexe lui aussi.

https://des-romans-mais-pas-seulement.fr/romans/le-marchand-de-passes-jose-eduardo-agualusa/
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (172) Voir plus




{* *}