Citations sur Les Funambules (91)
A travers l'échange, elle me fait comprendre qu'on est tous des funambules - souvent on ne le sait pas et l'existence se charge de nous le rappeler. Avec sa voix douce et son regard clair, elle m'explique que, en fait, personne n'est à l'abri. Jamais. Que le fil de la vie est fragile. On peut être tout en haut et tomber. Une maladie. Une rupture. Un accident. Tout peut basculer en un instant. Ces êtres qu'on voit dans la rue, sait-on quelle histoire ils portent ?
Monique m'explique qu'à l'époque, les Restos étaient autorisés à servir d'adresse à des sans-domicike, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui - ce sont les CCAS (centre communal d'action sociale) qui doivent le faire. .. Mais les SDF le savent-ils ? On parle beaucoup de ceux qui abuseraient des aides sociales, mais combien sont-ils à ignorer leurs droits ?
Je l'apprends - pas d'adresse donc pas de droits sociaux - et je songe à ce qu'elle m'a dit auparavant : perdre son toit est une catastrophe. Car il faut une domiciliation administrative pour entamer toute démarche, c'est extrêmement important : si les sans-domicile ne possèdent pas cette précieuse adresse, ils ne peuvent pas percevoir le RSA, ils ne peuvent pas accéder à la CMU, la couverture médicale universelle, ils ne peuvent rien...
Dans la relation avec ceux qu'elle soutient, existe-t-il des choses invisibles, plus importantes que l'aide alimentaire, comme la considération ?
L'association ressemble de plus en plus à une entreprise, ce que certains bénévoles regrettent. Comme dans toute société, les Restos connaissent maintenant des conflits de générations entre les "historiques" et les nouveaux. Mais elle me dit que l'esprit de Coluche est toujours là.
Alors, elle me répond avec cette douceur infinie et cette détermination tranquille : "Parce que je voulais être utile."
Je vois des mendiants tenter désespérément de garder la même place chaque jour, un banc dans un métro, un bout de trottoir, une bouche d'aération - un lieu à eux, si dérisoire soit-il.
Monique me répond que le grand facteur d'exclusion est la perte du toit. "On arrive toujours à trouver de la nourriture, mais quand on n'a plus de toit, on se retrouve â la rue, et ça devient dramatique. Les situations sont tragiques."
Monique tient à souligner ceci : "Beaucoup connaissent les Restos du Cœur pour l'aide alimentaire, mais, en réalité, depuis toujours on fait bien d'autres choses. " Elle évoque le slogan qui existait dès les premiers jours : "Les relais du Coeur". On parle de toutes sortes de soutiens. Mais aider les personnes vulnérables à retrouver leurs droits, voilà qui intéresse au plus haut point Monique. La paperasse, c'est moins spectaculaire, mais c'est tellement vital.
Et parfois celui qui est aidé aide aussi, â sa manière. Un jour, Eric-Emile, un ami généreux qui est de toutes les initiatives, m'a dit : "On ne sait pas toujours qui aide qui."