AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Rashômon et autres contes (16)

On disait que cette usine produisait annuellement sept million d'exemplaires. Ce chiffre cependant ne me surprit pas. Ce qui me surprit c'est le fait que, pour une telle production, il ne fallait presque pas de main-d'œuvre. Car pour fabriquer ces livres, il suffisait de mettre dans la gueule en forme d'entonnoir d'une machine, du papier, de l'encre et de la matière grise en poudre. Ces matières premières une fois introduites, il n'y avait pas à attendre cinq minutes pour en voir sortir d'innombrables livres de formats divers : in-octavo, in-douze, in-seize... Regardant des livres tombés en cataracte, je demandais à l'ingénieur kappa planté là, bombant le torse, quelle était cette poudre grise. Immobile, devant la machine noire et luisante, il me répondit d'une voix morne : 

- Ceci ? C'est de la cervelle d'âne. On la dessèche et on la pulvérise grossièrement. Le prix de revient en est de deux ou trois centimes la tonne.

Il est évident que de tels miracles industriels ne se limitaient pas à la fabrication de livres.
Commenter  J’apprécie          100
Le cœur humain est partagé par deux sentiments contradictoires. Nous éprouvons, certes, de la compassion pour le malheur d'autrui. Mais si notre prochain s'en tire tant bien que mal, nous ne pouvons nous empêcher d'éprouver quelque mécontentement. Nous pouvons même aller parfois jusqu'au désir de le voir retomber dans le même malheur. Et insensiblement un sentiment d'hostilité, bien faible il est vrai, en vient à germer dans notre cœur.
Commenter  J’apprécie          90
Tous ces personnages, dans les tourbillons de flammes et de fumées, en proie aux tortures infligées par les geôliers infernaux à tête de bœuf ou de cheval, fuyaient en tous sens, telles des feuilles mortes dispersées par une bourrasque. Ces femmes plus recroquevillées que des araignées, dont les cheveux s'enroulaient autour des dents d'une fourche, figuraient-elles des sorcières ? Cet homme, la tête en bas comme une chauve-souris au repos, la poitrine perforée par une lance; n'était-il pas quelque jeune gouverneur de province ? Et ces innombrables damnés, flagellés de fouets de fer, écrasés par un rocher que mille hommes auraient du mal à mouvoir, déchirés par de monstrueux oiseaux, mordus par les mâchoires d'un dragon venimeux... Autant de tortures que de réprouvés.
Mais ce qui surpassait en horreur toutes ces atrocités, c'était, accrochant le sommet d'un arbre en forme de défense de bête féroce (aux branches de cet arbre, tout garni de sabres, on voyait de nombreux trépassés transpercés de part en part), un char qui tombait en plein ciel. Soulevé au vent infernal, le store du char laissait voir à l'intérieur une dame de cour vêtue d'un habit si magnifique qu'on l'eût prise pour une impératrice ou une concubine impériale, et dont la longue chevelure noire flottait au gré des flammes, et qui se tordait, la tête renversée. Son visage tourmenté, le char embrasé, tout peignait le suprême degré de la souffrance dans les flammes de la damnation. On peut dire que toutes les horreurs répandues sure le vaste Paravent servait de fond à ce seul personnage. La puissance d'inspiration qui animait cette peinture était telle qu'à la voir on croyait entendre les hurlements même de l'Enfer.
Commenter  J’apprécie          80
Le nez du grand du Grand Aumônier Zenchi, à Ikenoo, tout le monde le connaissait. D'une longueur de cinq à six pouces, ce nez pendait du haut de la lèvre supérieure au bas du menton. Il était de la même longueur à l'extrémité qu'à la racine. On eût dit une longue saucisse suspendue au milieu du visage.
Commenter  J’apprécie          70
[...] ... CONFESSION D'UNE FEMME VENUE AU TEMPLE DE KIYOMIZU

Après m'avoir violentée, cet homme à la robe de chasse bleu foncé ricana sous les yeux de mon époux qui était ligoté. Oh ! comme mon mari a dû lui en vouloir ! Mais ses contorsions ne faisaient qu'enfoncer encore dans sa chair la corde qui le retenait. Instinctivement, j'ai couru, non, j'ai voulu courir de toutes mes forces vers mon mari. Le brigand, sans me laisser le temps de le faire, m'a donné un coup de pied et je suis tombée. A cet instant même, j'ai vu un étrange éclair passer dans les yeux de mon mari. Vraiment étrange ... Ce regard, maintenant encore, chaque fois que je me le rappelle, me fait tressaillir. Ne pouvant me dire le moindre mot, mon mari a enfermé dans son bref regard tout ce qu'il ressentait. Ce qui étincelait dans ses yeux, ce n'était ni de la colère, ni de la tristesse. Etait-ce autre chose qu'une lueur glaciale de mépris ? Frappée plus fortement par ce regard que par le coup de pied du malfaiteur, j'ai inconsciemment crié quelque chose et je me suis évanouie. ... [...]
Commenter  J’apprécie          40
[...] ... Ainsi qu'il [le héros de la nouvelle, toujours dénommé soit "l'homme", soit "il"] l'avait entendu dire, les cadavres négligemment jetés jonchaient le sol. Mais, le champ de la lumière étant plus étroit qu'il ne l'avait imaginé, il n'arriva pas à en préciser le nombre. Il pouvait seulement distinguer, sous la faible lumière, des corps nus et d'autres encore vêtus. Il y avait des hommes et des femmes, semblait-il. Tous ces cadavres, sans exception, gisaient sur le plancher, à la manière de poupées en terre, bouches bées, bras allongés. Qui y reconnaîtrait des êtres vivants d'hier ! Certaines parties proéminentes de ces corps, comme les épaules ou la poitrine, éclairées par de vagues lueurs, rendaient le reste plus sombre encore. Ils étaient ainsi comme figés dans un mutisme implacable.

A l'odeur de pourriture, l'homme se boucha instinctivement le nez de sa main, qu'il laissa vite retomber. Car une sensation plus forte vint presque abolir son odorat.

C'est qu'à cet instant ses yeux venaient de discerner une forme accroupie au milieu des cadavres. ... [...]
Commenter  J’apprécie          40
[...] ... La recette [pour réduire le nez de l'Aumônier] était d'ailleurs très simple : elle consistait à faire bouillir le nez dans de l'eau chaude et à le faire piétiner.

Dans les bains du temple, l'eau était toujours à chauffer sur le feu. Le disciple rapporta sur le champ, dans un seau, de l'eau chaude si brûlante qu'on pouvait à peine y tremper un doigt. Aussi, en plongeant son nez, Zenchi risquait-il d'avoir la face brûlée par la vapeur. On mit donc sur le seau un couvercle de bois au milieu duquel était percé un trou pour le passage du nez. Le nez de l'Aumônier était d'ailleurs tout-à-fait insensible à la chaleur. Au bout d'un certain temps, le disciple demanda :

- "Il doit être bien bouilli, maintenant ?"

Zenchi eut un rire forcé.

- "En entendant ces paroles, qui eût pu se douter qu'il s'agissait du nez d'un homme ?" pensa-t-il.

Le nez plongé dans l'eau chaude lui donnait un prurit semblable à celui que cause la piqûre d'une puce.

Lorsque le moine eut tiré du trou son nez fumant, le disciple se mit à le piétiner de toutes ses forces. Zenchi, étendu sur le côté, le nez posé à plat sur le plancher, regardait les pieds de son disciple le marteler. ... [...]
Commenter  J’apprécie          30
[...] ... A ces mots de Paravent des Figures Infernales, il me semble que l'aspect terrifiant de cette peinture s'impose immédiatement. Des scènes de l'Enfer, il en est d'autres. Mais les toiles de Yoshihidé différaient par leur composition de celles de ses collègues. Les Dix Rois et leur suites étaient relégués, rapetissés, dans un coin du Paravent, et dans tout l'espace libre tourbillonnaient des flammes puissantes au point de roussir le Mont des Glaives et les Arbres hérissés de sabres. De sorte que, hormis les robes jaunes et bleues à la chinoise des suppôts de l'Enfer çà et là dispersés, les langues de feu impétueuses remplissaient tout l'espace dans lequel dansaient avec furie, en forme de swastika, des fumées noires tracées en éclaboussures d'encre et des étincelles de feu projetées en poudre dorée.

Cela seul, par sa puissance évocatrice, aurait suffi à frapper les yeux. Enfin, il n'y avait pas un damné à se contorsionner dans cette géhenne qui eût rien de commun avec ceux des habituelles Figures Infernales. La raison en est qu'en ces multitudes de damnés, Yoshihidé avait représenté des hommes de toutes conditions depuis les courtisans jusqu'aux mendiants, jusqu'aux réprouvés : grands officiers de la Cour, dans leurs impeccables robes de cérémonie, séduisantes dames d'honneur dans leurs robes à cinq plis, récitants avec leurs chapelets au cou, jeunes guerriers à hautes chaussures en bois, fillettes minces dans leur longue robe, devins portant la bandelette sacrée à la main ... il n'est pas possible de les énumérer tous. ... [...]
Commenter  J’apprécie          30
Tôt ou tard je serai pendu. Alors, condamnez-moi à la peine suprême.
Commenter  J’apprécie          20
Si, à cet instant, quelqu'un lui avait de nouveau posé la question qui l'avait préoccupé sous la Porte, à savoir l'alternative entre devenir voleur et mourir de faim, nul doute que cet homme n'eût choisi sans hésiter la seconde possibilité. Car sa haine contre le mal commençait à s'enflammer comme la torche que la vieille femme avait fichée entre les planches.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (217) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les mangas adaptés en anime

    "Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

    Bleach
    Pokemon
    One piece

    10 questions
    890 lecteurs ont répondu
    Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

    {* *}