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Arimasa Mori (Traducteur)Jacques Dars (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070304059
144 pages
Gallimard (09/10/2003)
3.64/5   277 notes
Résumé :
Un miséreux qui hésite entre le vol et la mort s'abrite de la pluie sous la Porte Rashô, une ruine transformée en charnier. Dans la pénombre du crépuscule, il découvre une vieille hirsute et fantomatique en train d'arracher les cheveux des cadavres...
Violents, étincelants, souvent terrifiants, ces brefs récits plongent le lecteur dans les ténèbres d'un Japon de légende, peuplé de sorcières, de brigands et de personnages aussi surprenants qu'inquiétants.
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Ryûnosuke Akutagawa, conteur saturnien

L'auteur japonais, dont le conte fut adapté au cinéma, défendait, face aux attaques de Tanizaki, la primauté du style sur le fond d'une intrigue. Cette controverse peina grandement Ryûnosuke Akutagawa, déjà fragile mentalement et qui décida de mourir à trente-cinq ans, atteint de ce même spleen littéraire nippon qui frappera Kawabata et Mishima après lui.

"Il arrive parfois qu'un homme consacre sa vie entière à un désir qu'il ne pourra peut-être jamais réaliser. Celui qui se moque d'une telle illusion ne connaît rien à la vie."

Des intrigues dans ces nouvelles il y en a bien sûr. Mais il est indéniable que ces contes, inspirés des histoires du Japon médiéval, sont d'un grand intérêt esthétique. le narrateur s'invite avec cocasserie dans la narration et nous fait parfois sentir l'atelier de l'écrivain, substituant, sous nos yeux, une phrase à une autre pour toucher au plus juste de ses descriptions.

Rashômon et les autres contes comportent une dimension fantastique mais elle reste à la marge. le fantastique n'est pas rédempteur. Ce n'est pas la magie démoniaque qui arriverait un peu comme un cheveu sur la soupe pour endosser la cruauté, l'acte gratuit, l'inqualifiable, la perfidie et satisfaire illusoirement le lecteur. Ceux sont les hommes qui sont et restent seuls responsables.

La longue nouvelle centrale, qui retrace la composition du paravent des “Figures Infernales” par un peintre de cour consentant à d'abjects sacrifices pour le lucre de l'art, me rappelle les descriptions de Marguerite Yourcenar. L'académicienne campe un autre artiste pour qui tout est matériau pour son Art qui passe avant le reste dans “Comment Wang Fô fut sauvé” tiré de ses Nouvelles Orientales. Yourcenar a t-elle lu Akutagawa ? Troublant parallèle qui vient conforter cette vision de l'oeuvre qui consomme et qui consume, tragiquement reflétée dans la biographie de l'auteur… “rien n'est plus triste que cette tristesse” écrivit le poète japonais Chuya Nakahara, la beauté est peut-être la politesse de la tristesse en littérature.

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Dans « Rashomon et autres contes », on plonge dans une Japon assez inhabituel. Son auteur Ryûnosuke Akutagawa est né à la fin du XIXe siècle dans une famille aux valeurs très conservatrices. Or, à cette époque, le Japon s'occidentalise. Akutagawa, au collège, s'initie aux grands auteurs français tel Maupassant et Mérimée. Toute son oeuvre sera imprégnée de ces deux influences, un pied dans les traditions, l'autre dans la modernité.

Ce recueil comprend cinq nouvelles. D'abord, « Rashomon », dans laquelle un pauvre homme réduit à la mendicité est troublé par des questions éthiques. Qu'est-ce que le Bien et le Mal ? Malgré sa bonne conscience, il se voit contraint de voler une pauvre hère qui elle-même arrachait, volait les cheveux sur un cadavre de femme, afin d'en faire une perruque qu'elle pourrait vendre. C'est à ça qu'en sont rendus les laissés-pour-compte, toujours plus nombreux, à qui les promesses de la modernisation ne se sont pas concrétisées. Cette nouvelle porte à réfléchir et peut s'appliquer encore aujourd'hui, et à différents endroits.

Ensuite, « Figures infernales », dans laquelle un artiste officiel – et perfectionniste – de l'époque féodale du XIIIe siècle doit réaliser son chef d'oeuvre. Ce désir de perfection le pousse à la recherche de modèles précis et exacts. Quand son mécène lui demande de reproduire une peinture audacieuse, dans un décor infernal, quasi-mythologique : un char enflammé sur laquelle se trouve une dame perdue… Qui sera le modèle ? Violente et vicieuse, cette nouvelle pousse à l'extrême les épanchements artisitques de certains et les désirs manipulateurs des personnes en situation d'autorité. Mais on y retrouvait des longueurs, je ne l'ai pas particulièrement aimée. Tout comme la quatrième et dernière nouvelle, « Gruau d'igname », qui également ne m'a pas plu. Une autre nouvelle d'époque, mais l'intrigue était lente à se déployer. Mais on assiste encore une fois à des scène de cruauté et de violence (plus psychologiques, cette fois-ci).

« Dans le fourré », un lieutenant de la police criminelle interroge plusieurs individus témoins d'un crime, incluant le meurtrier. Bûcheron, moine, brigand, sorcière, tous y passent. Mais tous ont des impressions différentes, des versions différentes. Mais avec sa voix si unique. En fait, nous avons droit seulement aux comptes-rendus. Et le style ! Cette nouvelle me fait beaucoup penser aux intrigues policières de Rampo Edogawa. Pas de longues parenthèses, de descriptions inutiles, de pistes qui ne mènent nulle part. Non ! On va à l'essentiel. C'est direct et et original. Beaucoup d'auteurs occidentaux devraient s'en inspirer.

Au-delà du propos lui-même, c'est toute la violence qui se dégage de ces nouvelles. Et la sexualité. Et la violence sexuelle. C'était nouveau pour l'époque. Ça en a choqué plusieurs et, encore aujourd'hui, nos yeux un peu plus habitués à tout ça ne peuvent s'empêcher de cligner. C'est très différent de ces personnages aux sourires polis, dont on perçoit à peine les dépalcements dans un froissement d'étoffe, auxquels la littérature japonaise traditionnelle (et moins traditionnelle aussi) nous avait habitués. Akutagawa nous entraine dans ses ténèbres, à notre plus grand plaisir…
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羅生門 : "Rashômon et autres contes" de 芥川龍之介 : AKUTAGAWA Ryūnosuke, né en 1892 et disparu en 1927 à Tokyo.

Un recueil de quatre nouvelles traduites du japonais en 1965 par 森 有正 : MORI Arimasa (1911-1976) ; extrait repris par l'éditeur Gallimard en 2003 pour sa collection "Folio 2 €" d'un recueil éponyme plus conséquent de la collection "Connaissance de l'Orient" pour le compte de l'UNESCO et où figurait une longue préface du traducteur - en 1965, donc .

Allons-y...

(1°) "Rashômon" [1915] est situé en des temps médiévistes de famines, de guerres et d'épidémies est une plongée dans un enfer ordinaire de misère et de mort. "L'argument" ? Un pauvre hère se réfugie sous le portail ou la Porte Rashô et reste là "à attendre une accalmie de la pluie". Il a faim. Hésite entre se faire voleur, assassin ou mettre fin à ses jours sans espoir. C'est aussi la (superbe) introduction du magistral film éponyme de 黒澤 明 KUROSAWA Akira, oeuvre surgie en 1950 qui révéla pour l'Occident la maîtrise de la mise-en scène du génial artisan tokyoïte (1910-1998) et se vit décerner la statuette très orientaliste du Lion d'Or à la "Mostra" festivalière de Venise. Revenons au pauvre hère : il monte à la galerie (où l'on se débarrasse des cadavres en ces temps troublés) ; il tombe sur un bien méchant spectacle... Sans pitié, comme pour se venger de toutes ces horreurs, il rudoie sa victime pour lui voler sa loque et pouvoir la revendre. Nous sommes à la fois au Cabinet des Figures de Cire et aux antichambres de l'Enfer... Avec un petit côté "Nosferatu" (incarné par l'inoubliable Max Schreck, 1879-1936) mis-en-lumières par Friedrich Wilhelm MURNAU... "Morale" ? Il n'y en a pas... Quand c'est "l'enfer-sur-Terre", on se débrouille, n'est-ce pas ? On se souvient du calvaire de "The Road" (2009) de John HILLCOAT, adaptation proprement "infernale" du roman de Cormac McCARTHY (2006)... L'écriture est clinique et nous donne tout simplement à voir (comme dans les premiers films de Wim WENDERS), à éprouver... Et on ne juge pas. On comprend... Bref, du pur SIMENON (Georges) ou tout comme... Pieds nus dans la glèbe et le limon de cadavres.

(2°) "Gruau d'ignames" [1915] nous donne à éprouver de la compassion pour un autre être pitoyable : un gars qui n'a rien pour lui. Bout du nez rouge et ombre de moustache. Il vivait lui aussi dans "L'Ancien Temps" (entre l'ère de Gangyô et celle de Ninna, à l'époque de Heian dite du "Règne Impérial") ; ce personnage y exerçait les fonctions d'un officier de la cinquième catégorie ou plutôt "du cinquième rang". Un gars que tout le monde méprise. Vraiment tout le monde. Sa femme le trompe avec un moine alcoolique. On urine dans sa gourde de saké (à armature de bambous). Tout le monde, sauf un : qui cherche à comprendre ou deviner le secret de cet homme "sans qualités" (apparentes) et lui donnera satisfaction en une étonnante chasse au trésor hivernale, au long de descriptions de nature magnifiques de sensorialité proprement cinématographiques... Allons, ne dévoilons pas ou plutôt "Ne divulgâchons point !" [responsabilité de la source de ce néologisme : Gaston et Alfred Croisière, co-auteurs de la chronique "Cinéma" avec leur papa Thomas, in "Par JupiClasse", radio de Service Public "France-Inter", tous les mercredis de 17 h 50 à 17 h 55].

(3°) "Figures infernales" [1918] : tirée d'une chronique ou "anecdote" du 今昔物語集 "Konjaku monogatari shū" écrite vers la fin du XIème siècle, lors de la période 平安時代 Heian, il s'agit de la genèse secrète d'une Géhenne artistique — celle du "Paravent aux Figures Infernales" du peintre de maudit Yoshihidé à la physionomie simiesque. Il exerce ses talents à la Cour du Seigneur de Horikawa. Il y a un autre singe dans l'histoire. Et une fille sensible à la peau de Lune (ou d'ivoire) : la propre fille adorée du peintre cruel. Dois-je vous en dire plus ? Dix-huit chapitres évoluant lentement dans la dynamique d'une menace sourde au suspense magistral. Une équation à quatre composantes : la cruauté et le cynisme d'un "Seigneur" s'additionnant à l'inconscience et l'inhumanité d'un artiste et père auxquels se soustraient la fidélité d'un quadrumane persécuté et le destin atroce de la victime expiatoire de toute cette sombre bêtise machiste...

(4°) "Dans le fourré" [1921] : est la suite du futur scénario du "Rashômon" de KUROSAWA Akira, située dans la clairière de la forêt de Yamashina, entre pins et bambous. "Où est la Vérité, noms de Dieux ?"... ou même "Où est la Réalité ? Vite, sortez-moi de là !" , ainsi que l'exclamait, affolé, l'un des personnages de "gamers" à la scène finale du génial "eXistenZ" (1999) de David CRONENBERG... le poète جلال‌الدین محمد بلخی : Djalâl ad-Dîn RÛMÎ (1207-1273) nous rappelait bien que "La Vérité est un miroir tombé des mains de Dieu" ("Al-Lâh" : le "Lui"), chacun en ramasse un morceau et crie qu'il tient là toute la vérité... alors que cette Vérité (si elle existe) est telle une toile d'araignée couverte de rosée étendue entre tous les humains...
Ici, pas moins de six entrées-en-matière successives pour une seule mort à élucider : auprès du Lieutenant de la "Crim" de l'époque (qui n'apparaît pas à l'écran des pages blanches) se suivent la déposition initiatrice d'un bûcheron (incarné par le bon 志村 喬 : Takashi Shimura dans le film d'A. K.), puis celle d'un moine itinérant, celle d'un informateur-mouchard-"balance", celle d'une "vieille femme recueillant sa fille "rescapée d'une épreuve", puis les "AVEUX DE TAJÔMARU" (une fieffée crapule, vantard incarné avec brio par l'acteur 三船 敏郎 Toshirô Mifune pour le film d'A.K. dans un registre histrionique sautillant et criard toujours savoureux), la "CONFESSION D'UNE FEMME VENUE AU TEMPLE DE KIYOMIZU" (qui est la pauvre victime, encore secouée)... enfin, le "RECIT DE "L'OMBRE" PAR LA BOUCHE D'UNE SORCIERE".
Bref, avec Akutagawa, le lecteur finira par tirer les vers (ou les asticots) du nez de cette humanité, mortelle et si prévisible, s'attribuant toujours "le beau rôle" à seule fin de cautionner et faire oublier ses petites saloperies quotidiennes, bien ordinaires...
Sauf que le défunt (de là où il parle, là où il est) n'a plus rien à perdre. Il se vengera par la bouche de la sorcière (fabuleuse scène de transe dans le film de KUROSAWA, avec le personnage de Tajômaru, accroupi et ligoté en arrière-plan, assistant à l'impressionnante "Danse avec les morts"). Avec un "Who-dun-it ?", ce misérable détail de l'intrigue sherlockholmesque contenue dans le propos d'outre-crémation du principal lésé : de QUI le mort tient-il absolument à se venger en nous révélant "sa" vérité ?

Allons, "Ne divulgâchons point" à nouveau les ressources narratives des extraordinaires nouvelles du "clinicien"/conteur AKUTAGAWA Ryûnosuke [... et apprenons tous à prononcer son nom d'une traite...]. L'art littéraire façonné par cet homme (d'un perfectionnisme "maladif" selon le préfacier Jacques Dars) se révèle d'une essence proprement CINEMATOGRAPHIQUE.

Ce gars était un chantre et fieffé praticien de la souffrance humaine ; chapeau, l'artiste ! Mais pourquoi "diable" (de cyanure !) avoir choisi la Voie du Suicide en vos trente-et-cinq printemps ?

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-Après une succession de guerres, cyclones, incendies et séismes, Kyoto connaît une période de grande misère. Réfugié sous la porte Rashô, un homme regarde la pluie. Derrière la porte, un charnier. Doit-il abandonner tout honneur et piller les cadavres ? Comme le fait justement la vieille femme qu'il rencontre à l'étage, une pauvresse qui arrache les cheveux d'une défunte pour en faire une perruque.
-Le riche seigneur de Horikawa commande un paravent à l'un de ses peintres préférés. le Paravent des figures infernales va hanter le peintre Yoshihidé. Cet homme vil, avare, mesquin, détesté de tous, ne peut reproduire que des scènes qu'il a vues de ses yeux, alors quand il s'agit de représenter l'enfer...Sa passion créatrice va le conduire au pire, sous le regard impitoyable de son seigneur.
-Dans le fourré, un mort a été découvert. le policier chargé de l'enquête reçoit les témoignages, parfois contradictoires, de tous les protagonistes de l'affaire, et même celui de l'esprit de la victime.
-Parmi les gens qui servent le Régent Fujiwara Mototsune, un officier de cinquième rang est moqué de tous, de ses collègues jusqu'aux enfants des rues. Son gros nez rouge, ses vêtements décolorés par le temps et la misère, son caractère timide en font un objet de sarcasmes permanents. le pauvre hère vivote, solitaire, en caressant un unique rêve, celui de se rassasier un jour d'un bon gruau d'ignames, ce mets délicat, réservé aux fêtes, qu'il a déjà goûté sans pouvoir s'en repaître. Ayant eu vent de l'affaire, un seigneur l'entraîne dans un périlleux voyage hivernal jusqu'au coeur de l'abondance. Mais que cache cette générosité inespérée ?

Quatre contes très différents mais baignés par la même ambiance étrange et sombre. le mal, la violence, la cruauté y sont très présents, sous la forme d'esprits vengeurs, de tentations, de représentations de l'enfer ou de comportements manipulateurs. Nulle rédemption, nulle pitié, nulle douceur dans l'univers d'Akutagawa. L'écriture est précise, ciselée, foisonnante mais malheureusement, le format court des contes laisse un peu sur sa faim...C'est pourtant une bonne introduction à l'oeuvre de cet auteur majeur au Japon, qui s'inspirait aussi bien des grands classiques japonais et chinois que de la culture occidentale.
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Je ne me souviens plus de l'Edition Galimard dans « Connaissance de l'Orient ». C'est par hasard que je suis tombé sur cette version abrégée de ces contes. Avec un grand plaisir je me suis laissé entraîné par Akutagawa sous la porte Rasho de Kyoto, un soir d'orage, au milieu de la guerre civile à l'époque Heian. Je me suis également rendu à la cour du seigneur de Horikawa en compagnie du peintre Yoshihidé et de sa pauvre fille. Mes pas m'ont ensuite guidé dans la forêt de Yamashina sur les traces du voleur Tajomaru et de ses victimes, puis enfin sur les pas du pauvre officier Goi devant son plat de gruau d'igname. Akutagawa nous relate avec brio les tristes aventures de tous ces personnages, jouets du destin qui s'acharne sur eux. Il sait aussi bien nous décrire la misère que les fastes d'un seigneur dans le Japon médiéval. Ce fût une grande redécouverte.
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Yoshihidé ! Peut-être même de nos jours, ce nom rappelle-t-il quelque chose à certains. C'était un peintre bien connu avec lequel, disait-on, nul contemporain n'aurait pu rivaliser pour la maîtrise des couleurs et du dessin. Lors de l'événement que je vais raconter, il avait dépassé la cinquantaine. Il avait l'aspect d'un vieillard, petit, maigre, n'ayant que la peau sur les os, et l'air méchant. Quand il se rendait à la résidence du Seigneur, il était toujours habillé d'un vêtement de chasse orange foncé, et coiffé d'un eboshi souple. Sa personne donnait une impression de vulgarité extrême. On ne savait pourquoi, ce vieillard ne paraissait pas son âge. De plus, la couleur toute rouge de ses lèvres faisait soupçonner chez lui quelque chose de bestial, de répugnant. Certains en attribuaient la cause au pinceau qu'il ne cessait de sucer. Mais je ne sais quoi en penser. Des gens plus malveillants encore le surnommaient Saruhidé (Hidé-singe), disant que ses gestes rappelaient ceux des singes.

[AKUTAGAWA Ryûnosuke, "Figures infernales" (1918) in "Rashômon et autres contes", traduction du japonais par Mori Arimasa, 1965 - chapitre II, page 34 de l'édition en coll. "folio 2 euros", éd. Gallimard (Paris), 2003]
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"Il arrive parfois qu'un homme consacre sa vie entière à un désir qu'il ne pourra peut-être jamais réaliser. Celui qui se moque d'une telle illusion ne connaît rien à la vie."
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Cela s’est passé un jour au crépuscule : un homme de basse condition était là, sous la Porte Rashô ; à attendre une accalmie de la pluie.
Il n’y avait personne d’autre que lui sous la vaste Porte. Seul, sur une colonne énorme, dont l’enduit rouge était tombé par endroits, un criquet s’était posé. La Porte Rashô se trouvant dans l’avenue Suzaku, on se fût attendu à y rencontrer, outre cet homme, deux ou trois personnes, des femmes en chapeau conique ou des hommes coiffés d’eboshi, cherchant abri contre la pluie. Et pourtant, il n’y avait personne d’autre que lui.
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d’un ton brusquement amer, il dit :
- Dans le char, on a enchaîné une dame de cour qui a fauté. Ainsi, quand le feu sera mis, cette femme, chair brûlée, os calcinés, expirera dans de terribles supplices. Ce sera un modèle sans précédent pour parfaire ton paravent. Ne manque pas d’observer comme une peau blanche ainsi que la neige brûle et se crevasse. Regarde bien aussi les cheveux noirs se dresser en étincelles de feu !
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Aux dires du disciple déjà mentionné, une fois plongé dans le travail, cet homme fut comme possédé par l'esprit d'un "renard". Selon des rumeurs du temps, sa réussite en peinture était due à un serment qu'il avait fait devant le Grand Dieu du Bonheur. Certains affirmaient que si on l'épiait lorsqu'il peignait, on voyait de sinistres ombres de renards rôder autour de lui. Ainsi, le pinceau à la main, il oubliait tout, sauf l'achèvement de la toile à laquelle il se consacrait. Nuit et jour enfermé dans une chambre, c'est à peine s'il voyait la lumière du soleil. En particulier, lors de la composition du "Paravent des Figures infernales", son acharnement parut exceptionnel.
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Videos de Ryûnosuke Akutagawa (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ryûnosuke Akutagawa
« […] Akutagawa Ryunosuke (1892-1927) tenait cette nouvelle pour l'une des oeuvres les plus fortes de Shiga Naoya (1883-1971). […] Tout en usant de mots familiers réussir à donner une pareille sensation de transparence, voilà ce qui dans tout texte, à quelque genre qu'il appartienne, importe au plus haut point. […] Une telle forme d'écriture dédaigne la fleur pour obtenir le fruit : par la simplicité même, elle accède à l'essentiel comme aucun mode d'expression de la vie quotidienne ne le pourrait. […] » (Junichiro Tanizaki [1886-1965])
« […] Sa légèreté n'est qu'apparente. Elle recèle une puissance insoupçonnée. Ainsi de ces variations de Chopin, subtiles, presque imperceptibles, qui résonnent en nous, se propagent jusqu'au fond de nos entrailles comme la douleur d'une dent. […] » (Hideo Kobayashi [1902-1983])
« […] l'originalité de Shiga Naoya tient au fait que jamais dans aucune de ses nouvelles il ne se laisse aller à l'analyse psychologique de son personnage principal. Il le présente seulement comme un homme qui lutte pour essayer d'établir des relations humaines rationnelles dans le monde qui l'entoure. le personnage apparaît si profondément hanté par cette quête que Shiga Naoya ne s'attarde pas à une étude de son caractère. […] » (Sei Ito [1905-1969])
« […] En janvier 1913 paraît un premier recueil de nouvelles, dédié à sa grand-mère. le 5 août de cette même année, Shiga Naoya est renversé par un train de la ligne Yamanote. Il est grièvement blessé et doit se faire hospitaliser. Il écrit en septembre la nouvelle Han no hanzaï (Le crime de Han) puis, en octobre, part en convalescence à Kinosaki. […] L'une de ses plus belles nouvelles, Wakaï (Réconciliation) […] est publiée en 1917, peu de temps après Kinosaki nite (Le séjour à Kinosaki). […] »
17:55 - Générique
Référence bibliographique : Naoya Shiga, le séjour à Kinosaki suivi de le crime de Han, traduit par Pascal Hervieu et Alain Gouvret, Éditions Arfuyen, 1986
Image d'illustration : Autoportrait de Shiga Naoya daté de septembre 1912.
Bande sonore originale : P C III - O UT O UT by P C III is licensed under an Attribution License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/P_C_III/O_UT_1733/O_UT
#NaoyaShiga #LeSéjourÀKinosaki #LittératureJaponaise
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