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Citations sur L'obsolescence de l'homme (81)

Certes, on exige du violoniste qu’il s’exerce. […] Mais comparés à ceux de l’ouvrier, ses exercices restent entièrement humains et exempts de toute contradiction car, ayant déjà fait de son instrument une partie de son corps (qui trouve dans l’instrument une possibilité de s’étendre en tant que champ d’expression), et l’ayant incorporé à son organisme comme un nouvel organe, il doit effectivement rester actif au moment où il s’exerce. La tâche de l’ouvrier est exactement inverse à la sienne. Elle consiste à faire de lui-même l’organe de son instrument, à laisser la cadence de la machine s’incorporer à lui avant de parvenir, à son tour, à s’incorporer à elle – bref, à se charger activement de se transformer en un être passif. (p. 110)
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Car, au moment de la défaillance, lorsqu’il a découvert qu’il n’était pas une partie d’instrument mais lui-même, un homme pareil au vieil Adam, il s’est évalué avec les critères des instruments, il s’est regardé de leur point de vue – un peu comme quelqu’un qui suit la ligne d’un parti adopte le point de vue de ce parti, en défend à tout prix les intérêts, contre lui-même s’il le faut. (p. 113)
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La défaillance effective ne se contente pas de préciser la différence de perfection entre l’homme et l’instrument, entre le producteur et le produit. Elle « congédie » celui qui a failli. Elle le renvoie à lui-même d’une façon si définitive qu’il n’est plus alors qu’un vieux rebut, soudain privé de monde, devenu incapable, « rejeté » et ne sachant plus que faire. (p. 114)
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Ce qui désormais règne à la maison grâce à la télévision, c’est le monde extérieur – réel ou fictif – qu’elle y retransmet. Il y règne sans partage au point d’ôter toute valeur à la réalité du foyer et de la rendre fantomatique – non seulement la réalité des quatre murs et du mobilier, mais aussi celle de la vie commune. (p. 123)
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Ces stars de cinéma, ces girls étrangères que nous ne connaîtrons jamais personnellement et que nous ne rencontrerons jamais, mais que nous avons pourtant vues d’innombrables fois, et dont les particularités physiques et spirituelles nous sont mieux connues que celles de nos collègues de travail, ces stars se présentent à nous comme de vieilles connaissances. (p. 138)
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Quand la présentatrice apparaît sur l’écran, elle me réserve les regards les plus appuyés en s’inclinant vers moi avec une spontanéité affectée, comme s’il y avait quelque chose entre nous […]. Quand la famille qui expose ses problèmes à la radio se confie à moi, elle me considère comme son voisin, son médecin de famille ou son prêtre [...]. Ils viennent tous me voir comme des visiteurs familiers et indiscrets, ils arrivent tous à moi pré-familiarisés. (p. 139)
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En tant que membres de l’espèce homo faber, nous faisons « quelque chose de quelque chose », nous façonnons le monde à notre mesure. La familiarisation découle donc de la « culture » au sens le plus large du terme. Il est indiscutable en effet que tout travail est, en un certain sens, une familiarisation […]. Nous ne pouvons pas reprocher au menuisier, par exemple, de ne pas nous livrer le bois brut plutôt qu’une table, qui nous convient de fait incomparablement mieux. Il n’y a véritablement là aucune tromperie. La transformation ne devient une tromperie que lorsqu’on présente une chose fabriquée comme si elle était ce dont elle est faite. Or c’est précisément le cas du monde familiarisé. Celui-ci est un produit qui, en raison de son caractère de marchandise, et en vue de sa commercialisation, est taillé à la mesure de l’acheteur et adapté à son confort : c’est un monde travesti – puisque le monde est l’inconfort même –, et ce produit a néanmoins l’audace ou la naïveté de prétendre être le monde. (p. 144)
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Le plus décourageant c’est que la critique de ces phénomènes est perçue comme une critique de leurs victimes. (p. 169)
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Celui qui cherche encore – et il y a heureusement toujours de nouvelles tentatives dans ce sens – à sortir des sentiers battus ne doit pas seulement s’attendre à la résistance acharnée des fabricants de stéréotypes dont il enfreint les règles, mais aussi à celle des clients eux-mêmes, dont l’horizon des attentes est lui-même déjà limité, et qui trouvent scandaleux ou invraisemblable tout ce qui sort du cadre de l’extraordinaire dont ils font leur ordinaire, quand ils sont encore capables de le voir : car la plupart d’entre eux ne sont tout simplement plus capables de tenir compte de ce qui est atypique. La question de savoir quelle méthode la vérité devrait suivre pour concurrencer le mensonge, c’est-à-dire pour être crue elle aussi, la question de savoir si elle ne devrait pas, puisque le monde des mensonges est composée de vérités, se faire passer pour un mensonge (si une telle chose lui était possible), cette question, non seulement n’a pas trouvé de réponse jusqu’à aujourd’hui, mais n’a, en outre, pas été posée. (p. 193)
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Si l’un d’entre nous était resté lycéen – « né pour voir, fait pour regarder » – et, cherchant à s’arracher à cette tromperie, sortait pour « regarder au loin » et « voir de près », il abandonnerait rapidement sa quête et s’en retournerait définitivement trompé. Dehors, il ne trouverait plus rien d’autre que les modèles de ces images stéréotypées qui ont conditionné son âme ; rien d’autre que des modèles copiés sur ces images ; rien d’autre que les matrices nécessaires à la production des matrices. Et si on lui demandait ce qu’il en est du réel maintenant, il répondrait que son destin est désormais d’accéder réellement à la réalité grâce à l’irréalité de ses copies. (p. 221)
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