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Citations sur L'obsolescence de l'homme (81)

En 1956 le philosophe Allemand Günther Anders nous parle de sa vision du futur :
"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau et la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.
« Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste... que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. »
« On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s'interroger, penser, réfléchir. »
« On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté »
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La tâche de ceux qui nous livrent l'image du monde consiste ainsi à confectionner à notre intention un Tout mensonger à partir de multiples vérités partielles.
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L'ambiguïté propre aux émissions de radio et de télévision consiste en ceci qu'elles mettent d'emblée et par principe leur destinataire dans une situation où est effacée la différence entre vivre un événement et en être informé.
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Préface à la cinquième édition :

"Non seulement ce volume que j'ai achevé il y a maintenant plus d'un quart de siècle ne me semble pas avoir vieilli, mais il me paraît aujourd'hui encore plus actuel. Cela ne prouve rien quant à la pertinence de mes analyses de l'époque : cela prouve seulement que l'état du monde et la condition humaine que je décrivais étaient déjà très dégradés, qu'ils n'ont guère changé sur le fond depuis 1956, et ne le pouvaient d'ailleurs pas. Ces observations n'étaient pas des pronostics mais des diagnostics. Les trois thèses principales : que nous ne sommes pas de taille à nous mesurer à la perfection de nos produits ; que ce que nous produisons excède notre capacité de représentation et notre responsabilité ; et que nous ne croyons que ce qu'on nous autorise à croire - ou plutôt ce que nous devons croire, ou plutôt ce qu'il faut impérativement que nous croyions -, ces trois thèses fondamentales sont malheureusement devenues, à l'évidence, plus actuelles et explosives qu'elles ne l'étaient alors, en raison des risques encourus par notre environnement dans le dernier quart de ce siècle. Je souligne donc que je ne possédais à l'époque aucune puissance "visionnaire", mais qu'en revanche 99% de la population mondiale étaient incapables de voir - ou plutôt avaient été rendus incapables de voir, phénomène que j'avais dénoncé sous le nom d'"aveuglement devant l'apocalypse".

Les textes que j'ai consacrés à la situation nucléaire ("Temps de la fin et fin des temps"), mon journal d'Hiroshima (L'Homme sur le pont) et ma correspondance avec le pilote d'Hiroshima, Claude Eatherly, attestent que je ne suis pas revenu sur la position que j'avais adoptée, dans le quatrième essai de ce livre, sur l'armement nucléaire : au contraire, mes activités dans ce domaine se sont intensifiées depuis cette époque. En fait, je trouvais inconvenant de se contenter de théoriser de façon universitaire sur la menace apocalyptique, ce qui m'a fait retarder de plusieurs années le second tome de L'obsolescence de l'homme. La bombe n'est pas seulement suspendue au-dessus au-dessus des universités. Entre la parution du premier tome et celle du second, j'ai donc consacré l'essentiel de mon activité à m'opposer à l'armement nucléaire et à la guerre du Vietnam. Je n'ai cependant pas de réserves à faire aujourd'hui sur l'essai que j'ai à l'époque écrit sur la bombe. Je le tiens même pour plus important qu'il y a vingt-cinq ans, parce que désormais les centrales atomiques obstruent le regard que nous pouvons porter sur la guerre nucléaire et ont fait de nous des "aveugles à l'apocalypse" encore plus aveugles qu'auparavant.

Le deuxième essai, Être sans temps, sur le Godot de Beckett, a lui aussi gagné en actualité depuis sa rédaction, il y a vingt-huit ans, parce que j'y décrivais le monde, ou plutôt l'absence de monde, des chômeurs - misère qui aujourd'hui, après un demi-siècle, recommence à se généraliser.

Le jugement totalement pessimiste que j'ai porté sur les mass média dans le troisième essai ("Le monde comme fantôme et comme matrice") n'a pas trouvé beaucoup plus d'écho sur le moment. Certes mes thèses - la télévision rend l'homme passif et lui apprend à confondre systématiquement l'être et l'apparence ; le monde devient le reflet des images puisque les événements historiques se règlent toujours par avance sur les exigences de la télévision - sont encore plus valides qu'alors, et aujourd'hui, vingt-cinq ans après la rédaction de ces réflexions, certains hommes politiques au pouvoir tiennent compte de mes mises en garde. Mais les thèses en question ont malgré tout besoin d'être complétées et parfois d'être durcies : même s'il est apparu depuis lors que les images télévisuelles nous livrent à domicile, dans certaines situations, une réalité qui, sans elles, nous resterait étrangère. La perception de la réalité est certes préférable à la perception des images, mais celles-ci valent pourtant mieux que rien. Les images de la guerre du Vietnam retransmises quotidiennement dans les foyers américains ont pour la première fois "ouvert" les yeux vides et las de milliers de citoyens, déclenchant ainsi une contestation qui a grandement contribué à mettre fin au génocide qu'on était en train d'accomplir à l'époque.

Quand j'ai écrit ce plaidoyer, non pas, malheureusement, pour qu'advienne un monde plus humain, mais tout simplement pour que continue d'exister un monde, un grand nombre de mes lecteurs potentiels n'avaient pas encore vu le jour dans notre monde ténébreux. Ils réaliseront que la situation révolutionnaire, ou plutôt catastrophique dans laquelle l'humanité est capable de s'autodétruire -, que cette possibilité réelle, dont il n'y a aucune raison de s'enorgueillir, avait déjà été préparée avant leur naissance, et que les devoirs qui sont aujourd'hui les leurs avaient déjà été autrefois ceux de leurs parents et de leurs grands-parents.

Je conclus en formulant de tout mon cœur, pour vous et pour vos descendants, le souhait qu'aucun de mes pronostics ne se vérifie.

(Günther Anders, Vienne, octobre 1979)
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« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe: on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »
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Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels
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Le mensonge n’avait encore jamais possédé de meilleur instrument ; il ne ment plus contre la réalité à l’aide de fausses images, mais à l’aide de la réalité elle-même.
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Quand le lointain se rapproche trop, c’est le proche qui s’éloigne ou devient confus. Quand le fantôme devient réel, c’est le réel qui devient fantomatique.
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La consommation de masse, aujourd’hui, est une activité solitaire. Chaque consommateur est un travailleur à domicile non rémunéré qui contribue à la production de l’homme de masse. 
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Seconde infériorité de l’homme (après le « mauvais moulage ») : il est périssable. 𝘐𝘭 𝘦𝘴𝘵 𝘦𝘹𝘤𝘭𝘶 𝘥𝘦 𝘭𝘢 « 𝘳é𝘪𝘯𝘤𝘢𝘳𝘯𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘪𝘯𝘥𝘶𝘴𝘵𝘳𝘪𝘦𝘭𝘭𝘦 ».
Son « malaise de la singularité » - l’expérience de ne pas être une marchandise de série - agit sur lui comme un memento mori («Souviens-toi que tu vas mourir »).
[...]
Voici maintenant un fait qui établira de façon définitive comment ce sentiment de handicap, ce « malaise de la singularité » s’est généralisé : ce fait, c’est la passion des images aujourd’hui dominante, I’« iconomanie ».
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