Le sommeil des justes, tome 2 : Par une nuit si froide

C’était comme un reflet de sa vie : elle se trouvait à la merci de choses qu’elle ne pouvait pas contrôler. Elle réussit à maintenir la voiture dans la bonne direction et poursuivit son chemin. Elle avait besoin de rentrer chez elle. Besoin de trouver un moment de calme dans une journée qui avait viré à l’enfer. Elle fut choquée de réaliser à quel point elle était seule. Pas d’amis. Pas de famille. Personne ne serait là pour elle si son implication éclatait au grand jour. Elle aurait dû mourir ce jour-là. Cela aurait été plus facile que d’affronter l’avenir.
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Elan observait de loin.
Ce témoin gênant menaçait de compromettre le plan. Il avait pensé que l’ancien soldat serait capable de s’en occuper, mais le garçon et sa mère étaient désormais en détention protectrice, et le Syrien avait été arrêté. Ça sentait mauvais.
La deuxième phase de cette opération était de loin la plus délicate et la plus critique. Il n’y avait aucune marge d’erreur.

Malgré ce qu’en pensait son patron, Jed avait appris à compartimenter ses sentiments, à mettre les victimes dans une boîte où elles n’envahissaient pas ses rêves. Il devait faire face à des scénarios cauchemardesques presque tous les jours. Il lui fallait pouvoir se détacher pour faire correctement son travail. Il avait essayé de mettre Vivi et Michael dans une de ces boîtes. Il avait échoué.
C’était devenu personnel.
Il se souciait des Vincent.
Peut-être son patron avait-il raison. Peut-être Jed n’était-il pas fait pour ce travail après tout. Peut-être qu’un connard glacial serait un meilleur agent que lui.
Il sentit quelque chose de suspect, des larmes vraisemblablement, lui brûler les yeux.

C’était un caméléon et elle ne faisait pas confiance aux personnes qui travaillaient dans l’ombre. Elle avait besoin de vérité et d’honnêteté. Son mari lui avait aussi appris cela. En tant qu’interprète, elle avait travaillé sur des affaires classées et connaissait le fonctionnement de ces types. Bien sûr, c’était un patriote, mais il jouait aussi un jeu qui dépassait largement la sécurité de Michael. Les pions étaient facilement sacrifiés au nom de « l’intérêt général » et elle n’était pas prête à laisser cela arriver à son fils. Mais elle savait aussi qu’en matière de terrorisme, le gouvernement américain ne faisait pas les choses à moitié.

Elle savait que cela devenait une obsession et que ce n’était pas sain, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle avait failli le perdre ce jour-là. Et elle ne pouvait s’appuyer sur personne. Elle était seule. Elle n’avait pas de famille. David était trop occupé à être important pour penser à aider Michael et elle aurait préféré manger du foie cru plutôt que de soumettre son fils, sensible et en difficulté, à ses méthodes parentales strictes. Elle n’avait même pas gardé son nom, et il ne s’était pas opposé à ce qu’elle change aussi le nom de famille de Michael en Vincent.
Il avait honte de son fils, et elle avait honte de lui.

Un frisson s’empara d’elle. Le sentiment de paix était illusoire, mais elle l’appréciait quand même. Jed ferma tous les stores, même s’il n’y avait probablement pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. L’idée que les terroristes puissent les retrouver si vite semblait ridicule. Il y avait des escaliers contre le mur derrière elle, donnant probablement sur d’autres chambres. Quelques lampes baignaient le chalet d’une chaude lueur ambrée qui lui donnait envie de s’étaler sur la surface plane la plus proche, tombant d’épuisement, mais le moment n’était pas encore venu.