"Terre d'épouvante", la première des deux pièces présentées dans ce numéro de "L'illustration Théâtrale", est un court morceau en trois tableaux écrit par
André de Lorde, l'auteur principal du théâtre du "Grand-Guignol" et par
Eugène Morel, l'inventeur de la bibliothèque publique moderne.
Représentée pour la première fois en 1907 au théâtre Antoine, c'est une pièce de circonstance. Elle évoque l'éruption de la montagne Pelée qui, en 1902, entraina la destruction de la ville de St Pierre et provoqua quelques 30000 victimes.
La catastrophe en est le sujet, l'intrigue et le dénouement. Trois fois le rideau se lève sur des personnages nouveaux, et trois fois la catastrophe apparaît sous un aspect et des effets divers".
Au premier acte, Roussel, le gouverneur de l'île, accueille Jeanne sa fille, de retour de métropole, et ses deux petits enfants, Pierre et Lucie, qu'il ne connaît pas. Tout à la joie des retrouvailles, il a du mal à se soucier des élections qui se préparent.
Pourtant le volcan, dont l'explosion est tout d'abord possible, puis probable et enfin certaine, se charge de le rappeler à sa fonction dont il assumera , courageusement, tous les périls...
Au deuxième acte le rideau se lève sur un soupirail, sous un escalier de pierre. Ce sont les prisons de la ville où s'entassent quelques prisonniers qui, abrutis par une chaleur soudaine et anormale, somnolent au son de la musique de Ti'Robin qui chante en s'accompagnant de son banjo.
En dessous d'eux, dans une cellule s'enfonçant dans les entrailles de la terre, Spirido, un assassin, attend son exécution...
Au troisième acte, la tragédie est consommée. le décor n'est que désolation. le sol n'est plus qu'un amas de cendres d'où émergent des choses informes, quelques barres de fer tordues, le tronc calciné d'un cocotier, un pan de mur de la terrasse du jardin du gouverneur. A son retour, celui-ci cherche ses enfants...
Il s'agit là d'une pièce poignante, sans vaine littérature, avec seulement les mots qu'il fallait pour évoquer ce cataclysme. Les deux auteurs, avec ce texte, ont su rendre palpable l'angoisse, la chaleur, la peur et la tragédie.
"Monsieur Codomat" la deuxième pièce du recueil est une pièce légère de
Tristan Bernard.
Il s'agit d'une comédie que se jouent, par appât du gain, plusieurs personnages dont monsieur Codomat le gérant de l'immeuble, Henri La Fauvette un riche héritier amant de Clothilde et fiancé de Francine la fille de Codomat....
L'imbroglio est total et ne mènerait au vaudeville s'il n'était empêché par la forme très littéraire des dialogues et l'humour étincelant et sarcastique de
Tristan Bernard.
Ce sont, donc, deux pièces très différentes que contient cet excellent numéro de "l'illustration théâtrale" paru en novembre 1907. Elles sont, aujourd'hui encore, deux morceaux importants d'un Théâtre vivant et talentueux dont la lecture procure beaucoup de plaisir.