Raj , vieil homme de soixante-dix ans habitant sur l'île Maurice, suite à un rêve qui le tourmente, se souvient...
Un épisode de sa vie, qu'il tenait le plus possible enfoui, rejaillit et il décide d'aller se recueillir sur la tombe de David, un jeune garçon mort à dix ans.
Ainsi débute cette confession émouvante, qui m'a serré le coeur tout au long de ma lecture, la nostalgie de cette évocation lancinante du passé transparaissant à chaque page. Raj vivait pauvrement dans la région Nord du pays, à Matou, un village. Mais un cyclone emporte la vie de ses deux frères, ses parents et lui fuient et s'installent à Beau-Bassin, où le père violent trouve une place de gardien à la prison. Derrière le grillage, Raj observe un enfant de son âge, David. Ils deviennent amis. Une amitie pure, entière, spontanée. Ils décident de fuguer ensemble. Et ce sera le drame....
Raj comprendra plus tard pourquoi un juif d'Europe de l'Est s'est retrouvé interné avec sa famille sur l'île Maurice, un épisode méconnu de la seconde guerre mondiale. La honte de n'avoir rien compris à l'époque, la culpabilité, le remords, sont au coeur du souvenir. L'écriture sobre et intense de l'auteur s'accorde à la pudeur et la sensibilité du personnage de Raj.
" Nous étions deux enfants du malheur accolés l'un à l'autre par miracle". Deux destins qui se sont croisés de manière improbable mais définitive.
Un livre fort et poignant, mon préféré de l'auteure jusqu'à présent. A lire!
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Un épisode de la seconde guerre mondiale peu connue, un texte moderne et sensible. L'auteur a su mettre en avant ce petit garçon si malheureux, qui porte tant de tristesse et de culpabilité en lui depuis 60 ans. de magnifiques descriptions de l'île Maurice de ces années la, bien loin des cartes postales que nous connaissons . Une très bonne découverte .
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Originaire de l'Ile Maurice Nathacha Appanah se consolait du fait que son île était restée éloignée de tout conflit. Un jour, elle découvre pourtant que les déflagrations de la seconde guerre mondiale sont parvenues jusqu' à ce territoire lointain : 1500 juifs ont été débarqués et emprisonnés à Beau Bassin. Quel joli nom pour une bien triste histoire.
Le dernier frère raconte la rencontre improbable entre Raj l'enfant du pays et David le petit juif orphelin et atteint de malaria.
Raj a perdu ses 2 frères dans un terrible cyclone. David, lui apparaît alors comme le substitut providentiel de cette perte incommensurable. Personnage fantomatique, éthéré, David figure l'ombre de Raj, son anti thèse.
Dans une écriture pleine de grâce et de poésie, Nathacha Appanah fait ressurgir la mémoire douloureuse de Raj devenu un vieil homme . Elle explore les sentiments liés à l'abandon, la peur, la violence, l'innocence et l'énergie de l'enfance. Une magnifique histoire d'amitié qui m'a beaucoup touchée. Vraiment je vous invite à découvrir ce livre puissant et tendre à la fois.
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Raj qui a soixante-dix ans, Voit David en rêve : le rêve doux et plein de sérénité lui donne la permission de se souvenir de leurs jours partagés.
Et c'est un petit bout d'enfance qu'il se remémore. enfance ? Peut-on appeler ainsi cette période de drames, de douleurs et de violence ? Seule la présence éphémère de David donnera un sens à ce mot, comme elle en marquera tragiquement la fin.
Le style de l'écriture vous happe littéralement, vous enjoignant à poursuivre, avec avidité, la lecture pour accompagner les deux garçons. Les descriptions font surgir dans votre imagination tout un tas de couleurs que ce soit celles de la nature féerique ou hostile, des paysages verdoyants ou dévastés et des espèces animales, vous verrez les couleurs de cette merveilleuse perruche...
C'est un roman qui évoque un fait historique de la période de la seconde guerre mondiale, on referme le livre et les questions sont là qui attendent réponses : restait-il, seulement, une once d'humanité dans le monde, durant cette période, quel que soit l'endroit où l'on porte le regard ?
Comme dit Raj, il ne restait peut-être seulement, dans les coeurs, que la honte d'être un homme ?
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Sur l'Ile Maurice, en 1945, deux enfants solitaires, meurtris par le deuil et le malheur vont se rapprocher fortuitement et se lier d'amitié.
Raj a 9 ans, il a eu la douleur de perdre ses deux frères bien aimés, Anil et Vinod, emportés devant lui par une rivière de boue lors de pluies diluviennes. Depuis ce drame, il vit seul entre une mère aimante et un père alcoolique et violent qui les terrorise et les brutalise. David, lui, a 10 ans et une santé fragile. Il est orphelin, originaire de Prague et fait partie d'un convoi de migrants juifs refoulés de la Terre Promise où ils cherchaient refuge. Tous deux vont se rencontrer près de la prison de Beau Bassin, au sud de l'ile, où le père de Raj a trouvé une place de gardien. Conditions de détention insalubres, malnutrition, maladies, violence au quotidien, de nombreux prisonniers ne résisteront pas. Les deux enfants vont trouver la force de s'échapper, une fuite périlleuse et illusoire dans les forêts de camphriers et de banians.
Raj, soixante ans plus tard, avec une profonde tristesse, raconte cet épisode douloureux et revient sur ses souvenirs et un sentiment de culpabilité qui le hantent.
A partir d'un fait historique scandaleux, hélas longtemps occulté, Natacha Appenah signe un roman troublant et émouvant, sur l'amitié, l'amour maternel, la violence et le deuil. Elle dépeint une ile à la nature luxuriante, mais aux conditions de vie précaires. A l'époque la misère y règne en maître. L'écriture est simple et fluide, le ton toujours juste et la narration empreinte de sensibilité, de pudeur et d'une certaine innocence.
Un livre instructif et attachant que je conseille à tous.
#Challenge ABC 2023 / 2024
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Ce livre se base sur un fait historique : celui de l'internement des juifs refoulés de Palestine par les Anglais en 1940 et déportés vers d'autres colonies britanniques, Trinité et Tobago ainsi qu'à l'île Maurice. Ils furent « parqué » là (y-a-t-il d'autres mots ?) dans l'enceinte de l'ancienne prison de Beau-Bassin. Ils y resteront 5 ans.
Ce témoignage est celui d'un adulte du pays qui fut un enfant à l'époque des faits. Pour lui ce fut la fin de l'insouciance, de l'enfance et la découverte d'un « autre monde ». L'homme âgé qu'est devenu Raj se souvient de cette époque avec le recul de l'adulte : Un peu trop pour moi, ce qui a neutralisé l'effet « vérité » et endigué le côté vivant, naturel et spontané de l'histoire. Il n'a pas suscité en moi l'émotion qu'il aurait dû… J'étais spectatrice mais pas partie prenante. Ça m'a manqué.
le petit Raj ne connait d'horizon que le bidonville et la fraternité entre ses habitants. La violence des colères de son père aussi, due à l'alcool absorbé pour anesthésier la misère, la souffrance. La consolation des pauvres… Puis brusquement, lui le plus chétif, sera le seul survivant de ses deux autres frères qui périssent au cours d'une tempête. La question lancinante que ce posera Raj est « pourquoi lui » ? La famille va alors quitter le bidonville pour une maison en forêt du côté de Beau-Bassin. Son père décroche un emploi de maton à la prison où sont enfermés des Méchants Pas Beaux…
Ces gens nourrissent l'imaginaire du gamin qui va finir par transgresser l'interdit et s'approcher de la prison. Il y découvre la « différence » mais la condition et la nature de ces prisonniers échappent à sa compréhension d'enfant. Ils ne peuvent qu'être « coupables » puisqu'ils sont enfermés.
Mais Raj n'aura d'yeux que pour David (qui incarnera l'âme de cette prison), un enfant d'à peu près son âge avec lequel il entamera une épopée pour fuir le camp. Raj veut « protéger » cet enfant sans même savoir de quoi il est coupable. Il ressent simplement l'urgence de la fuite. Hélas, Raj qui souhaitait revenir au Bidonville pour s'y perdre et s'y cacher, ne fera que tourner en rond pour revenir au point de départ.
Le style de l'auteure est agréable, fluide et sans difficultés particulières. Mais je le répète, malgré tous les malheurs qui déferlent sur cette famille, malgré ceux infligés à tout un peuple ; cette histoire terrible et poignante, je l'ai juste ressenti comme un récit factuel - un peu flou par moment (parce que c'est un enfant) où s'égrènent toutes les calamités considérées après coup, des décennies plus tard avec beaucoup trop de distance, bien trop relativisées.
En fait, peut-être Raj essaie-t-il de dédramatiser, parce qu'il culpabilise. En rendant les choses moins graves il dilue la honte ? Cela ferait sens. Mais pardon, honte de quoi, au fait ?
Honte d'être mauricien ? Choisit-on où l'on nait ?
Honte d'avoir survécu à ses deux frères ? Que peut-on contre les forces de la nature ?
Honte des colères de son père ? de sa violence ? Est-on responsable de ses ascendants ?
Honte de ne pas avoir pu protéger sa mère de la violence familiale ? Ce n'était qu'un enfant…
Honte de découvrir que son père ne gardait que des victimes ? Comment pouvait-il savoir ?
Honte de comprendre qu'ils étaient soumis à l'autorité coloniale ? Cela ne peut être qu'à l'âge adulte
Honte de ne pas avoir pu protéger David ? Comment aurait-il pu le faire ?
Honte d'être un enfant?
Honte d'avoir attendu aussi longtemps à l'âge adulte pour affronter la réalité et ses propres démons?
Honte d'être un homme faible ? Un homme tout court ?
Du coup, ça n'est plus seulement une histoire, mais une vaste réflexion sur la vie ; cela prend une autre dimension. Pratiquement un ouvrage philosophique en somme. D'où la simplicité de la langue pour mieux y faire passer les idées…
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