Coup de coeur pour ce roman, écrit avec justesse et sensibilité, où chacun des personnages est finement décrit, où l'on s'immerge pas à pas, subtilement, dans une époque et un lieu dont les coutumes nous sont inconnues, où l'on s'attache à une jeune fille qui a décidé d'avoir
le choix de la vie qu'elle veut mener, quel qu'en soit le prix à payer.
Il fut un temps, pas si éloigné de nous, dans les années 1960, où les jeunes filles, les jeunes femmes, n'avaient pas
le choix en Italie.
Le choix de nouer les amitiés qu'elles désiraient, de se promener seule une fois devenue "jeune fille", de danser, lever les yeux vers un jeune homme, parler en public, être seule, même sur la place du village, avec un garçon, aller à l'école et être trop instruite, avoir des idées d'émancipation...
Tout acte risquait de les transformer pour toujours en "dévergondées", de leur faire perdre leur réputation, leur vertu, leur honneur.
Leur mariage était arrangé sans leur consentement par les familles et lorsque un prétendant avait des vues sur elles, il "suffisait" à celui-ci de les compromettre, pour qu'elles soient définitivement perdues aux yeux de la société et qu'un "mariage réparateur" soit organisé.
C'est dans cette époque cadrée, régie par les lois des familles et de la société, qu'Oliva 15 ans cherche son chemin d'adolescente.
Olivia, cette jeune fille "garçon manqué" qui aime l'école, adore apprendre de nouveaux mots, courir à perdre haleine avec ses sabots aux pieds, aller aux limaçons ou aux grenouilles avec son père, jouer avec son ami Saro "le boiteux", rêver devant les formes des nuages et leur inventer des noms, réciter les déclinaisons latines, dessiner les vedettes de cinéma en cachette, rêver avec son amie Liliana devant les revues, deviner l'amour dans les pétales d'une fleur.
Olivia qui pense avec justesse que « la femme n'est jamais au singulier ».
« La femme au singulier n'existe pas. Si elle est à la maison, elle est avec ses enfants, si elle sort, c'est pour aller à l'église, au marché, ou aux enterrements, où il y a toujours d'autres femmes. Et s'il n'y a pas d'autres femmes pour la tenir à l'oeil, il faut qu'elle soit accompagnée par un homme ».
« Moi, une femme au singulier, je n'en ai jamais vu » dit elle….
Olivia qui nous conte ses ressentis avec beaucoup de profondeur pour son âge.
"Je ne sais pas si le mariage je suis pour, je ne veux pas finir comme Fortunata... C'est pour ça que je cours tout le temps, dans la rue: l'air qu'expirent les garçons est comme celui d'un soufflet qui aurait des mains et pourrait toucher ma chair. Alors je cours pour devenir invisible, je cours avec mon corps de garçon et mon coeur de fille, je cours pour toutes les fois où je ne pourrai plus, pour mes camarades qui portent des chaussures fermées et des jupes longues, qui ne peuvent marcher qu'à petits pas lents, et puis aussi pour ma soeur qui est enterrée chez elle, comme une morte, mais vivante."
"Les veuves, je suis pour, parce qu'elles n'appartiennent qu'à elles-mêmes".
"Je suis aussi ma mère, et un jour de deviendrai comme elle sans même m'en apercevoir. Nous sommes des poules, des femmes de poulailler. Et le poulailler, je suis contre."
Ce roman est un coup de coeur car il nous immerge dans la vie de cette jeune fille, dans
le choix qu'elle va prendre, dans ses relations avec sa mère, stricte et étriquée, avec son père qui parle peu mais est là et bien là dans sa vie (dont les expressions « je ne préfère pas » ne sont pas vides de sens, bien au contraire) et dans les conséquences qu'aura sa décision sur son avenir et celui de sa famille.
Coup de coeur pour sa relation toute en non-dits, silences puissants et sensibilité avec son père !
Le choix est un roman puissant et sensible à la fois. Un de ceux que l'on referme en ayant vécu avec les personnages, en ayant appris de l'Histoire avec un grand H par les petites histoires d'une famille et d'un village, un de ceux où l'on se dit que l'on est heureux que les temps aient changé et que les femmes soient un jour devenues au pluriel !
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