Les lance-flammes

Il dévale vertigineusement vers une supercivilisation atroce : villes effrayantes où sur les terrasses tombent des poussières d'étoiles, où les métros à trois réseaux superposés emportent une humanité blême vers un infini progrès de mécanismes inutiles.

Suis-je bien dans la planète qui m'était destinée ou est-ce par erreur que je me trouve sur la terre ?

La porte d'un bar encastré dans une ruelle parallèle aux rails s'entrouvre et, dans les escarbilles, on voit s'avancer une femme énorme, superbement coiffée d'une pièce montée à rubans et suivie d'un maigrichon au dos en arc de cercle.

(...) j'ai l'impression qu'on m'a arraché l'âme avec une tenaille, qu'on l'a mise sur une enclume et qu'on tape dessus à coups de marteau, jusqu'à la mettre complètement à plat.
L'Astrologue eut un sourire imperceptible :
-- Et l'âme reste à ras de terre, comme pour échapper à un bombardement invisible.

Comme un porc heurtant du nez la palissade pour échapper à l'abattoir, Erdosain frappe mentalement chaque planche de la barrière d'horreur qui entoure le monde et qui, malgré son immense circonférence, est plus étroite que l'enceinte d'une porcherie.
Il ne peut s'enfuir. D'un côté, il y a la prison. De l'autre, l'asile de fous.

On n'a pas encore exploré l'intimité de bien des âmes dignes d'intérêt. Il m'arrive de penser que certains saints étaient effroyablement afhées. Ils croyaient si peu en Dieu que plus ils s'acharnaient dans leur incrédulité, plus ils mettaient d'ardeur à se flageller. Ils disaient ensuite qu'ils avaient été tentés par le démon.

-- Tu seras toujours angoissé. Tu peux tuer tes proches, dépecer un enfant, si tu veux, t'humilier, te faire larbin, te laisser gifler, chercher une femme qui amène ses amants chez toi. Tu peux leur tenir la cuvette où ils se laveront la verge pendant qu'elle, couchée et nue, continuera à les caresser. Toi, tu iras chercher les serviettes pour qu'ils s'essuient. Tu peux bien aller jusqu'à ce degré d'humiliation, ce n'est pas en t'humiliant que tu trouveras l'apaisement, parbleu non! Tu es fichu. Tes yeux resteront purs de toute tache, et tristes. (...)

Il y a des gens à qui ça fait mal de voir que leurs proches ont des chances de réussite. Il y en a même qui sont jaloux au point de ne pas vous pardonner de vous faire des illusions

Il a parcouru la gamme des possibilités humaines et il sait, textuellement il sait, qu’il ne lui reste plus rien à faire

Vous ne croyez pas que l’heure est venue ? Vous avez vu dans quel état se trouve le monde ?