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Julio Cortázar (Préfacier, etc.)Isabelle Garma-Berman (Traducteur)Antoine Berman (Traducteur)
EAN : 9782714446572
384 pages
Belfond (12/08/2010)
3.78/5   83 notes
Résumé :
Employé à la Compagnie sucrière, Erdosain a pris l'habitude de puiser dans la caisse.
Dénoncé, il est sommé de rembourser six cent pesos et sept centimes, et découvre le même jour que sa femme le quitte.

Aux abois, il part trouver l'Astrologue, un être aussi mégalo que délirant, qui a pour projet de fonder une société secrète financée par les revenus d'une chaîne de maisons closes.

Avec lui, un maquereau mélancolique, un rentier ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Auteur argentin né en 1900, décédé juste à 42 ans, il semble très célèbre dans son pays, dans lequel il est comparé et opposé à Borges. Il n'a pas connu la même célébrité que son compatriote en dehors des frontières de l'Argentine : sa première traduction en France ne date que de 1981, et il s'agit justement de ce roman, Les sept fous, premier volet d'un diptyque qui se poursuit avec Les lance-flammes.

Le personnage principal, Erdosain, est un petit employé chargé d'encaisser de l'argent pour la Compagnie sucrière. Il a pris l'habitude de détourner de petites sommes, qu'il gaspille bêtement, mais il est dénoncé et doit trouver rapidement de quoi rembourser. Après deux tentatives infructueuse, il se fait prêter, ou plutôt donner cette somme par un homme enrichi par la prostitution, le Ruffian mélancolique, croisé dans l'entourage d'un homme étrange et charismatique, surnommé L Alchimiste. Mais son soulagement ne dure pas, car en rentrant chez lui, sa femme part avec un autre homme. Ces événements l'ébranlent, et il décide de prendre part à un complot monté par L Alchimiste pour prendre le contrôle de son pays. Ce complot nécessite de l'argent au départ, Erdosain suggère d'enlever Barsut, le cousin de sa femme, qui envahissait son intérieur, et qui est l'homme qui a dénoncé ses détournement à son employeur. L'Alchimiste agrée le projet, et la machine se met en branle. Erdosain déambule, rencontre divers personnages, pathétiques, désespérés, solitaires, pauvres tout en faisant connaissance avec les membres du complot de l'Alchimiste, et en ruminant.

Je comprends très bien le projet et l'ambition de ce livre, certains passages m'ont interpellé, il y a des moments terriblement forts. Mais cette lecture confirme ma difficulté à entrer dans l'univers des auteurs de l'Amérique du Sud. Je n'ai jamais réussi à vraiment embarquer dans cette lecture, à être en phase avec cet univers et surtout cette écriture. Même si par moments j'ai eu le pressentiment de quelque chose, mais de quelque chose qui m'échappait sans cesse, lorsque j'essayais de le saisir. C'est peut-être trop flou, trop impalpable pour moi. La folie de l'Alchimiste, qui n'est pas forcément une folie, mais un projet monstrueux, les déambulations d'Erdosain, où l'on se demande ce qui est vrai et ce qui est un fantasme, une hallucination, une imagination, les personnages qu'il croise entre impuissance et violence ne m'ont jamais vraiment accroché.

Une rencontre en grande partie manquée pour moi, même si j'ai apprécié de découvrir ce livre, et que je comprends qu'il puisse enthousiasmer des lecteurs.
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Roberto Arlt dans ce roman visionnaire saisit un monde fracassé et menacé par le totalitarisme avec une énergie hallucinante et une écriture oralisée et accidentée décoiffante. Ce récit nocturne, expressionniste, satanique mais sans Satan, oscille entre vices sociaux et perversions individuelles.
Sublimant le ressentiment social, Arlt fait preuve d'une extrême lucidité pour décrire le totalitarisme et la nature pathologique des messianismes autoritaires. Dans un style d'une frénésie impuissante, Arlt met en scène des personnages velléitaires aspirant à détruire une société aussi abjecte qu'hypocrite, tout en assumant leurs actes les plus transgressifs.
Tout y est dérangeant autant qu'hétérogène, véritable gifle mêlant la technique cyclothymique du feuilleton, une narration diffractée assurée occasionnellement par un commentateur à l'identité mal déterminée, l'analyse de conscience à la Dostoïevski et un langage piégé entre préciosité et vulgarité.
Paru en 1929, ce roman vertigineux, d'une originalité inouïe, est une noire et géniale prophétie d'une Amérique Latine à la dérive.

Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Nous sommes à Buenos Aires, à la fin des années vingt. La ville est comme un animal, un chaos de vices et de souffrances, dans lequel on plonge. Les coups pleuvent en sorte qu'on croit parfois assister à un match de boxe. La mort s'invite aussi bien la nuit suite à des défis stupides que dans une aube poisseuse. La ville est pleine d'illusions et de maléfices. Sous le son d'une guitare et d'un bandonéon, dans une étrange gargote, se croisent de petits escrocs, des joueurs, des invertis, des proxénètes (les cafishios), des intellectuels inadaptés et névrotiques, des illuminés et des mystiques. Erdosain est là errant dans ses rêves comme un fantôme se précipite dans un abîme. Il a volé la compagnie qui l'emploie et risque donc la prison. Il a été dénoncé par l'un de ses proches avec lequel il avait toujours eu une relation assez trouble, faite d'intimités et de haines réciproques. Sa femme, lasse de leur misère commune, le quitte pour un militaire. On le suit dès lors pas à pas, presque en somnambule; on entre dans sa conscience tortueuse et angoissée où dominent des idées de toute-puissance et de destruction. Il pense au suicide et au crime et dans les bas fonds de son âme, aux goûts d'hallucinations et de latrines, il s'analyse avec une minutie qui ajoute au macabre. Et s'il est parfois saisi par une grande pitié et des rêves de pureté, c'est encore à la manière d'un enfant ou d'un malade. Et sur sa route il va rencontrer d'autres fous. Il se laisse fasciner par l'Astrologue, un idéologue douteux, qui projette de monter une société secrète, suivant le modèle du Ku Klux klan, qui serait financée par un circuit de maisons closes et qui aurait une colonie dans des montagnes aurifères. Celui-ci s'entoure du Ruffian mélancolique, d'un chercheur d'or, d'un major... et rêve de dominer le monde avec toutes les armes du mensonge. Vous l'aurez donc compris, l'écriture de Roberto Arlt est souvent âpre, brutale, dérangeante, mais sans jamais relacher son étreinte.
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Quand un schizophrène suicidaire rencontre un sociopathe nihiliste et qu'ils envisagent de fomenter une révolution, financée par des bordels et alimentée par une foi fort peu orthodoxe, cela donne Les sept fous de Roberto Arlt. L'humanité qu'elle soit riche, orgueilleuse et esclavagiste ou bien misérable, noyée dans la culpabilité et honteuse de sa propre honte, cette humanité doit être éradiquée pour faire place à une nouvelle ère. Un roman à la fois puissant, foutraque et désespéré, comme si Dostoievski s'invitait à la table de Garcia Marquez. Tout bonnement génial.
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Les Sept Fous, de Roberto Arlt
Fiction - 24/11/2010 (970 mots)
La réédition des Sept Fous 1929 de Roberto Arlt et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Au jeu de la filiation littéraire, il n'est pas rare que l'écrivain argentin contemporain se reconnaisse deux pères. En lui ouvrant les portes de l'infini, Borges lui a donné droit de cité dans la république mondiale des lettres. Roberto Arlt, c'est pour lui une langue la rencontre du castillan cervantin et du lunfardo, un style « un coup de poing dans la mâchoire », un nom « imprononçable » ; l'écrivain « à humeurs » à qui l'on voue un « attachement viscéral » Juan Carlos Onetti, sans doute parce qu'il permet d'être, autrement, un Argentin universel.

La réédition des Sept Fous 1929, roman central de l'oeuvre arltienne magistralement traduit par Isabelle et Antoine Berman, et la publication des « Eaux-fortes portègnes » 1933, chroniques paraissant pour la première fois en français, permettent de redécouvrir deux facettes de cette figure hautement polémique des lettres argentines.

Celle du journaliste, d'abord. Circonstance majeure à l'époque des gentlemen écrivains : c'est dans la salle de rédaction, au rythme des rotatives, que Roberto Arlt fait ses classes pour rapidement gagner la reconnaissance de ses lecteurs, publiant, de 1928 jusqu'à sa mort prématurée en 1942, une chronique restée célèbre, les « Eaux-fortes ». Flâneur infatigable, il y radiographie l'espace à la fois intime et partagé de sa ville, Buenos Aires. Au fil des portraits, situations cocasses, considérations politiques, littéraires ou urbanistiques, s'élabore le grand kaléidoscope portègne. À une époque où les intellectuels cherchent fiévreusement à définir une « essence » argentine devant les peurs que suscite une immigration massive, la collection arltienne projette au contraire une vision multiple et mouvante. Aux visiteurs illustres du Paris austral Keyserling, Le Corbusier, Ortega y Gasset en quête de diagnostics ontologiques, Arlt répond : « Nous ne sommes pas tristes, nous mourons d'ennui. Et pour tromper ce dernier nous disons du mal de tout ce qui nous passe sous les yeux et sous la langue. » La langue, railleuse, rageuse, voilà ce qui définit l'être portègne. Et arltien.

Les « Eaux-fortes portègnes » sont tenues par ce singulier alliage : souci de l'observation, garde-fou contre les abstractions trompeuses et acidité généreuse du verbe. Une vraie leçon de journalisme. Mais Arlt ne s'en satisfait pas, au contraire : la rubrique est chronophage, elle éloigne l'écrivain, tout entier happé par la servitude quotidienne, de plus nobles tâches. Car, en bon flaubertien, Arlt aspire à écrire « l'oeuvre », celle qui embrassera le rythme accéléré de cette modernité urbaine que le journaliste scrute depuis sa chronique, cernera la « salade russe » idéologique de ces troubles années 1930 et saura peindre les âmes des humbles et des torturés - et celle qui, incidemment, l'installera dans le temple de la littérature. Ce programme, c'est celui des Sept Fous bientôt suivi par Les Lance-flammes en 1931, épopée délirante dans une Argentine qui sombre alors dans sa première dictature du siècle. On y rencontre une « société secrète » menée par l'Astrologue - un leader charismatique, tantôt communiste, tantôt fasciste -, qui projette de prendre, grâce à un vaste et absurde complot, le contrôle de l'État mais aussi celui de la subjectivité des habitants de la planète entière. Au coeur du projet, Erdosain, « aliéné » par excellence, misérable petit employé d'une multinationale, doit produire le gaz qui sera employé pour la destruction planétaire. À ses côtés, un maquereau mélancolique, ancien professeur de mathématiques et trésorier de la société, un chercheur d'or, un officier corrompu, un pharmacien mystique.

Les vaines gesticulations de ces illuminés sont observées par un narrateur qui relance ses épisodes à grand renfort de ficelles narratives empruntées sans vergogne au feuilleton. Car, dans cet improbable roman, Arlt dynamite le genre, à l'instar des avant-gardes argentines et comme, d'ailleurs, toute une critique occidentale qui proclame son arrêt de mort. Mais sa révolution, il la mène à sa manière, sans procès verbeux, avec l'admiration d'un lecteur nostalgique des aventures abracadabrantes du super héros Rocambole. Poussant la logique du feuilleton à l'extrême, il fractionne l'action, et dans cette implosion, ce sont toutes les structures du roman - temps, espace et personnage - qui volent en éclats. C'est le sujet, pris au coeur de cette tourmente, qui subit la métamorphose la plus décisive. Les personnages d'Arlt sont des êtres sous influence, des superficies impressionnables figées dans leur angoisse métaphysique. L'aventure, que l'on espère religieusement dans cette confrérie du complot, est un horizon désormais hors d'atteinte. On se noie avant d'avoir pu être sauvé par l'action, celle que, quelques années plus tard, Borges préconisera pour le salut du roman. Opus saturnien, Les Sept Fous reflètent, dans leurs feux crépusculaires, l'humeur mélancolique de cet écrivain-journaliste trop lucide quant aux contradictions de la modernité pour ne pas vouloir halluciner sa sublime et dérisoire apocalypse.

Perspicacité acide du trait journalistique, implosion et refondation du roman, perception aiguë du malaise de la conscience moderne, langue métissée, portée en étendard : l'héritage d'Arlt est riche. Trop riche ? Sans doute pas, car la « machine Arlt » Alan Pauls est une des plus performantes de la littérature argentine, de celles qui ont le plus engendré de désirs d'écrire. À ceux qui lui ont rendu hommage Onetti, Cortázar, Bolaño..., il a sans doute légué le droit d'«écrire mal», à la fois pour et contre la tradition, et celui d'admirer, tel un « jouet enragé » titre de son premier roman, pour mieux trahir.
Lien : http://www.magazine-litterai..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Oui, elle en avait fait, des rêves!
Certains jours elle avait imaginé une rencontre sensationnelle, un homme qui lui parlerait des forêts vierges et qui aurait un lion apprivoisé dans sa maison. Son étreinte serait infatigable, et elle, elle l'aimerait comme une esclave ; pour lui, elle trouverait du plaisir à s'épiler les aisselles et se peindre les seins. Avec lui, déguisée en garçon, elle parcourrait les ruines où dorment les scolopendres et les villages où les nègres installent leurs cabanes sur les fourches des arbres. Mais nulle part elle n'avait rencontré de lions : seulement des chiens pouilleux. Et les chevaliers les plus aventureux étaient des croisés de la fourchette et des mystiques de la marmite. Elle s'écarta avec écoeurement de ces vies stupides.
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- Évidemment, l"idéal serait d'éveiller chez beaucoup d'hommes cette férocité joviale et ingénue, il nous incombe d'inaugurer l'ère du Monstre Innocent. Tout se fera, n'en doutez point. C'est une question de temps et d'audace. Quand les gens se rendront compte que leur esprit est en train de se noyer dans les latrines de cette civilisation, ils changeront de cap avant de s'engloutir. Le problème, c'est que l'homme n'a pas encore compris que la lâcheté et le christianisme l'ont rendu malade.
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Je croyais que mon âme m’avait quitté pour jouir des beautés du monde, de la lumière de la lune sur la crête orange d’un nuage, et de la goutte de rosée qui tremble au-dessus d’une rose. Mais quand j’étais petit je croyais toujours que la vie me réservait un événement sublime et beau. Cependant, à mesure que j’examinais la vie des autres hommes, je découvrais qu’ils vivaient dans l’ennui, comme s’ils avaient habité un pays toujours pluvieux où les filets de la pluie leur laissaient au fond des pupilles des cloisons d’eau déformant leur vision des choses. Et je compris que les âmes s’agitaient sur la terre comme les poissons prisonniers dans un aquarium. De l’autre côté des vitres verdâtres, il y avait la belle vie chantante et très haute où tout aurait été différent, multiple et fort, et où les êtres nouveaux d’une création plus parfaite auraient bondi avec leurs beaux corps dans une atmosphère élastique. Alors je me disais : « C’est inutile, je dois fuir la terre. »
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Il vagabonda tout l'après-midi. Il avait besoin d'être seul, d'oublier les voix humaines, de se sentir aussi libre de ce qui l'entourait que peut l'être un étranger dans une ville où il a manqué le train.
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Vous croyez que les futures dictatures seront militaires ? Non, monsieur. Le militaire ne vaut rien comparé à l'industriel. Il peut être son instrument, rien d'autre. Et voilà tout. Les futures dictateurs seront des rois du pétrole, de l'acier, du blé.
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