- Comment sais-tu que tu as rêvé ?
- C’était la nuit et il faisait noir, docteur Calvin, répondit Elvex. Et il y a soudain de la lumière sans que je puisse trouver de cause à son apparition. Je vois des choses qui n’ont pas de rapport avec ce que je conçois de la réalité. J’entends des choses. Je réagis bizarrement. Et en cherchant dans mon vocabulaire des mots pour exprimer ce qui se passe, je tombe sur le mot « rêve ». J’étudie sa signification et j’en conclus que j’ai rêvé.
L'amélioration de la mémoire ne s'effectue pas par l'utilisation d'un moyen, pour le cerveau, d'emmagasiner plus efficacement les informations. Toutes nos études révèlent que le cerveau absorbe un nombre presque illimité de choses diverses, et cela parfaitement et définitivement. La difficulté porte sur le fait de nous en souvenir. Combien de fois avez-vous eu un nom sur le bout de la langue que vous n'arriviez pas à formuler ? Combien de fois avez-vous été incapable de donner une réponse que vous saviez connaître, pour vous la rappeler brusquement deux heures plus tard, alors qu'on parlait de tout autre chose ?
La dernière question.
La réponse se révélera quand il n'y aura plus que le silence et l'absence pour la savourer.
Le front était plat, fuyant, et les cheveux s'y plaquaient par touffes. [...] Déjà, des protubérances osseuses commençaient à tirer la peau au-dessus des yeux. Sa large bouche avançait plus loin que son nez camus et il n'avait pour ainsi dire pas de menton, rien qu'une mâchoire qui s'arrondissait en retrait. Il était petit pour son âge et avait de maigres jambes arquées.
C'était un petit garçon très laid, et Edith Fellowes l'aimait tendrement.
Parfois il fallait toute la nuit pour compter ce que tout le monde avait dit, alors on s'impatientait. On a donc inventé des machines spéciales, capables de regarder les quelques premiers votes et de les comparer avec le nombre des voix au même endroit, au cours des années précédentes. Comme ça, la machine pouvait calculer le total des voix et faire savoir qui était élu.(...)
Mais les machines sont devenues de plus en plus grandes et elles ont pu donner le résultat de l'élection avec de moins en moins d'électeurs. Finalement, on a construit Multivac, il est capable de donner le résultat avec un seul votant.
- C'est bien ça.
- Non, ce n'est pas bien. Je ne veux pas qu'une mécanique me dise comment j'aurais voté, simplement parce qu'un zigoto de Milwaukee a dit qu'il était contre la hausse des tarifs douaniers. Je voudrais peut-être voter, histoire de rire. Ou ne pas voter du tout. Peut être...
Vous n'avez pas entendu ? Les plaisanteries qui nous font rire ne sont inventées par aucun homme. Multivac a analysé toutes les informations qu'on lui a données et le seule réponse qui concorde le mieux avec tous les renseignements, c'est qu'un intelligence extra-terrestre a composé les blagues, toutes, et les a placées dans des esprits humains sélectionnés, à des moments et en des lieux sélectionnés, de telle manière qu'aucun homme n'est conscient d'en avoir inventé une.
La tête de Matière fit ce que les êtres-Energie ne pouvaient plus faire: elle pleura pour toute l'humanité sur la fragile beauté des corps auxquels ils avaient renoncé, il y avait un trillion d'années.
Il n’y a pas d’hommes importants, pas plus qu’il n’y a de bactéries individuelles importantes.
— Et quand il prononçait ces mots : « Laisse aller mon peuple », il voulait parler des robots ?
— Oui, docteur Calvin. Il en était ainsi dans mon rêve.
— Et savais-tu qui était cet homme… dans ton rêve ?
— Oui, docteur Calvin. Je connaissais l’homme.
— Qui était-il ?
Et Elvex répondit :
— J’étais cet homme.
Si tu pensais vraiment, dit-elle, aussi souvent que tu dis « je pense », tu ne serais pas perpétuellement aussi incertain de ce que tu penses.