L'intrigue est assez bien ficelée même s'il faut avouer qu'il n'y a pas vraiment de procédés révolutionnaires, rien que du classique. Un cadavre, ses restes du moins, difficile à identifier, des individus un peu paumés et au passé sulfureux, des hommes d'affaire, de la politique, des individus qui ne sont pas ce qu'ils sont vraiment, bref des personnages populaires dont on est amené à entendre parler tous les jours et dont la respectabilité n'est là que pour cacher les vices les plus noirs de l'humanité. Pédophilie, traite des femmes, déviances sexuelles, violence, alcoolisme, cupidité.
En revanche, et je considère cela comme l'un des points forts du roman, le nom du coupable n'est pas dévoilé en toute fin d'enquête, comme bien souvent, mais le récit dévoile au fur et à mesure un pan du secret: le lecteur est à la fois pris en étaux entre l'enquête de van In, Versavel et Hannelore et plongé au sein des consciences des coupables. Aspe ne nous offre pas de fausses pistes ou de faux suspects, histoire de rajouter un peu d'épaisseur au scénario, bien au contraire, il privilégie la bonne progression de son histoire au détriment de rebondissements hasardeux et faciles. En bref, l'intérêt de ce polar ne porte pas tant sur l'identité même du meurtrier, et de son ou ses complice (s) le cas échéant, mais vraiment sur le mobile et la situation autrement plus monstrueuse dont ce meurtre n'est que le symptôme: pour ainsi dire, ce n'est que l'arbre qui cache la forêt. En ce qui concerne le style de l'auteur, l'écriture de
Pieter Aspe n'a rien de particulièrement exceptionnel, il réussit parfaitement à rendre son récit vivant et mouvant mais je ne n'irais pas jusqu'à affirmer que c'est la qualité du style qui rend la lecture palpitante. Un style moyen, en somme.
Ne vous attendez donc pas à un chef d'oeuvre avec
Les Masques de la nuit, néanmoins l'intrigue est assez habilement construite pour susciter et entretenir l'intérêt du lecteur constamment pendant ces trois cents pages. le duo d'enquêteur fonctionne parfaitement et donne plus de profondeur et de vie à cette belle Bruges, peuplée des fantômes des mal-aimés et essayant tant bien que mal de cicatriser de la vicissitude et de la perversion humaine.