La Servante Écarlate, ou si l'on écrivait une version longue de la célèbre phrase attribuée à
Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
La crise dont il s'agit ici est d'abord d'ordre sanitaire, la fertilité étant en chute libre à causes de diverses pollutions. le récit alterne alors entre deux narrations, l'une passée qui retrace la montée progressive des événements menant à cette dystopie, et l'autre au présent raconte le quotidien de Defred dans cette nouvelle société, où elle est servante chargée de procréer.
Ce qui m'intéressait dans la partie au passé, c'était de trouver une réflexion sur la fragilité des droits des femmes. J'y recherchais des signaux sur lesquels il faut être vigilants, que j'ai listés au fur et à mesure de ma lecture :
— Banalisation des discours ouvertement sexistes à la télévision, car cela fait rire certains.
— La narratrice dit « nous » pour parler des idées de son mari et elle, et se rend compte avec le recul qu'elle n'était pas d'accord avec lui.
— le mari qui fait des blagues sexistes qui ne sont pas des blagues, juste dire qu'il y a des différences entre hommes et femmes en insistant dessus pour embêter une la mère de la narratrice.
— Pour justifier des différences sexués, dire « Des études ont été faites. », mais sans citer lesdites études, ou bien c'est la volonté de Dieu.
— Si une femme ne tombe pas enceinte, c'est sa faute et non celle de l'homme (c'est la loi qui le dit). Au point que je n'avais même pas compris que les hommes aussi étaient devenus stériles dans cette histoire !
— Rejeter la faute du viol sur la victime.
— Des injonctions contradictoires sur l'apparence : il ne faut pas faire telle chose car cela donne mauvais teint, mais les femmes ne sont pas censées faire attention à quelque chose d'aussi futile que leur teint.
— Transmettre le pouvoir économique des femmes aux hommes de leurs familles.
Dans toute cette partie au passé, cela m'a manqué de n'avoir pas plus de précision sur les évolutions de la société. Beaucoup de questions restent en suspens sur les mécanismes qui ont conduit à l'arrivée au pouvoir de Giléad, l'acceptation par palliers de la population, la mise en place de ce nouvel ordre sociétal... Cela fait tout à fait sens que nous n'ayons que les souvenirs de Defred pour nous éclairer, et elle-même ne s'intéressant pas de près à la politique, il est normal que nous ne puissions pas comprendre comment les choses ont pu dérapé ainsi. Aussi, avoir si peu de détails permet à cette histoire de rester un parallèle universel à toute société où les droits des femmes reculent. L'auteure évoque notamment l'Iran d'après révolution islamique comme source d'inspiration, mais cela pourrait sans doute correspondre à n'importe quel pays prenant un virage réactionnaire.
La partie au présent est quant à lui un récit d'attente, très lent, où il ne se passe pas grand chose. Avec le même ressenti de longueur, je viens de lire La Couleur des sentiments qui, dans un tout autre registre, traite aussi d'oppression. Écrire sur la discrimination, c'est écrire sur le fait que les personnages ne peuvent avoir de quêtes personnelles. C'est écrire l'impossibilité d'une histoire.
En effet, Defred n'est plus la protagoniste de son histoire, tout lui arrive à cause d'hommes et de femmes de pouvoirs.
Même la fin, qu'elle soit exécutée ou sauvée, ce sera indépendamment de ses choix et de ses actions.
Enfin, ce roman m'avait été présenté comme féministe, parce qu'il décrit une dictature qui asservit les femmes.
Les hommes de la classe dominante résident certes tout en haut de l'hiérarchie, puis sous eux se trouvent les femmes de la classe dominante dites Épouses, puis les Servantes écarlates utilisées pour leurs capacités reproductives, puis au bas de l'échelle se trouvent aussi bien les hommes utilisés pour leur force en tant que chair à canon, et les femmes infertiles comme main d'oeuvre en milieu dangereux.
La spécificité de cette dystopie réside surtout dans le fait qu'elle se concentre enfin sur un point de vue féminin, occulté par les précédentes classiques du genre.
En conclusion, il ne faut pas s'attendre à beaucoup d'action, ni à une histoire classique avec début, péripéties et fin. le but est au contraire de montrer comment cette dictature a empêché toute possibilité d'une histoire épanouissante.
Le parti pris est fort, mais je n'ai malheureusement pas accroché. Il y a eu trop de flou et de longueurs pour moi, ce qui m'a empêchée d'apprécier la lecture ou de trouver l'intérêt que j'y recherchais. Ce n'est cependant que mon expérience de lecture, et je pense que c'est un livre qui peut être perçu de manière très différente d'une personne à l'autre, notamment en fonction de son genre. Je vous recommande donc de faire votre propre avis, il y a tout de même beaucoup de choses intéressantes à tirer de cette lecture !