Il en est, des silences qui ne s'achèvent pas.
La vie, c'est ce qui arrive aux autres tandis que je m'occupe à en rêver.
Le mensonge laisse toujours passer un rayon de lumière vers la vérité.
Roland, ayant entendu dire par ma mère que j'écrivais "bien", m'avait demandé de réécrire les scènes érotiques d'un auteur de best-sellers, négligeant de me préciser (après un essai d'une page jugé satisfaisant) que, celui-ci n'écrivant pas ses livres, je me trouvais donc à l'ombre de l'ombre, nègre d'un nègre, un ancien de la Légion à qui l'Indo avait donné sur le sexe des vues simplistes et répétitives, où l'arrachage des vêtements et sous-vêtements de la femme (toutes des salopes sauf maman : elles disaient non et pensaient oui) était un point de passage obligé. (p. 35)
[...] ce que j'ai été ne me suffit pas, ne peut me suffire, et même, à mesure que je vieillis, me contente de moins en moins. Nous ne pensons trop souvent qu'à ce que nous avons manqué, raté. Nous ne faisons pas la part assez grande à ce que furent nos rêves. Ce sont eux, cependant, bien plus que nos actes, qui nous accordent avec le temps et le monde. Notre vraie vie est à leurs couleurs [...]
Jean Guéhenno, changer la vie.
Notre seul choix, [c'est] de chercher sur quelle bande-son nos rêves se briseront un par un et quelle quasi invisible pièce de tissu nous avons par notre misérable existence ajouté au grand quilt de la vie sur terre.
« Je t'ai vu ouvrir la porte de l'immeuble et à mon tour j'ai murmuré : « Le changement c'est maintenant ». J'ai commencé à rire sans pouvoir m'arrêter, for old time's sake, un de ces fous rires d'abrutis qui nous prenaient parfois, me répétant entre deux hoquets sa phrase, qui a glissé vers le slogan qui nous avait accompagné cette année-là : « Changer la vie. » Mon rire a tourné à la toux, putain d'allergies de printemps que je regardais de loin, avant. Changer la vie ! C'est bien maintenant qu'on en aurait besoin, toi, moi, et le paquet des autres, tous les crétins innocents qui avaient cru Tonton, et qu'on passait, sans blague, merde (ici, la voix de Coluche), de l'ombre à la lumière. J'avais vingt et un ans tout mouillés, toi deux de plus (« quand même, Giscard ou pas, je suis beaucoup plus majeur que toi! »), nous étions dans la catégorie du jeune homme au balcon, version pré-changement climatique, rageurs et nonchalants, sûrs de tout et flous jusque dans les plus infimes détails. »
- André, tu fais chier. Un président socialiste élu pour la première fois et tu veux t'enfermer dans ton studio à écouter sur ton Teppaz des disques de rock insupportables. Tous ces pédés anglais punk, ça me file la gerbe.
- Pour les Anglais, je suis d'accord, mais je ne te parle pas de ça. Sûr que s'il y avait Lou Reed et Patti Smith à ta fête de merde, je viendrais en courant. Mais je suis sûr qu'ils vont nous sortir les derniers des ringards, Leny Escudero et Georges Chelon avec Jean Ferrat en rock star.
(p. 64)
" Vous savez, dit-elle avec un bon sourire, ce que Romain Gary pensait de ceux qui racontent leur guerre ; qu'ils insultent leurs camarades morts; alors raconter sa résistance, c'est encore pire.
" Ce n'est pas nostalgique, disait Pam, c'est réaliste, c'est pour rester connectée à ce passé et conserver l'humilité face à tout ça. Dans ce pays, quand tu as de l'argent, tu crois que tu as acheté le droit de tout détruire et de tout refaire à ta façon - ou pas. Tout n'a pas une étiquette avec un prix, André; il y a des choses qui sont juste des dons, des dons que la vie te fait et que tu prends avec gratitude.