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sur 62 notes
".......elle ne me quitte pas, son nom revient, trouve en moi les points de résonance pour m'empêcher de me détourner, se loge dans une zone d'intranquillité, au douloureux point de frottement où regrets et hontes sont à l'oeuvre. En partie parce que fut une longue période de ma vie où j'aurais voulu être –ou j'ai même cru pouvoir devenir –comme Razan. Et le sentiment de honte d'avoir osé penser que je le pouvais, d'avoir abandonné et trahi la jeune femme idéaliste et confiante que j'ai été, ne passe pas, reste vif, et j'ai peur d'avoir à rester en sa compagnie, de me retrouver à ses côtés, petite et timorée."
"Elle" c'est Razan Zaitouneh, avocate, dissidente syrienne disparue sans laisser de traces dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013 à Douma, ville de la banlieue de Damas où elle pensait avoir trouvé refuge. La narratrice est l'écrivaine elle-même. Donc nous sommes en pleine dans la terrible actualité syrienne et Justine Augier essaie dans ce livre de restituer l'histoire de cette avocate, activiste des droits humains, dans la Syrie des années 80 à nos jours. Qu'une occidentale raconte l'histoire d'une syrienne n'est pas évident du tout, même si elle y a vécu et connaît bien le Moyen Orient. Augier l'accepte et joue sur ce regard d'étranger sur une dissidente du Moyen Orient, en la plaçant dans un contexte universel ,"mettre le doigt sur son universalité."
Elle ne la connaît qu'à travers les médias. À travers des bribes transmises par la famille et ceux qui ont pu la connaître et les propres écrits de Razan, elle va relier les différents éléments pour faire apparaître une image de cette femme à la personnalité exceptionnelle, qui à 14 ans décide d'être financièrement indépendante, vendant des montres à domicile et faisant du porte à porte, une chose impensable dans le Damas des années 80, ni d'ailleurs plus tard. Elle qui grandit au sein d'une famille conservatrice et religieuse, devient une jeune femme libre et laïque, "Razan sortie de nulle part".....
Certaines choses qu' Augier écrit comme "L'absence de confiance est une question centrale en Syrie ", l'état d'urgence en permanence, (contre des ennemis plutôt imaginaires, pour justifier à la face du monde, toutes les horreurs commises), le déroulement des procès des prisonniers politiques, des espèces de miliciens qui sortent de nul part aux premiers soulèvements,......en faites sont présents dans tous les pays aux régimes totalitaires, rien qu'à voir ce qui se passe chez le voisin.....la peur annihile tout, des deux côtés, le burlesque de la situation. Un burlesque qui déteint aussi sur la ressemblance du régime syrien alaouite avec le groupe salafiste d'opposition,qui l'ironie du sort fera disparaître celle (Razan)qui les défend.

La prose a le mérite d'être simple et clair, comme les idées et réflexions d'Augier, exprimées avec une grande sincérité. Partant de là, son témoignage sans prétention, fouillé et précis sur un sujet brûlant d'actualité, sur une personne représentative de tous les dissidents du monde, disparus,tout pays confondus, Amérique du Sud, Moyen Orient.....est poignante et excellente. Elle y insère aussi ses propres réflexions, ses expériences et vécus au sein de l'ONU et des ONG, comme quoi elle a aussi du vécu dans cet enfer de cette partie du monde, même si c'est indirectement.J'ai beaucoup apprécié l'intelligence de ses jugements personnels, sur les différentes informations recueillies sur la personnalité de Razan, ses goûts musicaux, sa sexualité....., ou sur d'autres circonstances, comme l'ambiguïté que sème un journaliste irlandais au sujet de l'attaque chimique que Razan affirme être réalisée par le gouvernement , plus de 1400 morts dont la plupart des civils, femmes et enfants.....
Vraiment un grand Bravo à Justine Augier pour ce livre bouleversant qui nous fait connaître les enjeux et les détails terribles du dessous du régime de terreur d'Assad, en même temps qu'une femme courageuse, hors norme, qui j'espère est encore en vie, ce dont je doute. Razan a reçu en octobre 2011" le prix Anna-Politkovskaïa, décerné chaque année depuis 2007 à une femme qui défend les droits de l'homme dans une zone de conflit et qui, comme Anna, prend le parti des victimes dans ce conflit, s'exposant ainsi personnellement à de grands risques. (Le même mois elle reçoit aussi le prix Sakharov.)".
Si le sujet vous intéresse, je vous recommande fortement ce témoignage bouleversant, car ce qui se passe en Syrie implique malheureusement l'Europe et nos vies beaucoup plus qu'on ne le pense. Inutile de lire les atrocités de la Shoah pour que l'histoire ne se répète pas, quand presque encore pire se passe au présent, à quatre-cinq heures d'avion de chez nous et qu'on ne peut rien y faire ?....................
(" "N'a rien pu faire” n'est pas la bonne expression ; “n'a pas voulu” ou “n'a pas trouvé d'intérêt à” est sans doute plus juste ".....une des dernières paroles de Razan , concernant la communauté internationale.)

"Au bout de la route, il y aurait du lait et des oeufs pour les enfants affamés, des vêtements chauds, du blé doré que les mains habiles des femmes transformeraient en pain. Il y aurait des médicaments pour soulager les souffrances des malades et sauver des vies. Au bout de la route se trouvait un paradis perdu, la promesse d'un semblant de vie, la promesse de la chaleur, de la satiété et de la guérison."
"I will never leave my country –never."
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"De l'ardeur", comme l'indique son sous-titre "Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne", reconstitue le portrait de cette juriste militante des droits humains et opposante au régime de Bachar el-Assad.
Issue d'une famille conservatrice mais dotée d'un tempérament de feu, Razan ne s'est jamais pliée à aucune contrainte : patriarcat, religion, voile, elle n'a cure des traditions et ne jure que par la liberté, les libertés, civiles et politiques, s'insurgeant contre toute forme d'oppression. Très tôt elle se consacre à la défense des prisonniers politiques opposants à Hafez el-Assad, puis de ceux de son "illustre" successeur Bachar, parmi lesquels de nombreux salafistes. A ce titre, le destin, incommensurable cynique, lui jouera un tour terrible, puisque dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013, alors que la Révolution agonise, Razan est enlevée avec son mari et deux de leurs amis, très probablement par un groupe salafiste opposant au régime de Damas: dans son obstination à lutter contre les oppressions, Razan dénonçait aussi les exactions des milices rebelles.
Depuis cette nuit d'hiver sans lumière, on est sans nouvelles d'eux.

Justine Augier, qui a roulé sa bosse à l'ONU et dans les ONG, notamment au Proche-Orient, n'a jamais mis les pieds en Syrie ni rencontré Razan. C'est au hasard de lectures et de recherches sur la Syrie qu'elle la croise. Interpellée, bientôt fascinée, elle décide d'écrire sur cette femme ardente, hors normes, attirée par son éclat, son courage, son intransigeance. Justine Augier a lu les écrits de Razan, interrogé ses proches et ceux qui l'ont côtoyée, visionné photos et vidéos. Elle mène une enquête et une quête, obsessionnelle, fusionnelle, qui retrace non seulement le parcours et le combat acharné de la militante (qui vaudra à celle-ci les prix Anna Politkovskaïa et Sakharov en 2007), mais aussi toute la tragédie de l'histoire syrienne récente. Elle décrit parfaitement les débuts de la Révolution en 2011, marqués par l'incrédulité puis la joie à l'état pur de redécouvrir la liberté, jusqu'au désespoir le plus absolu; elle met en lumière avec clarté et simplicité les enjeux du conflit et la lâcheté de la communauté internationale qui n'a rien pu, ou plutôt rien voulu faire, les intérêts en jeu ne valant pas les bouts de chandelle que Razan utilise la nuit pour continuer à écrire malgré les coupures de courant. Elle explique aussi sa propre démarche, ses motivations, hésite sur sa légitimité d'Occidentale à écrire sur une Orientale, sur une personne et un pays qu'elle ne connaît pas.

Chronique d'une tragédie interminable, "De l'ardeur", à la fois essai et biographie, est un livre poignant, bouleversant, écrit avec une grande sensibilité. On sent toute l'admiration sans bornes que l'auteure éprouve pour l'engagement (l'entêtement) de Razan, qui représente peut-être son idéal, celle qu'elle aurait voulu être.
Quant à moi, j'admire sans réserve le courage et l'intégrité de Razan, le travail minutieux, la sincérité et l'humilité de la démarche de Justine Augier.
Je réalise que Razan, Justine et moi sommes toutes trois nées en 1977 ou 78. Une même génération, des vies radicalement différentes. A quoi tient un destin ? Je n'aurais pas voulu être à la place de Razan, ni été capable de m'immerger dans sa vie comme Justine Augier, même si j'aurais aimé avoir le courage de l'une ou le talent d'écriture de l'autre. Mon destin était de lire ce livre et de découvrir ces deux femmes, et malgré la tristesse infinie qui transpire de ces pages, cela en valait largement la peine : "Se retourner sur Razan et la façon dont elle a choisi de mener sa vie, sur sa trajectoire libre parce que là se trouve, au creux même du tragique, la possibilité d'une consolation. Regarder Razan et mille fois faire le choix d'écrire [ndlr : de lire] sur elle plutôt que sur un salaud. Quand je ferme les yeux et pense à elle, que son visage m'apparaît, souriant ou non, je me sens soulagée d'appartenir au même monde qu'elle."
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A cheval entre biographie et essai, Justine Augier nous plonge dans la destinée assez folle de l'avocate syrienne militante des droits de l'homme .

Elle livre par ceci un vibrant hommage à une une femme que l'auteur jamais rencontrée mais de qui elle se
sent vraiment proche par son combat et les valeurs qu'elle défend.

En décembre2013, en compagnie de son époux et deux amis, Razan Zaitouneh est enlevée dans la banlieue
de Damas.
Depuis, nul ne sait où elle setrouve.

« de l'ardeur » reconstitue son portraitet, à travers elle, le puzzle éclaté de la révolution en Syrie.

En suivant à la trace le parcours l'avocate, comme un puzzle parsemé dont on reconstitue peu à peu les pièces, nous découvrons les horreursde la guerre ainsi que le parcours d'une femme aux convictions forcément formidables .
On salue le travail d'enquête particulièrement minutieux de l'auteur, qui interroge le lecteur sur la notion d'engagement et sonde les idéaux de tout un chacun et qui ne peut laisser indifférent ...
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Pourquoi lire l'histoire d'une activiste et dissidente syrienne, Razan Zaitouneh, enlevée, sans doute par les Islamistes, en décembre 2013, si ce n'est pour essayer d'y voir un peu plus clair dans le marigot syrien, pour mettre un peu de clarté dans les nombreuses factions à l'oeuvre contre un régime honni et couvert de sang - et néanmoins soutenu du bout des dents par les puissances occidentales qui y voient à tort ou à raison l'unique rempart contre l'islamisme radical ?

Tel était bien mon désir en lisant "De l'ardeur"...

Force est pourtant de constater que malgré des efforts louables et soutenus, je n'y suis pas arrivée, tant ce recit oscille entre l'enquête et le projet littéraire, entre la recherche objective des faits et l'hagiographie, entre le récit personnel et le recueil des témoignages.

J'ai été plus d'une fois tentée d'abandonner ma lecture, excédée par les innombrables passages en italique permettant à une "voix" jamais identifiée clairement d'interrompre le récit déjà largement zigzaguant de la narratrice, tandis que des didascalies- type: (il rit)- faisaient mine d'" authentifier" cette parole anonyme...

Le cours des événements est lui aussi noyé dans des parenthèses, des retours en arrière, des parallélismes - avec les récits du regretté Michel Seurat, par exemple.

Quant à Razan elle-même, j'ai mieux compris son personnage en faisant quelques recherches sur internet qu'en lisant Justine Augier...

Il aurait fallu choisir: écrire, en ayant "digéré " son information, un roman historique avec le portrait de Razan, femme de courage et de conviction, en motif central et iconique, - ou faire, modestement et clairement, une enquête journalistique circonstanciée sur la disparition d'une grande figure de la dissidence syrienne. Florence Aubenas est un modèle du genre, qui écrit si bien que son enquête se lit aussi avec plaisir...

A force de faire l'un et l'autre, Justine Augier, elle, se perd et nous perd.

C'est dommage pour Razan Zaitouneh qui méritait qu'on la découvre-ou qu'on la rêve- mieux.

C'est dommage pour les néophytes comme moi qui sortent de cette lecture pas plus savants et même nettement plus embrouillés qu'avant!
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« Se retourner sur Razan et la façon dont elle a choisi de mener sa vie, sur sa trajectoire libre parce que là se trouve, au creux même du tragique, la possibilité d'une consolation. Regarder Razan et mille fois faire le choix d'écrire sur elle plutôt que sur un salaud. Quand je ferme les yeux et pense à elle, que son visage m'apparaît, souriant ou non, je me sens soulagée d'appartenir au même monde qu'elle. »

Ainsi se termine le livre de Justine Augier qui pendant 315 pages va, sous nos yeux, nous restituer l'histoire de Razan Zaitouneh, avocate et dissidente syrienne, disparue à Douma dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013. Razan représente une certaine opposition syrienne, celle qui souhaite en finir avec toute forme d'oppression, religieuse comprise. Elle est co-fondatrice du Centre de Documentation des Violations en Syrie des Droits de l'Homme.

Justine ne connait pas Razan. Au début, elle a croisé l'écriture de Razan simplement en effectuant ses recherches sur l'histoire de la Syrie. Elle a commencé par interroger des personnes qui connaissaient Razan, puis lu ses écrits, ceux dont elle était le sujet, visionné des vidéos et des photographies. C'est ainsi que des liens fusionnels se sont tissés entre Razan et Justine et qu'ils ont donné naissance à cette enquête qui nous plonge dans la révolution syrienne jusqu'à l'enlèvement de Razan accompagnée de Samira, de Wael, son mari, et de Nazem.

Le récit démontre parfaitement comment les syriens, débutent la révolution remplis d'espoir et ce dans un mouvement démocratique. Comment des millions de gens sont arrachés à la léthargie générale, descendent dans la rue, remplis de joies, bravant la peur, porteurs d'une grande énergie, criant des slogans : Il parait que les manifestations provoquent un sérieux phénomène d'addiction.
Et à travers l'histoire de Razan, nous suivons cette révolution syrienne jusqu'à son agonie, la réalité du terrain y est très bien décrite, nous assistons au déclin des perspectives enthousiasmantes, aux sentiments d'impuissance ressentis par les activistes jusqu'à la mise en place des groupes armés, tous animés par des visions différentes, beaucoup plus préoccupés par un projet individuel que par un projet national, et en proie à tous ces groupuscules obscurantistes et tout ceci sur fond de répression.

Aujourd'hui, pour moi, Razan, Samira, Wael, Hazem, Yassin, Ziad, ne sont plus des étrangers. J'admire leur courage. Ils sont allés jusqu'au bout de leur engagement et de leurs convictions. Ils étaient tous portés par un idéal c'est ce qui a fait leur force, leur détermination.
L'enquête de Justine m'a entraînée sur leurs pas. Je suis allée regarder sur internet des vidéos de Razan, visionner quelques passages du film « Our Terrible Country » : film dans lequel on suit l'écrivain syrien Yassin al-Haj, époux de Samira, et un jeune photographe, Ziad al-Homsi.
C'est terrible cette dichotomie qui existe entre les voir se mouvoir sur un écran, lire ce livre, en faire un commentaire, et se demander ce qu'ils sont devenus, où ils sont, dans quelles conditions sont-ils détenus voire dans quelles conditions sont ils décédés.

C'est le deuxième livre que je lis sur la Syrie, deux livres excellents, que ce soit celui de Samar Yazbek ou de Justine Augier. le premier donnait la parole aux syriens, le second trace le portrait d'une icône de la résistance, Razan Zaitouneh avec toujours en arrière plan, un personnage : la révolution syrienne.

« Après le siège, après la révolution, après la guerre, voilà le rêve qui nous lie tous (…) Gloire à celui qui marchera jusqu'au bout » écrivait-elle peu de temps avant son enlèvement.
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Prix Renaudot, cet essai revient sur le parcours de Razan Zaitouneh, militante des droits de l'homme, dissidente syrienne enlevée en 2013 ; sans nouvelle depuis, elle est probablement morte.
Justine Augier ne connaissait pas Razan et c'est presque par hasard qu'elle s'est intéressée à elle jusqu'à l'obsession.
Nous croisons de nombreux proches de Razan ; sa soeur aînée, sa petite soeur, Wael son mari, Yahya l'ami non violent, assassiné lui aussi et tant d'autres.
Évidement, l'horreur syrienne des islamistes et de la dictature sanglante de Bachar El Assad est au coeur de l'essai.
Plusieurs extraits du récit de Moustafa Khalil qui fut enfermé dans les geôles syriennes sont cités par Justine Augier ; c'est parfaitement atroce.
L'auteure revient sur l'attaque au gaz sarin d'El Assad contre sont peuple et le désarroi, la détresse de Razan qui réalise qu'il n'y aura aucune interventions internationales malgré les promesse d'Obama.
Il est également très souvent fait référence à Michel Seurat, si proche du peuple syrien et otage au Liban ; références qui ne peuvent pas laisser insensibles les lecteurs de ma génération qui ont vu son visage apparaitre tant de soirs à la fin du journal d'antenne 2.
C'est un essai poignant sur une femme de conviction, courageuse, presque habitée qui a payé cher son engagement et son humanité.
Et puis c'est un immense chagrin, pour ses proches et un peu pour nous lecteurs, que provoque ce vide et cette absence depuis maintenant 8 ans.
Un essai vraiment intéressant.
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Au coeur de la dissidence syrienne.

Razan Zaitouneh a disparu en 2013 dans les environs de Damas, enlevée avec son mari et deux amis. Depuis, ne restent que le silence et les supputations pour une action de groupe islamiste rebelle au régime de Bachar el-Assad.

Justine Augier reconstitue méticuleusement une biographie de cette jeune icône de l'opposition syrienne, par les témoignages que ceux qui l'ont connue ou croisée, par son impressionnant travail d'avocate et de militante des droits de l'homme. On y découvre une figure de femme implacable dans son combat, travailleuse acharnée, idéaliste convaincue et tenace. Engagée humanitaire de la première heure aux côtés des opposants, intermédiaire poil à gratter qui dérange autant le régime que les insurgés, elle participe au printemps syrien rapidement muselé, subit la clandestinité, dénonce sans relâche les arrestations arbitraires, les conditions de détention et de torture.

Plus largement, le livre nous dessine en creux la Syrie de Bachar, l'opacité et la violence de fonctionnement du pays, la suspicion systématique envers toute forme de réforme sociétale. C'est une immersion dans la tentative de printemps syrien et son implacable répression, creuset de radicalisation des mouvements d'opposition qui deviendront le fond de recrutements de Daech.

Un document percutant et passionnant. Dommage que l'écriture soit parfois approximative et le texte porteur de coquilles jusqu'à quelques phrases incompréhensibles.


Sélection Document pour le Grand Prix des Lectrices ELLE 2018
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Un récit qui m'a beaucoup marquée, où Justine Augier nous fait part de son obsession pour Razan, une activiste syrienne ayant été enlevée durant la guerre civile et dont la disparition demeure non élucidée.

Bien que luttant contre son syndrome d'imposteur, l'auteur tente de brosser le portrait d'une femme qu'elle n'a jamais rencontrée, en accumulant lectures, articles, rencontres avec des proches et visionnages de vidéos. Et en même temps que se précisent les contours de la silhouette de Razan, c'est surtout une Syrie en ébullition qui se dessine, toute à sa liesse populaire au moment de la révolution avant les exactions atroces du régime, laissant place aux dissensions profondes au sein de l'opposition au régime, que ce dernier entretient d'ailleurs en faisant la chasse à toutes les figures modérées. J'ai été bouleversée face à la tolérance de Razan envers tous, y compris envers la composante islamiste de la population syrienne, tout autant que de sa colère et de son incompréhension envers la non-intervention des Occidentaux après l'usage de produits chimiques de Bachar al Assad sur son propre peuple. le récit de son courage, sa droiture dans ses idéaux et son épuisement physique font qu'il est très difficile de ne pas rejoindre Justine Augier dans son admiration béate pour cette Razan qui revit à travers les yeux d'autres.

Mais cette quête est aussi intérieure et très personnelle pour l'auteur, qui compare sa propre vie et la projection de la femme qu'elle aurait voulu être, émet perpétuellement des doutes sur sa légitimité à enquêter sur Razan, et revient souvent à Michel Seurat et ses amours de jeunesse.

Un drôle de cocktail où l'auteur, la narratrice, le sujet du livre et la Syrie se confondent et s'entremêlent dans une violence et une tristesse inouïes ; je suis ressortie lessivée émotionnellement de cette lecture, pourtant clef pour saisir autrement la guerre civile syrienne
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La Syrie est un champ de ruines dans lequel se commettent de très nombreuses exactions. C'est un fait. Cependant, au milieu des ruines, vivent ou ont vécu des personnes qui ne l'acceptent pas et qui résistent, comme elles peuvent. Razan Zaitouneh était (est ?) l'une d'elle. Inlassablement, depuis des années, sous le règne du seul Assad puis des groupes armés, elle documente les exactions commises dans les prisons : détentions arbitraires, tortures, morts...
Elle est intransigeante. Elle est dure à la tâche, elle est dure. Avec elle, avec les autres. Elle croit à la révolution, elle croit que cela est possible, si rien n'est passé sous silence, si le monde sait. Elle a aussi été déçu, par nous. Elle a documenté, au péril de sa vie, l'utilisation des gaz.
Elle ne laisse pas indifférente. Au point qu'elle fut enlevé, avec son mari et 2 ami.e.s en 2013. Par qui ? Nul ne le sait ou ne le dit.
Elle même a laissé peu de traces derrière elle. Les témoins se font rares. Lorsque tout cela sera terminé, cette biographie compensera une infime partie de l'ampleur de son travail qui a consisté à alerter la communauté internationale, qui l'a ignorée. Une infime partie de cette dette sera remboursée : les bourreaux ne seront pas les seuls à avoir les honneurs des médias.
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Je remercie les éditions Actes Sud et Elle de m'avoir permis de découvrir ce lire.
« De l'ardeur » ne se laisse pas facilement lire car le sujet abordé et l'écriture de l'auteur demandent de la concentration et un esprit de synthèse pour comprendre les tenants et les aboutissements de l'histoire de cette avocate syrienne. Je n'avais jamais entendu parler de Razan Zaitouneh auparavant et on peut rendre grâce à l'auteur de nous l'avoir fait revivre durant le temps d'un livre, d'avoir évoqué ses combats pour plus de libertés et de justice pour son peuple. Ce qui m'a frappée dans ce portrait c'est la détermination de cette jeune femme, son énergie, l'acharnement qu'il lui a fallu pour rassembler des preuves des exactions du régime du clan Hassad puis ensuite de celles des mouvements islamiques ou des groupes rebelles. Je suis restée admirative devant celle qui jusqu'au bout a écrit inlassablement pour témoigner, dénoncer les injustices, demander enfin que l'opinion internationale agisse pour venir en aide aux Syriens prisonniers d'une guerre civile dont ils ne savaient plus comment en sortir. Dans la dernière année avant son enlèvement, on sent le désespoir qui la frappe et cette impression de se battre contre des moulins devient de plus en plus persistante. Ce qui m'a manqué par contre, et là, ce n'est pas imputable à l'auteur, ce sont des connaissances précises sur le conflit syrien car Justine Augier évoque les différentes phases qui ont amené un peuple à manifester contre un régime autoritaire pour se retrouver quelques années plus tard victimes impuissantes de ce même régime, devenu paraît-il le seul rempart contre l'islamisme radical de Daesh. Alors, certes je suis l'actualité mais ce n'est pas suffisant pour appréhender correctement la complexité de ce conflit. De même, l'écriture est dense, pas facile à suivre d'autant qu'elle introduit dans son récit des témoignages de gens dont on ne connaît pas toujours l'identité et les liens avec Razan. Sans compter qu'il lui arrive aussi de livrer ses propres pensées par rapport à Razan ou par rapport à la Syrie. Le tout donnant un texte compact qui ne vous laisse pas beaucoup de respiration. C'est en tout cas le portrait d'une femme admirable qu'il nous est donné de découvrir et qui, grâce à ce livre, survivra longtemps dans les mémoires.
Lien : https://labibliothequedeneko..
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