S’il faut penser à soi, aux autres, à ceux qu’on aime et à ceux qu’on voudrait aimer, on ne s’en sort plus.
Maman ne m’avait pas dit que, par-dessus la pluie, il y aurait d’autres expériences encore plus nouvelles et plus délicates à gérer. Toucher les objets de tous mes doigts, j’ai appris à le faire, mais toucher les autres du fond du cœur, ça reste encore à voir.
Cette femme m’a coupé le souffle, et pas parce qu’elle était jolie, même si elle l’est. Mais parce qu’elle était vraie.
Peut-être que c’est ce qu’il faut, pour que les gens se parlent : qu’ils ne se connaissent pas. Pas de jugement, pas de confiance à établir, juste la vérité à l’état brut. Quand il y a de l’émotion autour, voilà ce que ça donne : une fille effondrée et une mère qui attend.
Le meilleur moyen pour un autiste d’oublier un événement : faire comme s’il n’avait jamais eu lieu. Si c’était une caractéristique de notre genre, il y aurait une incroyable quantité d’autistes sur la planète.
Après un premier entretien avec moi, les parents reconnaissent en général que leur enfant est, a leurs yeux, un étranger. Qu'il est un petit extraterrestre partageant leur domicile et leur coeur, impression que je m'efforce de renverser en leur demandant de se familiariser avec sa planète sans chercher à le transformer.
A force de trop chercher ses yeux, j’en perds son corps. Arthur s’accroupit et se glisse entre mes jambes, son pull frottant à peine le tissu de mon pantalon. Ce jeu, nous l’avons pratiqué des dizaines de fois, pour apprendre. Pour moi, c’était facile, j’ai eu trente ans de plus que lui pour me faire à l’hypersensibilité.
J'ai toujours été impressionné par l'espace que prenaient les soupirs, si grands alors qu'ils sont faits de la chose la plus insaisissable au monde.
Et tandis que j'esquisse le premier pas, un flocon tournoie devant mes yeux. (Fin de la page 295)
Mon cœur peut enfin se remettre en marche. J'essaie de ne pas prendre une trop grande inspiration, mais je peine à remplir mes poumons comme je l'aurais souhaité. Cette femme m'a coupé le souffle, et pas parce qu'elle était jolie, même si elle l'est. Mais parce qu'elle était vraie. (Fin de la page 39)