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Par l'intermédiaire de considérations générales, de nombreux exemples de voyageuses célèbres, et de son expérience personnelle, Lucie Azema dresse un panorama du voyage au féminin au fil des siècles : ce qu'il est ; ce qui l'empêche ; ce qu'il pourrait devenir libéré du patriarcat.

Pour ce faire, l'ouvrage décrit et analyse, dans une première partie intitulée « Être libre de voyager », la difficulté faite aux femmes de voyager en solo, notamment du fait des jugements, principalement masculins, mais pas seulement, effectués sur ce choix considéré comme contre-nature. Difficulté en raison du statut même de la femme au sein de la société, incitée à attendre, comme Pénélope, que son Ulysse rentre de ses multiples aventures, en restant bien sagement à la maison. Incitation inculquée dès l'enfance dans les rôles indus à chaque genre, parfaitement présentés par exemple par Simone de Beauvoir dans son Deuxième sexe, et repris ici par l'autrice. Jugements en ce que la femme, du fait de ce statut, n'est pas considérée comme une femme « normale » – elle est forcément folle, de mauvaises moeurs -, lorsqu'elle décide de partir seule, comme le montrent les expériences de nombreuses voyageuses racontées et citées au fil de l'analyse : ainsi d'Alexandra David-Néel , de Nellie Bly, ou de Gloria Steinem, pour n'en citer que quelques-unes. C'est pour ces raisons que la femme, bien souvent, ne voyage pas seule, et que les récits de voyage masculins, empreints d'un regard autocentré d'homme blanc, qui ne s'ouvre que peu à ce qui l'entoure véritablement dans la découverte de nouvelles contrées, profondément misogyne, et parfois même terriblement sexualisé, se sont au contraire multipliés au fil du temps, pour nous décrire un monde de manière extrêmement partiale.

Après avoir présenté cet état de fait quant au voyage au féminin, l'ouvrage de Lucie Azema montre, dans une deuxième partie intitulée « Être libre pour voyager », comment il est possible, pour chaque femme, de dépasser ces jugements imposés afin de se libérer des carcans qui l'empêchent de voyager comme elle l'entend, mais plus encore de se construire, en tant que femme, au-delà même du voyage, dans son rapport au monde qui l'entoure et à la maternité, comme elle l'entend également. L'autrice partage alors plus concrètement son expérience qui l'a fait voyager et vivre dans plusieurs pays comme l'Inde, ou encore l'Iran. de cette expérience, qui lui a apporté et lui apporte encore beaucoup, elle présente ce qui lui a permis de se libérer elle-même en tant que femme, de se construire en tant qu'être libre de ses choix, en dehors de tout déterminisme générique qui l'obligerait à rester, comme Pénélope, à attendre sagement qu'Ulysse se décide enfin à rentrer à la maison.

Les femmes aussi sont du voyage est un ouvrage que j'ai dans l'ensemble apprécié : riche en exemples tout à fait pertinents, d'une argumentation tout aussi pertinente, ainsi que d'une plume d'une grande qualité qui se laisse lire avec fluidité et intérêt, il permet de bien mettre en lumière un autre carcan imposé aux femmes, celui du voyage – ce que j'ai personnellement connu, même si pour de brèves incursions en solo de quelques semaines.

Je remercie les éditions Flammarion et la Masse Critique de Babelio de m'avoir permis de le découvrir en avant-première : la publication est prévue pour le 10 mars.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Lucie Azema fait partie de la jeune génération d'écrivaines-voyageuses (ça existe ?) bercée par les récits des grands écrivains du voyage (London, Loti, Kérouac, ...), s'est lancé dans la grande aventure du voyage solo. Très difficile à admettre même au XXIème siècle où aventurière n'est pas le féminin d'aventurier.
Mais elle s'est vite aperçue que la place réservé aux femmes dans leurs récits est bien mince et bien souvent peu intéressante.
Les femmes voyageuses des siècles passés sont souvent tombées dans l'oubli. Avec Les femmes aussi sont du voyage, Lucie Azema non seulement les sort de l'ombre, mais donne une autre vision du voyage, tout autant intérieur que lointain.

A lire - en voyage ou au coin du feu
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Il existe deux sortes de rapport entre humains. Des rapports de domination, ou bien des rencontres. Les voyages sont donc de deux natures.
Les voyages de "découverte", d'exploration, de colonisation, ont été le plus souvent menés par des hommes, produisant un discours supposé neutre, mais tissé serré de préjugés, de sarcasmes, et surtout destiné à valider une vision du monde invariable et très sexualisée. Les récits de leurs aventures invisibilisent totalement les serviteurs, les boys, les sherpas, et les femmes chargées de la nourriture ou de l'entretien. Ils furent et sont pourtant intégralement partie du voyage et sans eux, nos valeureux explorateurs ne seraient pas allés bien loin.
Et il y a les voyages de rencontre de l'Autre, tous ceux qui ne sont pas nous. Ces voyages pour lesquels il faut être libre par rapport aux préjugés, aux conventions, aux avertissements. aux peurs. Liberté intérieure tout autant qu'économique.
L'analyse du voyage d'un point de vue féministe permet non seulement de remettre quelques pendules à l'heure ou quelques points sur les i, mais aussi de revisiter les aspects fondamentaux de la liberté et de l'égalité, ce que voyager veut dire pour les femmes, quelle que soit leur origine et leur condition. Car les femmes ont toujours voyagé, accompagnant les voyageurs bien sûr, mais aussi de leur propre chef. Nombreuses celles qui ont acquis leur émancipation par le départ, soit pour échapper à une condition féminine vouée à l'attente, à la passivité et au mariage, soit pour rester vivante, tout simplement.
Lucie Azéma voyageuse invétérée, rend hommage aux nombreuses aventurières de l'histoire, qui l'ont été surtout parce qu'elles sont suivi leur propre voie. Elle nous conduit à reconsidérer nos peurs, les risques réels encourus, et en tout état de cause, à sortir de chez nous ne serait-ce que pour flâner, là où c'est possible, pour occuper l'espace public.
Voilà qui m'a donné envie de lire Alexandra David-Neel, Ella Maillart, Isabelle Eberhardt et bien d'autres, c'est-à-dire quasiment tous les ouvrages cités dans les notes.
Un essai passionnant qui se lit comme un roman d'aventures.
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L'objet de ce merveilleux et essentiel essai est double et enchevêtré : les multiples manières dont le virilisme a entravé, disqualifié, invisibilisé les voyages des femmes et leurs récits d'aventures, et la façon dont ceux-ci (voyages et récits) leur permettent, par la déconstruction nécessaire du système de domination de l'espace, du mouvement, et de l'autre, d'accéder à l'une des formes les plus complètes et auto-réalisatrices d'émancipation. Pensé dans une structure impeccable, sourcé par une multitude de références diverses qui dépassent les ouvrages attendus (récents et anciens) du féminisme ainsi que les classiques de la littérature de voyage (masculins et féminins) et qui permettent de découvrir des voyageuses peu connues, travesties ou non, servi par une plume aussi précise qu'élégante qui ne cède pas à la facilité du lyrisme (sur le voyage), du pamphlétisme (contre le sexisme) ni de l'hagiographie (sur les voyageuses), ce livre contient aussi des pages dans sa pars construens qui ne se privent pas de relater les expériences et les ressentis de l'écrivaine-voyageuse autrice, en particulier en Iran. La force d'une démonstration se mesure parfois à l'évidence, après coup, de la thèse démontrée : oui, il paraît évident que les mécanismes de domination sexiste qui empêchent les femmes de s'approprier le voyage et sa narration sont identiques à ceux qui conduisent à la colonisation ; il suffit de remarquer la consanguinité entre voyageurs-explorateurs et colonisateurs. Oui, ces mécanismes, malgré toutes leurs formes et leur violence, n'ont pu empêcher entièrement les femmes de ruser afin de voyager, parfois en se faisant passer pour des hommes, souvent dans des positions d'insoumission et de rébellion radicale, comme la piraterie, qui au demeurant leur ont apporté un surcroît de liberté et d'autonomie. Cette radicalité a pu être acceptée dans la mesure de son caractère exceptionnel. Oui, la remise en question de la place assignée (le rôle de Pénélope) par rapport au voyage s'accompagne d'une prodigieuse créativité vis-à-vis d'autres assignations relatives à la féminité, notamment dans les domaines de la sexualité et de la maternité. Aussi, le voyage devient-il un emblème outre qu'un moyen de la réalisation de soi. Il libère un tout autre horizon de compréhension de soi, d'autrui, de l'espace géographique et environnemental.


Table :

Partie I : Être libre de voyager :

1 – Une fabrique de la masculinité :
1.1. Prouver ; 1.2. Exclure ; 1.3. Mentir

2 – Voyage en misogynie :
2.1. le masculin neutre ; 2.2. Éternelles mineures ; 2.3. La peureuse et la putain

3 – Porno tropiques :
3.1. Femmes fétichisées ; 3.2. Territoires érotisés ; 3.3. Touristes sexuels

4 – Décoloniser le voyage :
4.1. L'invention de l'autre ; 4.2. Explorations renversées.

Partie II : Être libre pour voyager :

5 – La liberté en mouvement :
5.1. Séquestrées millénaires ; 5.2. le grand frisson ; 5.3. Flâneuses dans la ville

6 – S'appartenir :
6.1. Être seule, être libre ; 6.2. La liberté pour tout bagage ; 6.3. Accéder à sa « chambre à soi »

7 – Maternités vagabondes :
7.1. Être mère ou ne pas l'être ; 7.2. Maternité, paternité : de nouveaux continents à explorer ; 7.3. Un enfant dans les bagages

8 – (Re)predre sa place :
8.1. Suivre son intuition ; 8.2. Habiter le monde ; 8.3. Voler en éclats.
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Dans la pensée collective, l'aventurier est celui qui a le goût du risque et de l'inconnu alors que l‘aventurière est une intrigante sans scrupules vivant d'expédients.
Avec cet essai très documenté, Lucie Azema traite de tout ce qui entrave l'envie de voyager chez les femmes. Elle dénonce une masculinité dominante dans le voyage et la transgression que représente, pour les femmes, le fait de partir.
Elle compare les valeurs sociales que le voyage représente dans nos sociétés où l'homme voyage pour acquérir indépendance et liberté, alors que la femme l'attend à la maison dans la passivité.
Pour le bien-pensant, un homme qui prend des risques prouve sa virilité, tandis qu'une telle femme fait preuve d'inconscience.
L'autrice traite également de la parentalité où les pères ont tous les droits et les mères tous les devoirs, avec des hommes qui s'allouent l'extérieur, tandis que les femmes sont cantonnées à l'intérieur.
Elle dénonce la mystification du mouvement Beat initié par Jack Kerouac, misogyne et homophobe, qui prône un entre-soi exclusivement masculin. Elle consacre aussi un chapitre édifiant au « tourisme sexuel » qui a motivé nombre d'hommes en quête d'exotisme, à voyager.
Toutes les grandes exploratrices sont citées, et les difficultés qu'elles ont rencontrées dans leurs périples sont analysées au regard des pays et des époques.
Avec cet essai, Lucie Azema nous offre une approche féministe du voyage et encourage les femmes qui se sentent une âme d'aventurière, à se libérer de l'asservissement de leur condition pour suivre leur nature profonde.
Il y a tellement de choses passionnantes dans ce livre que j'en suis ressortie grandie, sans aucun doute, mais chamboulée également d'être peut-être passée à côté de la vraie liberté.
Je suis sûre que ce livre contribuera à aider certaines femmes à franchir le pas vers leur indépendance et à se lancer dans le voyage, avec en tête cet indémodable slogan féministe : « Les petites filles sages vont au paradis, les autres vont où elles veulent ».
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Un essai captivant mêlant aventure, histoire, réflexions et analyse de la condition de la femme à travers le temps, les lieux et les cultures.
Lucie Azema décortique avec talent la place de la femme dans l'univers du voyage et de la découverte du monde.
A travers son expérience personnelle et les récits d'aventuriers et aventurières, elle dresse un tableau riche d'illustrations, d'exemples et de contre exemples, démontant que si c'est romanesque et admiratif d'être aventurier/voyageur, c'est signe de mauvais genre d'être aventurière et voyageuse.
Si une femme voyage seule, elle est critiquée, mal considérée et incomprise. Si elle voyage avec un homme elle est souvent reléguée au second plan peu importe sa contribution au voyage ou à l'expédition.

Sans même évoquer des grands voyages, la place des femmes dans nos villes est l'exemple même que l'inconscient collectif considère encore trop souvent que la place de la femme est dans la sphère privée et non dans la sphère publique. En témoigne le harcèlement de rue si banal et si peu contesté.

Lucie Azema nous invite à abandonner nos peurs installées là par une culture masculine du voyage pour se lancer et vivre sa propre liberté !

Un essai romanesque que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.
L'écriture est fluide, les chapitres sont courts, et l'architecture de la réflexion facile à appréhender.


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Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l'ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !





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Épatant ! Bien sûr que les femmes ont aussi (et comment !) envie de voyager !
L'autrice (excellente, ça va sans dire mais c'est mieux en le disant) parle un peu d'elle et de ses propres voyages mais convoque des tas de femmes (l'occasion de découvrir nombre d'entre elles qui ont également écrit des récits sur leurs étonnants parcours) qui ont eu ce courage qui n'allait pas de soi dans un monde qui les voue généralement à se complaire dans le rôle de Pénélope !
J'ai aimé ce livre qui dézingue en finesse nombre de légendes masculines (j'ai mentalement approuvé quelques coups de griffes à des baudruches médiatiques…), rappelle les obstacles que doivent contourner les femmes, nos soeurs, filles ou mères pour enfin prendre le large, mettre les voiles. Et déconstruit nombre de mythes et de fantasmes tricotés par des hommes pour embellir leurs propres aventures avec un grand A…!
Bref, ça se lit avec plaisir, c'est drôle et très très bien documenté et, si vous n'avez rien à lire cet été, n'hésitez pas !
Je l'ai acheté au format ePub (partage immédiat avec ma propre tribu) et je l'ai surligné abondamment (numériquement !!) car, au risque de me répéter, j'ai découvert des tas de textes de femmes voyageuses (…que j'ai trouvé en partie en accès libre sur les sites internet canadiens).
Chaudement recommandé, à lire et relire !!
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Etre une femme et voyager, cela ne semble plus qu'une banalité (enfin presque) mais ça ne l'était clairement pas. En premier lieu, l'être humain associe le voyage (surtout s'il est en transport en commun), à la lecture. Vous pourrez noter le nombre de héros masculin, les classiques mettant en avant les symboles de la prise en responsabilité, de l'honneur. L'homme est associé au mouvement, au besoin d'apprendre, au passage de garçon à l'homme, par cet acte de voyage ; tandis que la femme doit rester à attendre au port. Etre une femme et voyager, cela ne semble plus qu'une banalité (enfin presque) mais ça ne l'était clairement pas. En premier lieu, l'être humain associe le voyage (surtout s'il est en transport en commun), à la lecture. Vous pourrez noter le nombre de héros masculin, les classiques mettant en avant les symboles de la prise en responsabilité, de l'honneur. L'homme est associé au mouvement, au besoin d'apprendre, au passage de garçon à l'homme, par cet acte de voyage ; tandis que la femme doit rester à attendre au port...

J'ai choisi ce livre parce que je crois en l'égalité homme-femme, pour leurs droits. J'espère qu'un jour viendra, la vraie égalité existera. Et dans la mesure du possible, dans un jour prochain, mais comme le dit la formule « Rome ne s'est pas construit en un jour. ». Lucie Azema a elle-même entretenu le périple de ces voyages, pour mettre davantage de sens à son tourment, mais aussi en s'adressant aux journalistes, en première ligne également de cette aventure...

Comment remodeler toute l'Histoire, tous les écrits, toutes les aventures pour lesquelles les hommes sont toujours présentés sur le meilleur angle pro-actif ?
Lien : https://miniehouselook.wordp..
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Une lecture intéressante de par le sujet qu'elle aborde. Lucie Azema analyse tous les aspects de la littérature de voyage sous l'angle de la posture féminine. Elle relie à de nombreuses lectures et références ses propos (on regrette au passage qu'une bibliographie n'ait pas été ajoutée, il faudra piocher les références dans les notes), ce qui en fait un bon ouvrage complet.
Le style pêche un peu lors des introductions de chapitre surtout au début du livre, mais Lucie Azema se livre de manière plus personnelle lorsqu'elle évoque son expérience.
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