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Citations sur Celui qui disait non (35)

En raison d'une violation particulièrement grave et sérieuse de la loi pour la protection du sang, August Landmesser, 28 ans, était appelé cet après-midi devant la cour criminelle de Hambourg. Pendant des années, Landmesser a eu une relation avec une Juive dont ila eu deux enfants. Leur relation ayant continué après la promulgation des lois de Nuremberg, Landmesser a été arrêté à l'été 1937, mais acquitté après dix mois de détention provisoire pour des raisons subjectives. À cette occasion, il lui a été fermement rappelé que toute relation avec une Juive était interdite et il lui a été clairement exprimé que, en cas de répétition de la faute, il devrait s'attendre à une condamnation à plusieurs années de prison. Néanmoins, Landmesser a recommencé à entretenir des relations avec cette femme [...]. Le verdict a été de deux ans et demi de servitude pénale pour souillure de la race. » Extrait d'un journal allemand, mercredi 26 octobre 1938
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Irma, trempée de la belle sueur des amantes, se souvient. De sa rencontre avec August en octobre 1934. Et je veux me souvenir pour elle. Il n’y a rien de plus difficile à raconter pourtant que la naissance d’un amour.
Ingrid est née le 29 octobre de la même année. Un an tout juste après leur rencontre.
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Les écrivains n'ont qu'une passion : ressusciter les morts en les racontant, retenir les vivants en les répertoriant. Ce goût de pâquerette sur les cendres. Quand les mots s'écoulent de l'âme comme du sang frais, c'est bon signe. Et je saigne.
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Et le pire, depuis que j'essaie d'imaginer, puis oublier, d'oublier puis d'imaginer, de savoir quoi faire avec toute cette encombrante mémoire : le pire, c'est que nul ici ne se souvient du seul héros qui vaille. p136
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Les écrivains n'ont qu'une passion : ressusciter les morts en les racontant, retenir les vivants en les repertoriant. ce goût de pâquerettes sur les cendres. Quand les mots s'écoulent de l'âme comme du sang fraisn c'est bon signe. Et je saigne. p35
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Nombre de ses camarades, peut-être des amis d’enfance, en tous cas les adolescents qu’il dut croiser au parti nazi dans les années 1930, rejoindront le service actif, notamment le 101e bataillon de police de réserve allemande, au sujet duquel l'historien Christopher Browning écrirait un jour un livre indispensable pour comprendre comment l'on devient un tueur. En seize mois, moins de cinq cents hommes qui étaient de simples ouvriers, dockers, membres de la classe moyenne de Hambourg, ni particulièrement militants ni fanatiquement racistes au départ, allaient assassiner trente-huit mille Juifs et en transporter quarante-cinq mille autres vers les chambres à gaz. Faire ramper des vieillards vers leur tombe. Tirer sur des bébés lancés en l'air pour déconcentrer la mère qu'un autre assassin visait pendant ce temps. Patauger dans le sang et la cervelle. Fêter des massacres sans nom. Boire plus que de raison pour ne plus comprendre ce qu'ils fêtaient. Tout cela, qui n'a rien de métaphorique ou d'imaginaire. Tout cela, décrit et documenté, implacablement, par les historiens. Tout cela, qu'on croit tellement savoir qu'on finit par en oublier la réalité même.
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« Car l’homme qui disait non à Hitler disait surtout oui à Irma. J’ai eu besoin de contempler longtemps cette histoire d’amour et de courage. Dans quel ordre cela se passe-t-il : devient-on courageux par amour, ou bien amoureux parce qu’on en a le courage ? À quoi ressemble un héros qui ne sait pas qu’il l’est ? Combien d’amour faut-il, exactement, dans l’alambic où se fabrique la puissance de dire non, quelle dose exactement pour contrecarrer la facilité de dire oui ?
Combien, pour faire d’un homme « un-qui-résiste », et qui sait, comme ça, d’instinct, dans sa chair qui le pressent à sa place, que ce grand cri sur le port de Hambourg, ça ressemble au Mal ? Combien d’amour pour être persuadé que lever le bras, ce serait comme lui faire mal, à elle, Irma ? Que c’est aussi simple que cela. Ni raisonnement politique ni militantisme rationnel. Juste un homme qui ne détruit pas ce qu’il aime. »
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« C’était l’automne à Hambourg. Des feuilles mortes voletaient dans les rues trop larges pour les âmes solitaires. Elle était allée s’asseoir au jardin botanique, Planten und Blomen, près du petit canal aménagé qui le traversait, sous un saule pleureur dont elle avait fait un ami. De petits cris de joie lui parvenaient, étouffés par le vent et le rideau de verdure qu’elle avait tenté d’interposer entre le monde et elle. C’était son refuge secret. Elle pouvait rester des heures, simplement adossée à lui, plongée dans un roman d’aventures jusqu’à ce que la lumière du jour ne suffise plus. Quelquefois, elle se plaçait debout, face à l’arbre, la joue gauche posée contre son tronc, l’enlaçant de ses deux bras. Elle respirait profondément, attendait que le rythme toujours trop endiablé de son cœur se calme, laissait pénétrer en elle un peu de la vieille sagesse des arbres.
Ce jour-là, sa robe était blanc et noir. Elle avait emprunté à sa mère un petit châle de laine. Le livre venait de retomber sur ses genoux. Je crois bien qu’elle s’était assoupie, vaguement ivre dans l’odeur d’écorce et de colchiques. August cherchait un endroit pour faire la sieste. C’était l’automne, certes, mais l’une des dernières belles journées de l’année. Il avait repéré l’arbre et son ombre prometteuse. Il venait de pénétrer sous le rideau protecteur de sa ramure, quand il était tombé en arrêt, n’osant plus ni continuer ni se retirer.
August ne sait rien alors du début de la longue marche des communistes en Chine du Nord. Rien du vol du premier bombardier soviétique à grande vitesse, le Tupolev SB1. Rien de l’appel de Maurice Thorez à fonder le Front populaire en France. Tout cela se passe en octobre 1934. Tout cela, mais encore ce bruissement de feuilles sous un saule au bord du canal, une femme avec un livre ouvert au bout de ses doigts qui attirent la lumière. Elle pourrait lire, mais elle dort. Et c’est parce qu’elle sommeille qu’il peut regarder longtemps les commissures de ses lèvres, l’angle de son nez, la forme de ses sourcils, la blancheur de son front, les racines de sa chevelure noire et souple. Il peut détailler tout cela. Ses paumes ouvertes, abandonnées, il sait qu’il va les saisir et les retenir, qu’elles vont le caresser et l’épouser.
Ce jour-là, August, grand bonhomme un peu gauche qui adhère au parti nazi depuis trois ans, a complètement oublié la politique. Il sait que son désir est charnel, mais aussi pur et puissant que la sève du saule. C’est quand il hésite à la réveiller, se demandant s’il doit s’asseoir là, lui aussi, et la contempler sans fin, qu’une rafale un peu brusque expédie une bouffée odorante dans les narines d’Irma. Crocus et camélias, des fleurs aux noms qui claqueraient dans la mémoire. Ou bien la feuille à peine détachée, jaune encore et rougissante, qui lui effleure la pommette. Elle s’éveille, Irma, et il est là. »
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« J’écris, comme on rappelle à l’ordre du vivant les absents qui ne peuvent plus se taire. Il faudrait savoir pourquoi l’on désire tous ces mots. Ça plutôt qu’autre chose. Cette histoire plutôt qu’une autre. D’abord, j’ai cru que c’était parce que je ne pourrai plus jamais t’appeler le soir, en coup de vent, le temps d’un éclat de rire, pour te dire que j’ai fait une découverte miraculeuse, et le savais-tu, toi, qu’un nazi était resté les bras croisés sur le port de Hambourg en 1936 ?
Mais il n’y a pas que cela. Je crois que j’écris aussi pour te crier que je t’aime et n’ai jamais su te le dire assez. Je ne connais pas d’autre moyen de te le prouver que d’écrire un livre et d’y glisser ton nom.
J’écris pour retenir, et n’ai jamais fait que cela. J’écris pour devenir, et n’ai jamais tenté que cela. Que se passe-t-il, quand on raconte l’histoire d’un homme pour y abriter, en creux, celle d’un autre ?
C’est une drôle d’alchimie que celle de la douleur et de la mémoire, quand la littérature s’en mêle. Il faut accepter de passer un pacte avec le petit dieu des métamorphoses : il me murmure qu’à défaut de parler de toi, papa, je te parlerai de lui, August. »
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« Celui qui disait non se demande ce qui reste quand on a tout perdu. Le formule-t-il ainsi ? Agenouillé derrière un rocher, l’épaule collée contre la pierre, son arme appuyée sur le bras, il fixe le rayon de soleil qui vient de transpercer la couverture nuageuse. Le serpent jaune effleure un buisson, promène sa lumière entre les baies rouges de l’arbuste qu’il semble fouiller.
On aurait presque envie de tendre la main pour l’attraper, pour palper cette promesse de chaleur et de réconfort, mais il sait que ce serait la mort certaine. Les partisans sont à quelques centaines de mètres, dissimulés derrière d’autres éboulis. Un coup de feu éclate à sa droite. En face, ils ripostent. Il se serre un peu plus contre son rocher. Quelque part, une balle ricoche et détache quelques éclats de calcaire d’un bloc tout près de lui. Le souffle l’a fait sursauter.
Sa mémoire est aussi érodée que le lit de la rivière en contrebas. L’odeur de poudre lui chatouille les narines. Il se dit je suis vivant pourtant mais combien d’heures encore, combien de secondes avant que je ressemble à ce caillou, les ronces l’enlacent, et qui m’embrassera, moi, qui me fermera les yeux, qui dira mon nom à mes filles, qui leur racontera l’odeur de la peau d’Irma le jour de ses vingt-trois ans sur la plage de Blankenese, qui se souviendra? »
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