Bien qu'appréciant la littérature classique, l'oeuvre de Balzac ne m'a jamais particulièrement attirée, peut-être parce qu'elle me fait un peu peur ?
Toutefois, parmi les volumes qui composent la "Comédie Humaine", "Eugénie Grandet" est sans doute celui qui me fascinait et m'aimantait le plus et ce parti pris a sans doute compté dans le grand plaisir que j'ai eu à le découvrir enfin.
Il y a une rare audace à juxtaposer la pire avarice, celle du père Grandet, à la plus généreuse abnégation, celle de la fille Grandet, sans pour autant donner dans le manichéisme. Le charme agit, on ne sait pas trop comment d'ailleurs, étant donné le cadre sinistre que l'auteur donne à son récit. A croire qu'il fallait cette gangue de grisaille, de médiocrité et de vice pour mieux faire ressortir l'éclat et la pureté de l'âme d'Eugénie, d'un jeune cœur pur, prêt à l'abandon de l'amour et au dévouement de l'amitié.
Les quelques personnages croqués par Balzac et qui composent ce drame social sont extrêmement vivants et tangibles. La course aux faveurs entre les Cruchot et les des Grassins est particulièrement bien rendue et nous renvoie à l'éternel rapport de l'homme à l'argent, un rapport malsain et dévastateur qui, couplé à l'ambition, a fait, fait encore et fera toujours bien des ravages dans notre société.
J'ai d'abord cru que la personnalité d'Eugénie me taperait rapidement sur les nerfs mais il n'en fut rien ; bien au contraire, j'ai ressenti énormément d'empathie pour elle voire de l'admiration.
Un très grand classique, à la portée de tous.
Challenge ABC 2015 / 2016
Challenge 19ème siècle 2015
Commenter  J’apprécie         752
J'aime Eugénie Grandet. Il y a quelques temps, je vous avais écrit que j'aimais Emma Bovary. Peut-on aimer plusieurs femmes à la fois ? Oui, bien sûr, dès l'instant qu'elles s'appellent Emma Bovary , Eugénie Grandet, Louise de Rênal ou Anna Karénine... Emma Bovary est à Gustave Flaubert ce qu'Eugénie Grandet est à Honoré de Balzac. La comparaison s'arrête là et n'engage que moi. Les deux personnages ont des destins bien différents, bien que tout aussi tragiques, malmenés par les certitudes malveillantes des hommes.
En revanche, à la différence d'Emma Bovary, j'aime Eugénie Grandet, non pas par amour, mais comme si elle fut une sœur, une sœur abandonnée dans la tourmente d'une famille, d'un père tyrannique et avare. Je l'aime comme une amie. Je n'ai pas toujours aimé Eugénie Grandet. Je me souviens des bancs de l'école, d'une lecture obligée de ce livre au collège. Ce roman m'était paru très austère. En ce temps-là, Eugénie Grandet me paraissait comme une femme d'un autre temps, triste et poussiéreuse, qui venait me traumatiser jusque dans mes cahiers d'écolier. Elle n'était pas alors mon amie.
Je me souviens d'une semaine d'été dans les Alpes, il y a quelques années. Dans un camping en pleine vallée du Champsaur il y avait une petite bibliothèque proposée aux estivants et c'est à cette occasion que j'ai relu ce roman. J'en ai été totalement ébloui.
Honoré de Balzac aimait les femmes et son amour était très respectueux de celles-ci. Je pense que Balzac était un romancier féministe. Je m'avance peut-être un peu sur le sujet, mais ayant lu plusieurs livres de cet auteur, j'en suis aujourd'hui profondément convaincu. Et le livre dont je veux vous parler ici témoigne d'une profonde empathie de l'auteur pour son héroïne principale. Balzac a forcément aimé ce personnage humble et sensible, il a voulu lui donner une existence, un corps, une âme, des gestes, un rêve, quelques illusions de vie dans sa trajectoire tragique, au travers de ce roman magnifique.
Au tout début du roman, le personnage principal est le père Grandet. Un homme détestable, effroyablement avare et cruel. Cruel envers sa fille, Eugénie. D'autres personnages viennent à leur tour, cupides, entrent en scène, dans cette famille où le sujet principal tourne autour de l'argent. C'est ainsi qu'elle s'éprend de son cousin...
Le père Grandet est riche, c'est un tonnelier ayant fait sa fortune à Saumur. Sa fille Eugénie devient donc un objet de convoitise, dans le monde desaffaires de cette petite ville de province, où son père, très âgé va vraisemblablement mourir dans peu de temps. Donc, des regards se posent déjà sur le visage d'Eugénie Grandet qui ne sont pas forcément des regards d'amour, des yeux bienveillants.
Tout pourrait passer pour un sujet banal, vu et revu. Balzac construit ici un personnage féminin, sensible, solitaire, romantique, détachée de la fortune dont elle peut hériter, aspirant par-dessus tout au bonheur, le vrai bonheur d'aimer et être aimée, vivre...
Balzac est un fin peintre des sentiments. Il décrit ici la sensibilité généreuse et sans doute candide d'Eugénie Grandet, ses attentes, ses rêves, ses désirs aussi. Oui cette femme que certains pourraient considérer comme austère parce que le roman l'est d'un certain point de vue, a des désirs, des désirs amoureux, sans doute sexuels aussi. Ici c'est l'imaginaire du lecteur que je suis qui l'exprime ainsi, mais Eugénie aimait, voulait aimer et être aimée pour ce qu'elle était...
Plus loin, autour de la vie d'Eugénie Grandet, là-bas à Saumur, des hommes vont et viennent, gravitent dans l'existence de cette jeune femme. Son père est encore là qui régente tout. C'est un environnement d'une médiocrité absolue qui tourne autour d'Eugénie Grandet dans ce drame social, une manière de faire jaillir une forme de lumière dans ce fatras d'ombres et de boues. C'est cette lumière qui saisit le lecteur malgré le sujet austère et le cadre un peu sinistre dans lequel s'inscrit le récit.
C'est sans doute le huis clos dans lequel se déroule la narration, qui rend le sujet austère. Mais au-delà, ne faudrait-il pas faire venir Eugénie Grandet dans un peu plus de lumière, elle le mérite tant ?
C'est à l'issue de la seconde lecture de ce livre que j'ai compris que Balzac est un auteur digne d'un respect énorme. Ce personnage beau et tragique qu'est Eugénie Grandet mérite d'être regardé avec beaucoup d'attention et d'empathie. Pourquoi pas d'amour ?
Eugénie Grandet, c'est un rai de lumière qui pénètre le vitrail d'une chapelle gothique. C'est une page où luisent les mots qui parlent d'elle. C'est le jour qui vient s'accrocher dans les branches d'un arbre. C'est une femme à sa fenêtre...
Je m'aperçois qu'à la fin de ma chronique je ne vous ai rien dit, ou très peu, sur le sujet du livre. Mais qu'importe, je voulais simplement vous parler d'une femme que j'aime comme une sœur, ou comme une amie...
J'aime Eugénie Grandet.
Commenter  J’apprécie         5010
Le père Grandet est tellement pingre, radin, avare...qu'il veut garder ce qu'il donne!
Sa fille Eugénie est la captive de ce père aussi despotique que ladre.
Balzac ne pouvait mieux choisir de ville pour sa pauvre Eugénie que la sous-préfecture de Saumur aux tuffeaux éclatés, écaillés et noircis.
C' est comme si le père Grandet, le tonnelier enrichi, était une excroissance naturelle et difforme de cette ville si moyenne dans sa relative blancheur.
Commenter  J’apprécie         350