La peau de chagrin /
Balzac
Raphaël de Valentin vient de perdre son dernier napoléon au casino du Palais-Royal et, ruiné, songe au suicide. Chemin faisant le long de la Seine, il entre chez un antiquaire qui lui montre une « peau de chagrin ». Il faut savoir que le chagrin est un cuir très spécial utilisé en reliure, tiré d'une peau de chèvre. Selon le vieil antiquaire, cette peau aurait le pouvoir d'exaucer tous les voeux de son propriétaire. Mais le vieillard met Raphaël en garde : chaque désir exaucé fera diminuer la taille de cette peau, symbole de sa vie.
le jeune homme qui a vingt-cinq ans, accepte ce pacte diabolique, pensant n'avoir plus rien à perdre et se lance dans des folies sans fin en oubliant la mise en garde. Devenu riche grâce à un héritage avunculaire généré par le pouvoir de la peau, il mène grand train et connait la gloire au cours de soirées mondaines. La soirée chez Taillefer, l'amphitryon du jour qui a promis à Raphaël de surpasser les étroites saturnales des petits Lucullus modernes, est un haut moment du récit. Accompagné de son ami Émile, un journaliste qui avait conquis plus de gloire à ne rien faire que les autres n'en recueillent de leurs succès, il participe à une véritable orgie culinaire et bacchique où les convives se roulent au sein de limbes délicieuses quand les lumières de l'esprit s'éteignent et que le corps s'abandonne aux joies délirantes de la liberté. Mais soudain les jouissances excessives du festin pâlissent devant le chatouillant spectacle que l'amphitryon offre au plus voluptueux de leurs sens : un groupe de femmes aux tuniques modestement provocantes s'avance, de frêles jeunes filles, vierges factices aux jolies chevelures lascivement bouclées et les convives s'abandonnent aux délices d'une voluptueuse extase… S'approchent alors d'Émile et Raphaël, nos deux poètes, deux belles naïades. Elles ont nom Aquilina et Euphrasie, l'air innocent, jolies et gentilles petites créatures. Seize ans peut-être ! Mais souvent ces créatures au visage candide cachent la dépravation la plus profonde, les vices les plus raffinés. L'une est l'âme du vice, l'autre le vice dans l'âme !
La boisson faisant, Raphaël se confie à Émile et lui raconte sa vie avant d'entrer en possession de
la peau de chagrin, ses amours vains avec la belle comtesse Foedora dont le fantôme brillant et moqueur le hante encore, et son amitié avec la toute jeunette Pauline, la fille de sa logeuse. C'est alors qu'il envia les anachorètes de la Thébaïde, solitaires dans le désert.
Alors que Raphaël finit de conter ses heurs et malheurs en une orgie de paroles, la nuit enveloppe peu à peu d'un crêpe les longues saturnales de cette soirée.
Il retrouve Pauline qui a toujours été amoureuse de lui et il découvre en elle à présent une femme et il l'aime. Il commence une nouvelle vie en l'épousant Mais pendant ce temps-là,
la peau de chagrin rétrécit... de même que le nombre des jours lui restant à vivre.
Emporté par ses passions, Raphaël a le projet d'écrire une grande oeuvre, mais il est rattrapé par la décrépitude, le vieillissement et la maladie. Dès lors il ne songe plus qu'à sa survie, vivant en reclus…
Publié en 1831, ce roman qui fait partie de la Comédie humaine, a donc pour thème central le conflit entre le désir et la longévité, l'opposition entre une vie fulgurante consumée par le désir et la longévité morne que donne le renoncement à tout plaisir. Ainsi
la peau de chagrin magique représente la force vitale de son propriétaire et se racornit à chaque satisfaction de son désir. Ne tenant pas compte de la mise en garde de l'antiquaire qui lui offre ce morceau de cuir, le héros s'entoure de richesse mais va se retrouver dans la pire des misères à la fin du roman.
Ce roman fantastique retrouve le thème classique du pacte avec le Diable, dans lequel est offerte au jeune homme la réalisation de tous ses désirs contre sa vie ou son âme. Toute chose a un prix et le bonheur perpétuel n'existe pas. Vivre plus intensément moins longtemps ou moins intensément plus longtemps : il faut choisir ! En somme une réflexion sur le désir : faut-il chercher à satisfaire tous ses désirs pour être heureux ? Une grande question !
Certes l'écriture est riche et ce roman reste aux dires des spécialistes une oeuvre phare de la littérature française. Mais j'ai quand même souffert des longueurs infinies et des digressions multiples qui ont de fait tempéré au fil des pages l'enthousiasme initial du lecteur que je suis.