Le Colonel Hyacinthe Chabert, héros de l'épopée napoléonienne, que l'on a cru mort, enseveli sous les cadavres d'autres soldats, à la bataille d'Eylau (1807) réapparaît plus de 10 ans plus tard, alors que son épouse s'est remariée, et s'est accaparée sa fortune.
Il est de retour, à l'image de Martin Guerre ou d'Ulysse.
Soucieux de se ré approprier sa vie, mais incapable, faute de moyens, de prouver son identité, il s'adresse à Derville, qui est aussi l'avoué de la comtesse, son épouse.
«Rendez-moi ma femme et ma fortune ; donnez-moi le grade de général auquel j'ai droit »
Derville l'incite à trouver une transaction, suggérant une rente viagère.
La réponse de la comtesse anéantit Chabert : «Mais c'est beaucoup trop cher»
Pourquoi cette transaction ?
Derville y pense- t- il parce qu'il ne peut - sans se voir opposer un conflit d'intérêt – défendre l'un contre l'autre ?
Ou parce qu'il sait ne pouvoir obtenir la justice, pour Chabert ?
« Savez-vous, mon cher, reprit Derville après une pause, qu'il existe dans notre société trois hommes, le Prêtre, le Médecin et l'Homme de justice, qui ne peuvent pas estimer le monde ? Ils ont des robes noires, peut-être parce qu'ils portent le deuil de toutes les vertus, de toutes les illusions ».
Mais Chabert peut-il accepter le principe même d'une transaction ?
La rente ?
« - Ne me parlez pas de cela, répondit le vieux militaire. Vous ne pouvez pas savoir jusqu'où va mon mépris pour cette vie extérieure à laquelle tiennent la plupart des hommes. J'ai été subitement pris d'une maladie, le dégoût de l'humanité. Quand je pense que Napoléon est à Sainte-Hélène, tout ici-bas m'est indifférent. »
Le renoncement ?
« J'ai été enterré sous des morts, mais maintenant je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre ! »
« La comtesse lui lança un regard empreint d'une telle reconnaissance, que le pauvre Chabert aurait voulu rentrer dans sa fosse d'Eylau. Certains hommes ont une âme assez forte pour de tels dévouements, dont la récompense se trouve pour eux dans la certitude d'avoir fait le bonheur d'une personne aimée ».
Ce sur quoi l'on peut transiger, ou non, voilà l'essence de cette nouvelle merveilleusement écrite. « La transaction », c'est le titre auquel pensait d'ailleurs de prime abord
Balzac, avant d'envisager « La Comtesse à deux maris », pour finalement retenir «
le Colonel Chabert ».