Ma mère a déclaré un jour que chacun de nous vivait dans un univers séparé, un univers que nous avons rêvé si fort que nous le faisons exister. Nous aimons les gens quand leur rêve coïncide avec le nôtre, de même que deux dessins découpés se superposent exactement. Mais les rêves ne sont pas aussi statiques que des papiers découpés ; tôt ou tard, ils changent de forme, causant malentendus, solitude et perte de l’amour.
Moi, je crois qu'il vaut mieux essayer d'oublier tout ce qui est désagréable le plus vite possible. Plus on y pense, plus cela vous prend d'énergie psychique, et plus cela gagne en importance.
C'est moi qui ai découvert les deux fauteuils à bascule et leurs repose-pieds sur un marché aux puces. Mais je ne m'y assois jamais. Placés dans un recoin, c'est l'endroit préféré des clients solitaires. (...)
Dans une alcôve, il y a notre bibliothèque "Laissez-en un, prenez-en un" où Paul Auster de Dean Ornish côtoient Mary Higgins Clark et Barbara Kingsolver.
Je comprends tout à coup pourquoi ces gens - et beaucoup de leurs semblables - peuvent préférer Java à la Chaï House. Java ne leur demande que leur argent. Il leur permet de rester incognito. Pas de conversation, pas de contact, rien à regarder ou à discuter, rien d'eux-mêmes à échanger ou à donner. Et pourtant ils y trouvent un sens du groupe aussi : le réconfort d'une pièce emplie de gens sans visages et sans noms tout comme eux, heureux qu'on les laisse tranquilles, le regard vague, sans remarquer personne. [...]
Alors que nous, avec notre choix de cafés et nos cookies maison, notre mobilier décoré à la main et nos marionnettes de soie, notre panneau d'affichage relatant la vie de nos clients, nous avons tout fait pour que la Chaï House soit un lieu unique. Que nos clients nous laissent entrer dans leurs vies comme les avons invités dans les nôtres. Qu'ils emportent un peu de notre salon en partant.
Comment peut-on aimer quelqu'un qu'on ne connaît pas?
...
Ne pas savoir n'est-il pas la seule façon possible d'aimer?
Même dans ce rêve qui n'en est pas un, elle est stupéfaite par la précision avec laquelle elle se souvient de certains détails.
Elle ne le voit pas entrer dans la salle, mais elle le sent, un picotement à la base de la colonne vertébrale. Comment est-ce possible? C'est la moitié du semestre et il a souvent dû assister au cours avant ce jour-là. Pourtant, avec ses omoplates, elle le sent hésiter sur l'endroit où s'asseoir. Il y a une chaise libre près d'une blonde au second rang, et il y en a une près d'elle. Il fait son choix, et sa vie bascule.
Pendant tout ce temps, je me suis persuadée que j'étais bien seule, que j'étais forte et que je n'avais besoin de personne. Mais je ne vais pas bien, et je ne suis pas aussi forte que j'aimerais le croire. Je vaux qu'un homme, qui me comprenne comme me comprenait Sonny pendant nos jours heureux, m'aime. J'ai besoin qu'il m'aime jusqu'à ce que tout mon corps en tremble.
Je n'avais pas peur. J'étais prête à le suivre là où son destin nous mènerait. Je voulais que son destin soit aussi le mien.
Tout le monde respire, mais seuls les sages savent quand utiliser ce souffle pour parler ou pour l'expirer en silence.