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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On dit qu'une étoile continue de briller après sa mort. Sur terre, à des années-lumière d'elle, l'humain qui contemple son éclat ne s'imagine pas que son regard le trahit. Sa perception visuelle, malgré sa netteté, n'est pas réelle. La réalité est faussée. Quand on regarde les étoiles, c'est le passé qui surgit.
Alex, un comédien de théâtre vieillissant, vient de recevoir une proposition cinématographique ; le rôle principal dans un film, ayant pour titre L'invention du passé, retraçant la vie d'un certain Axel Vander, un homme de lettres, professeur et critique, souvent sujet à contreverses. Qu'on fasse appel à lui pour ce rôle l'étonne et l'intrigue beaucoup (étant quasiment en retraite) mais un tel projet ne se refusant pas, il se lance dans l'aventure, le cerveau en ébullition. Il aura comme partenaire féminine la grande Dawn Davenport réputée pour sa sensibilité à fleur de peau.
Voilà que différentes périodes de son passé remontent à la surface et se télescopent parfois violemment. Dawn lui rappelle sa fille Cass, décédée dix ans auparavant, suicidée – à Portovenere en Italie, lieu où vivait justement Axel Vander... – . Une mort qui l'avait attéré. La dépression avait eu raison de son incompréhension. Aujourd'hui, il aimerait enfin comprendre ce geste. Et puis il y a Lydia, sa femme... qui, comme lui, ne s'est jamais remise du départ de Cass. Chacun porte en lui ses propres souffrances. Si le même toit les abrite encore, le couple s'est éloigné. Une atmosphère froide, austère et pesante s'est installée entre eux.
Un souvenir de cinquante ans va alors resurgir ; il avait quinze ans, vivait avec sa mère dans une petite maison qui servait de pension de famille. Une mère plutôt distante, pas très affectueuse. Son existence jusqu'ici terne et sinistre subit alors un grand bouleversement à cause de – ou grâce à – sa rencontre avec Mrs Gray, la mère de son copain de classe. Un cataclysme sensoriel. Un raz de marée émotionnel. Un éblouissement visuel. L'adolescent qu'il est alors va découvrir l'amour, l'exacerbation des sens, l'érotisme, la sexualité, la douceur des caresses, l'énigmatique et envoûtant corps de la femme. Une liaison secrète naît. du printemps à fin de l'été, ils vont s'aimer, cachés dans une bicoque au milieu de la forêt... Puis ce sera l'attente, le déchirement, le scandale...
Mais, peut-on faire confiance à la mémoire ? L'imagination n'est-elle pas plus forte ? La reconstitution du passé ne passe-t-elle pas forcément par une part d'invention ? Les souvenirs ne sont-ils pas peuplés de chimères, altérés et modifiés par le temps ? Portés par notre rêverie, par un idéal, par la poésie, ne nous arrangeons-nous pas quelque peu avec la réalité ?
Avec la verve poétique de l'auteur, sa manière complice de s'adresser au lecteur, son habileté à enchevêtrer les histoires et à planter le décor, nous sommes littéralement happés par ce qu'il nous raconte. On est au côté d'Alex, dans son esprit. On suit son cheminement, on guette ses réminescences. On tente de faire la lumière, nous aussi. Un roman sur l'insaisissable mémoire et son reflet déformant, un roman sensuel et troublant, un grand roman.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
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Alors qu'il atteint l'âge de la retraite - celui où le passé commence à paraître plus vivant que le présent - Alex, acteur, se voit proposer le rôle principal dans un film qui s'intitule L'invention du passé. Cette tardive surprise est pour lui prétexte à une déambulation déconstructive dans son passé, deux fois douloureux : l'été de ses 15 ans, au cours duquel Mme Gray, mère de son meilleur ami, lui fait découvrir le vertige du sexe et conséquemment de la passion avant de sortir de sa vie ; puis plus tard la mort de sa fille Cass, suicidée, qui a plongé pour l'éternité ses parents dans un deuil indépassable fait de dégringolades et d'éphémères récupérations.


Pour un jeune adolescent vigoureux qui a la fièvre dans le sang, Mme Gray apparaît comme une femme abstraite, comme Ewig-Weibliche, l'Eternel féminin, inépuisablement désirable, ou comme la pin-up de la publicité de Kayser Bondor qui vend des bas 15 deniers sur des affiches largement diffusées. Avec celle qui a l'âge de sa mère - 20 ans de plus que lui – Alex s'adonne à la débauche, la luxure, la lubricité érotique... et apprend à ses dépens l'amour inconditionnel pour une femme menacée par le scandale et l'exclusion si une telle liaison venait à être découverte. Est-elle toujours en vie cinquante ans après ? Alex doit-il chercher à le savoir et ainsi confronter la réalité à son imagination ?


Quel magnifique roman sur la passion, le sexe, la mort, le deuil, la mémoire, sur la fiabilité des souvenirs, embellis ou enlaidis, tronqués ou enrichis, vrais ou faux. Et si l'on se trompait sur tout ? Et si nous nous faisions des idées fausses sur tout ? Et si tout ce que nous croyons de bonne foi avoir vécu était erroné ? Et si nous passions notre vie à élaborer une réalité biaisée ? Et si la mémoire n'était qu'un tissu bouffé aux mites et plein de trous ? Et si le passé était un présent lumineux et éternel dans lequel nos morts, disparus, oubliés étaient vivants, près de nous, dans un monde parallèle et mitoyen abritant les esprits de ceux qui ne sont plus là mais pas tout à fait partis non plus ?


La plume de John Banville est vibrante d'émotions dans chaque phrase, tantôt nostalgique, tantôt sismique ou éruptive. Son style épidermique, poétique, sa délicatesse, son regard complice, aimant porté sur ses personnages exclut toute trace de la moindre vulgarité du terrain glissant de son récit. Il parvient même, malgré la gravité des sujets abordés à inclure ici ou là des notes d'un humour subtil et aiguisé.


« Il parlait maintenant de la lumière des étoiles mortes qui parcourt un million – un milliard, un milliard de milliards ! - de miles avant de nous atteindre.
- Même ici, a-t-il ajouté, à cette table, la lumière représentant l'image de mes yeux a besoin de temps, d'une fraction de temps, infinitésimal, mais de temps néanmoins, pour atteindre vos yeux, si bien que partout où nous portons notre regard, partout, c'est le passé que nous contemplons ».
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Une grande merveille littéraire ! Une belle ballade irlandaise (nationalité de l'auteur) ! Je ne connaissais pas John Banville qui, dans ce livre, associe harmonieusement les émois de l'adolescence, la nostalgie, le deuil, les facéties de la mémoire et les coïncidences. Cette lacune est désormais corrigée. Quelle belle plume ! (Quelle belle traduction également !). Oui, outre l'histoire qui n'en demeure pas moins superbe et très riche en poésie, l'écriture est fluide et nous emporte allégrement vers des personnages très attachants.
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LE PITCH :

Un acteur vieillissant, la soixantaine tristounette, Alex se voit proposer un grand rôle dans un film intitulé « L'invention du passé » avec une célèbre actrice Dawn Davenport qui a l'âge qu'aurait Cass, sa fille si elle ne s'était suicidée dix ans plus tôt. Mais ceci est l'arrière- plan du livre, tout comme son présent avec sa femme Lydia, leurs difficultés à communiquer depuis le suicide de Cass… La focale est braquée sur la mémoire et sur l'histoire d'amour incroyable qu'il vécut à l'âge de quinze ans avec Madame Gray, trente-cinq ans, mariée et mère de son meilleur ami Billy. Présent et passé s'entremêlent de façon subtile sans jamais s'entrechoquer, sans jamais nous perdre surtout et la pudeur du ton, la beauté poétique du style en font une histoire émouvante, majestueuse pour ne pas dire magistrale.

CE QUE J'EN AI PENSÉ :

La mémoire et ce que nous en faisons est au centre de la réflexion de l'auteur, il en fait une proie qu'il traque méthodiquement, en quête du moindre détail de ce qui se passa pendant les cinq mois que dura son aventure avec Madame Gray : « Je n'arrive pas à me souvenir des traits de la femme à vélo avec assez de netteté pour pouvoir affirmer que c'est bien elle qui m'a fourni ma première vision de Vénus Domestica, même si je me cramponne à cette éventualité avec une nostalgie têtue ». Amélie Nothomb a la nostalgie heureuse, Banville, lui, l'a têtue. A partir de là, il va nous retracer les émois de cette première expérience amoureuse avec ses affres et ses flamboyances. Nous assistons à l'éclosion de l'homme qu'il est devenu (ni meilleur ni pire qu'un autre) et combien cette histoire a déterminé des traits de caractère, des « acquis » qui sont restés intacts malgré les quarante ans enfuis, à l'image du souvenir de Madame Gray… L'histoire se passe dans les années 1950 et j'ai la quasi certitude que les jeunes de quinze ans de cette époque avaient une maturité autre que celle de ceux d'aujourd'hui, c'est évident et c'est pour cela qu'il n'y a rien de choquant, du moins à mes yeux (et grâce à la façon dont c'est raconté). Madame Gray reste mystérieuse une grande partie du livre, on s'interroge sur ce qui la pousse dans les bras d'un garçon de l'âge de son fils mais on ne peut s'empêcher d'éprouver de la tendresse pour cette amante juvénile et fougueuse malgré ses trente-cinq ans. Ce qui m'a accroché et ému dans ce livre (passé l'étonnement premier de l'âge du narrateur) c'est la pudeur, le ton de confidence émue et sa prise de conscience du scandale qu'a pu susciter pareille aventure à l'époque, si tant est qu'elle se soit autant ébruitée que sa mémoire le lui suggère…

Quand il parle de son présent difficile avec sa femme Lydia, c'est Cass, qui revient toujours, en filigrane mais obsédante, dans un jeu de miroirs, réfléchissant ce qu'il vécut lui à l'âge où elle mourut. Avec les interrogations douloureuses qu'elle a laissées en se suicidant. Les correspondances qu'il trouve chez Dawn, l'actrice avec qui il va tourner cette « invention du passé ». Car pour lui le passé ne s'invente pas, ne meurt pas avec les disparus, ils se ré-invente peut-être dans la restitution de certains détails mais il laisse au coeur des éclats de verre suffisamment coupants pour ne pas oublier. « Il parlait maintenant de la lumière des étoiles mortes qui parcourt un million (…) de miles avant de nous atteindre (…), si bien que partout où nous posons notre regard, partout, c'est le passé que nous contemplons ». le passé, pour Alex, demeure un « présent lumineux » où les morts s'animent sans provoquer tristesse ou morbidité. Bien au contraire.

Les dernières pages lèvent le voile sur les « motivations » de Madame Gray et nous la rendent encore plus fragile qu'elle n'était au moment des faits évoqués. Je n'en fais pas un coup de coeur car malgré la beauté du texte, je n'ai pas réussi à m'identifier à un seul des personnages, ce qui ne m'a pas empêché de les aimer. J'ai été suffisamment fascinée par cette plongée dans la mémoire, mouvante comme les sables du même nom, cette mémoire qui permet aussi de redonner sens, vie et lumière à ce qui n'est plus en justifiant ce qui est. Pour continuer d'avancer, même dans les tunnels les plus sombres. « Les morts sont ma matière noire, ils comblent imperceptiblement les vides du monde ». Un beau et grand livre porté par une écriture juste, sensible, poétique où la lumière des étoiles continue de scintiller bien après que le livre ne soit refermé…
Lien : https://leslecturesdasphodel..
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