"... Ce soir là, tu voudrais qu'on se souvienne de toi. "
"Claudia a trente-trois ans et six enfants.
Claudia est la cousine éloignée d'Emile Nelligan
Claudia a les yeux noirs qui penchent vers le bas, lunes orientales
Claudia a de longs doigts qui ont joué Chopin
Claudia a des ongles courts sous lesquels s'accumule la terre des patates qu'elle pèle
Claudia ne dort plus
Claudia sait qu'elle doit faire six autres enfants pour avoir accès au 200 acres de terres que promet le gouvernement..."
Ainsi, tu continues d'exister.
Dans ma soif inaltérable d'aimer.
Et dans ce besoin d'être libre, comme une nécessité extrême.
Mais libre avec eux.
Je suis libre ensemble, moi.
Elle deviendra peut être normale. Une femme, avec une mère enterrée.
impossible d'accrocher malgré les chapitres courts et le Canada
Tu ne veux pas mourir comme eux. Ordinaire.
Tu as une vie. Tu la portes comme un déguisement léger.
Le sabot des chevaux en bas : ton père, Achille, qui rentre. La crise a pris son travail. Il est maintenant employé "en trompe-l'oeil": un travail inventé par le gouvernement pour contrer le chômage, qui empêche les hommes de pleurer ou de dormir à la bibliothèque. Qui leur évite une overdose de temps libre.
Achille rentre plus fatigué qu'avant. Il aimait être utile et les emplois en trompe-l'oeil changent tous les jours, mais restent vains. (p. 44)
Elle fait don honorable de ses casseroles. Le besoin d'aluminium est criant : ses casseroles seront transformées en navire de guerre.
Tu es fière d'être la courroie de transmission de cette alchimie.
Et puis, ça te donne espoir. Imaginer une casserole qui fend les flots et pourfend l'ennemi, elle qui était destinée aux fourneaux.
Toi aussi, un jour, tu te transformeras en navire de guerre. (p. 66)
Derrière la fenêtre, Achille te suit des yeux. Sa grande fille qui parle bien s'en va parler ailleurs. (p. 77)