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« Les plus grandes séductions peut-être que l'histoire des passions pourrait raconter, ont été accomplies par des voyageurs qui n'ont fait que passer et dont cela seul fut la puissance… »

Une histoire sans nom. Qui ? ou bien Innommable, indicible ? Il ne m'en fallait pas plus pour découvrir cette nouvelle, j'étais intriguée. J'ai apprécié cette lecture très intéressante. La description des décors (le village du fond de la montagne, le palais des dames de Ferjol avec son escalier immense), la relation mère-fille épouvantable, tout est oppressant. L'incompréhension de ce qui se passe -pourtant il n'y a pas à chercher bien loin (et malgré tout j'ai cherché), ces quelques couleurs (blanc noir vert rouge-sang et bleu, voire cendre) qui décrivent tant les lieux que les personnages et qui reviennent comme des tâches régulières pour s'ancrer dans ma mémoire après cette lecture forte. J'ai vraiment adoré d'autant qu'il y a cette plume ironique qui me faisait rire par son mordant. Cette impression aussi, tout au long du texte, d'avoir plus qu'un narrateur. Nous étions plusieurs à voir cette scène et pas seulement les protagonistes, comme un djinn espiègle qui alimentait insidieusement nos visions de parcellaires commentaires. Je la trouve très réussie cette nouvelle de Jules Barbey d'Aurevilly. Entre religion et sexualité, entre Dieu et le Diable, une plongée dans un univers clos, étouffant.

« Aussi, se condamner au silence, c'est se condamner à étouffer sans mourir. »
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Le nom et l'innommé, voire l'innommable : Une Histoire sans nom gravite autour de ces deux pôles.

Le nom d'abord.

Celui de Ferjol : c'est le nom de famille de la belle Jacqueline. Enlevée par amour, veuve inconsolable d'un mari trop aimé, elle continue d'adorer la mémoire de son mari tout en expiant sa faute dans une dévotion fervente , un catholicisme exalté qui semble puiser son austérité dans ces Cévennes réformistes où elle s'est réfugiée. Une fille est née de cet amour exclusif mais Jacqueline de Ferjol n'ose aimer son enfant ouvertement : son amour maternel est masqué et contraint. Retenu, prisonnier…et bientôt emprisonnant comme une geôle de fer.

Ferjol.

La fille, Lasthénie de Ferjol, est fragile et timide. Elle non plus n'ose aimer sa mère, ni lui parler. Elle la craint . Elle s'étiole à ses côtés, petite chose pâle, maladive et blonde . Asthénique comme son prénom.

Une autre femme, aux côtés de la geôlière et de sa victime : une servante, une femme du peuple, une normande exilée dans les Cévennes qui rêve de retrouver son Cotentin natal- elle le retrouvera, mais pour le pire- pleine de bon sens et de méfiance paysanne, croyant aux sortilèges, aux enchantements, aux diableries. Tendre à ces deux femmes murées dans leur silence et incapables de se dire leur amour - et, avec elles deux , bonne comme son nom : Agathe.

Quatrième nom : le frère Riculf, le capucin satanique- le Moine de Lewis n'est pas loin ! ce nom-là est une sorte de borborygme barbare , d'éructation malfaisante, de vomissure d'exorcisme…Riculf passe dans l'histoire de ces solitudes féminines et les bouleverse à jamais.

Par lui, viendra l'innommé.

Incroyable Barbey d'Aurevilly, qui frise toujours le scandale- un moine violeur, quand même !- et tutoie le fantastique sans trancher nettement entre l'explication rationnelle – et hérétique- et l'explication irrationnelle – et magique !

Malgré les éléments rationnels, peu à peu explicites, restent toujours quelques mystères inexpliqués, inexplicables…sans nom eux aussi .

Tel ce chapelet abandonné par le capucin au château de Ferjol, lourd comme une chaîne de bagnard et dont les grains semblent, au toucher , porter un sort aux conséquences funestes…

Tel ce pèlerinage de la dernière chance tenté par la bonne Agathe dans son Cotentin retrouvé, au retour duquel elle croise une lune maléfique qui la suit entre les arbres et éclaire soudain, en travers de sa route, un cercueil que la superstition lui commande de renverser – mais il est inexplicablement lourd- et lui interdit d'enjamber – ce serait présage de mort !- , la forçant à faire un détour dans les bois. Agathe se retourne un peu plus loin : plus de cercueil sous la blême lueur lunaire !

Brrr….

Pour ces passages angoissants, pour l'analyse formidablement juste de cet amour mère-fille sans mots qui devient une haine sans nom, pour la sombre silhouette du moine criminel, pour les paysages hantés du Cotentin , pour ceux étouffants des Cévennes- Barbey avoue y avoir souffert de claustrophobie comme jamais- Une Histoire sans nom mérite qu'on s'y plonge.

Âpre voyage mais plaisir…sans nom !


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Un chef d'oeuvre de noirceur ! Ainsi fut ma première pensée à peine entamée la lecture de ce livre, pour ne plus me quitter tout au long de la découverte de ce récit saisissant.

Il serait malaisé de décrire avec quelle finesse et quel réalisme l'auteur, catholique à la vie décousue, nous entraine dans cette histoire cruelle de péché, sur fond d'une complexe relation mère-fille.

L'écriture perle de désespoir, de tristesse, d'isolement, à l'image de la vie monotone menée par Mme de Ferjol, veuve, et sa jeune fille Lasthénie. Comme elles seraient prisonnières d'un cloître, elles le sont de cette petite bourgade, sombre monde renfermé sur lui-même, muraille de hautes montagnes où le ciel s'immisce à peine par une petite lucarne, parfois bleue, bien souvent grise de nuages. Un désert pour le coeur.

Et voici qu'arrive le Père Riculf, de passage pour le Carême, moine capucin étrange prêchant fiévreusement sur l'Enfer dans l'austère Église du village, dominant la foule de sa chaire, tel un fantôme. Lourd de secrets, insaisissable et effrayant, il laisse son empreinte ténébreuse sur les pages de ce récit et dans le coeur des deux femmes qui l'accueilleront.
Et, lorsqu'il disparait brutalement, Lasthénie, brin de muguet aux yeux couleur de saule, commence peu à peu à se faner…

Ces quelques mots de l'auteur suffisent : «Les plus grandes séductions peut-être que l'histoire des passions pourrait raconter ont été accomplies par des voyageurs qui n'ont fait que passer et dont cela fut la seule puissance.»

C'est ici un récit hors du commun, une histoire terriblement noire et envoûtante, celle de l'apparition soudaine d'un capucin qui ne laissera derrière lui que l'Enfer et la désolation. L'écriture est superbe, l'environnement décrit avec beaucoup de minutie, et cette atmosphère pesante, empoisonnée… Comme enfermés dans cette histoire, nous découvrons peu à peu l'intense attraction des mots, la spirale de désolation et de malheur qui ronge le coeur des personnages.

Une véritable plongée dans l'obscurité !





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Drame horrible issu des moeurs et de la bigoterie de la fin du XVIIIe début du XIXe siècle dont la plume inspirée, légère et riche de Jules Barbey d'Aurevilly retraduit l'ambiance à la perfection. En version audio, la voix de Mr Christophe Ménager offre un plaisir supplémentaire et nous fait vibrer et frémir le long de ces 13 chapitres où le suspense va crescendo et la noirceur s'amplifie. Une relation mère-fille étouffante, sans espoir ni issue dans un monde sans lumière.
Je vous invite à découvrir cette histoire sans nom et bien d'autres : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/barbey-daurevilly-jules-amedee-une-histoire-sans-nom.html
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Si les longues descriptions tant des lieux que des pensées vous assomment, passez votre chemin.
Mais si vous appréciez le long cheminement qui peut à peu envoute, n'hésitez pas.
Peu de personnages dans cette histoire sans nom, qui est celle d'un long tète à tète entre une mère et sa fille sous les yeux d'une servante dans des lieux eux même renfermés et comme hors du temps puisque les évènements (la Révolution ) ne fait que les effleurer.
C'est aussi l'histoire d'une lente plongée dans une maladie mentale que le docteur Jean Bernard a nommée d'après le nom de l'un des personnages : le syndrome de Lasthénie de Ferjol.
C'est aussi le récit des sentiments d'une mère fière de son nom et plus encore de celui de son défunt époux jusqu'à la cruauté.
Pour moi un grand plaisir de lecture. Pour vous ?
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Madame de Ferjol, veuve du baron, vit avec sa fille Lasthénie, dans les Cévennes où la topographie et le climat du village ne m'encourageraient guère à y séjourner ni même à y passer. En effet la nature telle qu'elle est décrite par son auteur ne semble être qu'humidité, suintement ; le village sis au fond de l'entonnoir (dixit l'auteur) paraît être un lieu duquel on a du mal à s'extirper tant le chemin qui mène vers la clarté semble très éloigné et inaccessible. C'est pourtant dans ce lieu qu'est venu prêcher le Père Riculf, capucin, prédicateur désigné pour le temps pascal. Hébergé chez Madame de Ferjol et sa fille, voilà qu'un beau matin, le capucin s'est échappé ! Et ceci la veille de Pâques.

Passé le temps de la stupéfaction, la vie suit son cours pour tous sauf pour Lasthénie qui semble avoir été affectée par ce départ et dont sa mère et Agathe, la bonne de la famille, n'ont aucune explication. le temps passe et le médecin ne trouve aucune explication à fournir à la mère de la jeune fille.

Une nuit, alors que Mme de Ferjol se lève pour se rendre au chevet de sa fille, elle découvre l'origine du mal qui ronge son enfant.

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Ce livre est pour celles et ceux qui apprécient le passé-simple, le subjonctif imparfait, les descriptions longues mais non ennuyeuses, très imagées avec une pointe de sarcasme et dont le texte sait nous surprendre vers sa fin.

Vous comprendrez donc que je l'ai beaucoup apprécié.
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Un jour un cinéaste audacieux adaptera cette histoire effroyable. On déconseillera aux spectateurs de la lire avant. La joie ou disons une certaine quiétude, s'y amenuise comme une peau de chagrin. Petit à petit. C'est cette descente interminable décrite avec brio (la maîtrise du temps est totale) qui fait de Barbey d'Aurevilly un formidable écrivain. Seul l'amour inconditionnel de la nourrice éclaire ce recit, le lecteur en est hélas plus conscient que l'héroïne anéantie. La fin réunira trop tard les deux âmes qui s'aimaient. Qui s'aimaient? Qui a péché?
Barbey règle ses comptes avec panache.
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Dans l'univers étouffant d'une vallée des Alpes si encaissée que le soleil n'y parvient jamais, la noirceur envahit tout : les paysages, les vies, mais surtout les âmes. Il n'y a pas de rédemption.
Un roman immense et fort injustement ignoré
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Même si ce n'est pas - ce n'est plus - la période du roman gothique, j'ai retrouvé certaines atmosphères ou situations de ce sous-genre littéraire. Les couleurs dominantes sont le noir et blanc, noir du paysage, si sombre, sans lumière, assorti à la couleur des coiffes de deuil de la mère, tandis que l'escalier si blanc renforce la pâleur maladive de la fille. La seule tâche de couleur vient à la fin, le rouge d'un coeur transpercé - au sens propre.
De belles descriptions d'ailleurs des ces montagnes si denses et si fermées, véritables prisons pour les personnages, qui ne les quittent que pour s'enfermer dans une autre prison, un château dont les portes et les fenêtres sont closes, qu'elles occupent comme des spectres. Et surtout, c'est cette figure inquiétante du moine qui évoque le gothique, don le nom même a une consonance médiévale, et même moyenâgeuse - l'auteur insiste sur cette idée du pouvoir évocateur du nom.
Un roman qui vaut pour son ambiance donc plus que pour son intrigue - le coupable est vite identifié, et l'épilogue est un peu facile d'un point de vue scénaristique par l'accumulation de coïncidences. Néanmoins, Mme de Ferjol est un personnage très fort, à la fois dévote et sacrilège, épouse plus que mère, inflexible dans ses principes et prête à torturer sa propre fille.
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Une Histoire Sans Nom est le titre de roman le plus indigent que je connaisse. Pauvre comme l'ordre des capucins auquel appartient le père Riculf, un jeune et mystérieux prédicateur itinérant. Quand, dans les premières pages, l'auteur écrit : « Les plus grandes séductions peut-être que l'histoire des passions pourrait raconter, ont été accomplies par des voyageurs qui n'ont fait que passer et dont cela seul fut la puissance... L'austère capucin qui parlait alors de l'Enfer, avec une énergie de parole qui rappelait le formidable Bridaine, ne paraissait pas fait pour semer dans les âmes autre chose que la crainte de Dieu, et il ne savait pas, et les deux femmes qui voulaient le voir ne savaient pas non plus, que l'Enfer qu'il prêchait, il allait le leur laisser dans le coeur », on comprend à peu près de quoi il va en retourner, même si la suite du roman contient un mystère, des révélations et des changements d'avis sur les deux principaux personnages.
Les deux femmes dont il est question, c'est Mme de Ferjol et sa fille. Elles vivent dans un petit village du Forez, un trou encaissé au fond d'une vallée sombre que le soleil pénètre à peine. Mme de Ferjol est une veuve plus qu'austère, assimilée à une janséniste ; Mlle de Fréjol, la bien nommée Lasthénie, est destinée, auprès de cette mère sans tendresse, à être une jeune fille rongée par la mélancolie. Ambiance… Et ce n'est que le début.
Tout est sombre, et plus on s'enfonce dans le roman plus les ténèbres se font épaisses. Ce drame familial entre une mère et une fille met en évidence la contamination du Mal, une totale défaite de la miséricorde. le roman est trop court pour que je dévoile quoi que ce soit de l'intrigue et du mystère qui reste entier jusqu'à la fin. Mais c'est une vieille histoire, écrite au dix-neuvième siècle et se passant juste avant la Révolution. Les moeurs ont beaucoup évoluées sur les sujets qui sont abordés ; cette incroyable rigueur de Mme de Ferjol appartient à des temps révolus, heureusement. Malgré tout, sa psychologie (qui n'est qu'esquissée, comme celle de sa fille) dépasse les moeurs, et on en trouve encore beaucoup, sous d'autres formes, des Mme de Fréjol et des Lasthénie.
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