Le bonheur, il ne tombe pas du ciel, on le fabrique de ses mains.
(p.53)
Les rêves sont un langage. Ils ne sont ni divinatoires ni prémonitoires, ils ne font qu'essayer de te dire ce que tu n'oses pas encore t'avouer. Tout ce qui fait ton rêve est déjà en toi.
Le renouveau a toujours été d'abord un retour aux sources (Romain Gary)
Je nous contemplais et je comprenais à quel point nous sommes constitués des êtres qui nous entourent. Ce fut un été magique, des semaines d'harmonie, une bulle de bonheur absolu suspendue dans nos vies, ce moment merveilleux de l'été qui précède les tempêtes de la saison des cyclones.
Plus tard Almah nous raconterait toute l'histoire. Cette histoire qui était comme un roman. Toute la vie de ma mère était comme un roman. Aucun personnage n'était secondaire, tous avaient un rôle décisif dans la toile de sa vie. Mais pour l'heure elle s'en tint à l'essentiel : elle avait retrouvé un vieil ami d'enfance à Jérusalem et elle l'avait épousé. Sans tambour ni trompette.
Jérusalem, juillet 1967
Chère Almah,
Cette courte lettre pour te rassurer.
Une guerre de plus.
Il est donc écrit que nous ne vivrons jamais en paix. Nous aurions pu croire, après ce que nous avons traversé, particulièrement notre peuple, que le monde serait plus sage. Nous aurions tant aimé qu'il soit plus sage, comme nous aspirions si fort à la paix. Et nous allons de déception en déception. Plus que jamais je pense que la guerre est une fatalité et la paix une utopie.
J'aimais la beauté pure de la terre resplendissante, j'aimais cette lumière d'une limpidité sans pareille, j'aimais la puissance des couleurs crues, le jeu des formes aussi abondantes que tumultueuses, j'aimais l'air embaumant les multiples fragrances des tropiques, j'aimais ces paysages pleins de poésie enfantine…
En observant le spectacle de ce matin-là, je commençai à guérir d'un mal dont je ne savais même pas que j'avais souffert, le manque de mon île.
Je tirai sur les rênes, un coup sec, et j'arrêtai mon cheval. Je pris une profonde inspiration, relâchai tous les muscles de mon corps. La vue, les parfums, les sons, c'était une symphonie pour les sens. Un instant parfait dans les couleurs pâles du petit matin de l'hiver caraïbe.
Je nous contemplais et comprenais à quel point nous sommes constitués des êtres qui nous entourent. (P301)
La perspective de vivre et de vieillir à ses côtés me paraissait infiniment douce et rassurante. Je pouvais lui confier les sentiments secrets que j'avais parfois du mal à m'avouer à moi-même, mes lâchetés, mes incertitudes, mes incohérences. J'acquis peu à peu la conviction qu'il faisait ressortir ce qu'il y avait de meilleur en moi.