AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La Jeune Épouse (84)

C’est très instructif : voir à quel point les objets n’ont absolument rien du sens dont nous les investissons. Il suffit d’une circonstance annexe, d’une légère correction de la trajectoire et, un instant après, ils appartiennent à une tout autre histoire. Croyez-vous que ce fauteuil sera différent après avoir écouté mon récit, ou parce qu’il a accueilli votre corps et le mien ? Peut-être que dans quelques mois quelqu’un mourra dans ce fauteuil et qu’indépendamment de ce que nous aurons fait d’inoubliable ce soir il accueillera la mort, c’est tout. Il le fera alors du mieux qu’il pourra, comme s’il avait été fabriqué dans ce but. Et il ne réagira pas quand, peut-être une heure après, pas plus, quelqu’un se laissera tomber sur lui et rira d’une plaisanterie grossière, ou racontera une anecdote dans laquelle le défunt passera pour un parfait imbécile. Vous la voyez, l’infinie neutralité ?
Commenter  J’apprécie          10
À l’évidence, il est là question d’une autre région de l’être, mais le geste était identique, ou du moins il le fut jusqu’au moment où il devint circulaire, trop rapidement ou violemment pour n’être qu’une façon de chercher, à présent c’était devenu une sorte de chasse — elle songea à un insecte qu’on poursuit ou à un moyen de tuer quelque chose de petit. En effet, la Fille se cambrait de temps en temps et respirait bizarrement — une sorte d’agonie. Élégante, toutefois, se dit la Jeune Épouse, et même attirante, se dit-elle aussi : quoi que la Fille fût en train de tuer en elle, son corps paraissait manifestement né pour commettre ce délit, tant il se disposait bien dans l’espace, telle une vague, et même ses difformités d’éclopée avaient disparu, avalées par le vide
Commenter  J’apprécie          10
Le tango offre un passé à ceux qui n’en ont pas et un futur à ceux qui n’en espèrent pas
Commenter  J’apprécie          00
C’est ainsi que le Fils était parti, d’ailleurs heureux de le faire, avec pour mission d’étudier les secrets anglais et de rapporter ce qui servirait au mieux la prospérité familiale. Nul ne s’attendait à ce qu’il revînt au bout de quelques semaines, puis nul ne remarqua qu’au bout de quelques mois il n’était pas encore rentré. Ils étaient ainsi faits : ils ignoraient la succession des jours, car ils visaient à n’en vivre qu’un, parfait et répété à l’infini. Pour eux, le temps était donc un phénomène aux contours flous, qui résonnait dans leur vie telle une langue étrangère.
Commenter  J’apprécie          10
Puisque j’ai désormais commencé à raconter cette histoire (et ce malgré la troublante suite de péripéties qui m’ont affecté et qui décourageraient quiconque de se lancer dans pareille entreprise), je ne puis éviter d’éclairer la géométrie des faits, ainsi que je me la remémore peu à peu, en notant par exemple que le Fils et la Jeune Épouse s’étaient rencontrés alors qu’elle avait quinze ans et lui dix-huit, finissant progressivement par reconnaître l’un chez l’autre un somptueux remède aux indécisions du cœur et à l’ennui de la jeunesse. Dans l’immédiat, il est prématuré de révéler à l’issue de quel singulier parcours, mais il importe de mentionner dès maintenant qu’assez vite ils arrivèrent à l’heureuse conclusion de vouloir se marier.
Commenter  J’apprécie          00
C’est d’événements passés dont on préfère pour le moment taire les détails que vient l’habitude de ce réveil solennel, qui devient ensuite festif et prolongé. Il concerne la maison entière. Jamais avant l’aube, c’est une règle stricte. Ils attendent la lumière et le ballet de Modesto aux sept fenêtres. C’est seulement alors qu’ils considèrent que la condamnation au lit, la cécité du sommeil et la loterie des rêves sont derrière eux. Morts qu’ils étaient, la voix du vieillard les ramène à la vie.
Commenter  J’apprécie          00
Après avoir caressé de la paume des mains le tissu repassé de son pantalon — sur les hanches, à la hauteur de cuisses —, il pousse la tête d’un rien en avant et se remet en marche. Il ignore les portes des Maîtres, mais une fois arrivé à la première fenêtre sur sa gauche, il s’arrête et ouvre les volets. Il le fait avec des gestes délicats et précis, qu’il répète à chaque fenêtre, sept. Et c’est seulement alors qu’il se tourne, pour évaluer la lumière du jour dont les faisceaux traversent les vitres : il en connaît chaque nuance possible et, d’après sa consistance, il peut savoir ce que sera la journée, parfois il peut même y lire de vagues promesses. Et comme tout le monde lui fera confiance — tout le monde —, l’opinion qu’il se forge est importante.
Commenter  J’apprécie          40
C’est l’aube, tout juste.

Il s’arrête, le vieillard, car il a son chiffre à mettre à jour : il note le nombre de matins où il a ouvert cette maison, toujours de la même manière. Il ajoute une unité, qui va se perdre parmi des milliers d’autres. C’est une somme vertigineuse, mais ça ne le perturbe pas : accomplir depuis toujours le même rituel matinal lui paraît cohérent avec son métier, respectueux de ses inclinations et symptomatique de son destin.
Commenter  J’apprécie          00
Il y a trente-six marches à gravir. Elles sont en pierre et le vieillard les gravit lentement, avec circonspection, comme s’il les collectait une par une, avant de les pousser au premier étage : lui, berger, et elles, doux animaux. Modesto, tel est son nom. Il officie dans cette maison depuis cinquante-neuf ans, il en est donc le prêtre.
Parvenu sur la dernière marche, il s’arrête face au large couloir qui s’étend sous ses yeux sans surprise : à droite, les pièces fermées des Maîtres, cinq ; à gauche, sept fenêtres étouffées par des volets en bois laqué.
Commenter  J’apprécie          00
Il Sud del mondo suggerisce curiose priorità. Si ha un accosto particolare ai problemi - risolverli non risulta essere il primo gesto che viene in mente.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (761) Voir plus



    Quiz Voir plus

    "Soie" tu sais ; "soie" tu sais pas !

    Ce court roman est paru en France en...

    1985
    1997
    2003

    10 questions
    257 lecteurs ont répondu
    Thème : Soie de Alessandro BariccoCréer un quiz sur ce livre

    {* *}