Il y a le ciel, le soleil et la mer...
Suite et fin de mon triptyque personnel de l'été : après le ciel de Chine de Garrido, et le soleil d'Ispahan de Rufin, j'ai la joie de finir sur une vraie pépite : l'
Océan Mer de Baricco.
Comme beaucoup ici sur Babelio, j'ai lu
Ocean Mer après
Soie, guidé par des critiques. Or beaucoup de lecteurs enthousiastes de
Soie s'avèrent déçus par
Océan Mer. Barrico y a pourtant franchi un cran de plus, touchant pour moi au chef-d'oeuvre, à tel point que j'ai hésité à mettre 5 étoiles et m'inquiète de parvenir à trouver mieux en poursuivant la lecture de cet auteur...
Comme certains de mes amis babeliesques, je dois bien l'avouer, pendant des dizaines de pages, je n'ai rien compris... le texte est à ce point décousu que j'ai cru qu'il s'agissait de poèmes, de tranches de vie sans rapport entre elles, avant de comprendre enfin où voulait nous mener l'auteur...
Il faut vraiment mettre en garde le prochain lecteur : connaissez vous les baïnes de la côte basque ? eh bien c'est ce qu'est ce roman. Etrange, poétique, philosophique, il se construit en deux lieux, la mystérieuse pension Almeyer, et un radeau de naufragés clairement inspiré du Radeau de la Méduse. Ce livre est une vague-dépression dont on ne sort pas indemne ; On en sort rincé, déboussolé, roulé, ayant perdu tout repère. Alors, si la vague qui vous pousse vers le large n'est pour vous que source d'angoisse, si vous pensez que toutes les plages devraient chaque jour être aplanies à coups de bulldozer pour éviter tout accident, ne lisez pas ce livre. Mais si vous avez l'esprit baroque, et le cran de vous abandonner à une vague incertaine, pour mieux lutter, à la recherche du sens profond de la vie caché dans les abysses, alors lisez le...
Baricco, qui démontrait déjà dans
Soie -chronologie de ma lecture, et non de l'écriture de l'auteur... malheureusement...- un syle bien particulier, déconcertant, décousu, tout en conservant une lègère trame... de
soie... nous invite cette fois à une perte totale de repère. En cela son roman porte encore une fois bien son nom. C'est un hymne à la Mer, et même plutôt à l'Océan. Les vies des personnages humains se croisent au creux d'une vague, se mêlent un instant, avant de se noyer, vaines, dans la tourmente liquide.
Alessandro Baricco chante l'
Océan Mer. La cruelle vérité de la vie et de la mort se révèlent sur le Radeau de a Méduse, et la vanité des préoccupations des hommes fait de même à la Pension Almeyer, tenue par les anges de la mer. Grain de sable, la de vie de personnages à peine esquissée, songe fugitif, s'agrège dans un château de sable dont se jouent les vague, avant de tout engloutir. le peintre Plasson, le plus inexistant des personnages, est sans doute, paradoxalement, parmi les fantômes de la pension Baricco, le plus révélateur, grâce à son oeuvre : il peint la mer, en cherchant toute sa vie le tableau parfait. Il mourra heureux quelques années plus tard, ayant atteint sa chimère, laissant à la postérité une collection presque entièrement constitué... de toiles blanches...certain d'avoir enfin su capter et restranscrire la musique de L'océan.
C'est magistral, c'est troublant, difficile à lire si l'on essaie de nager avec palmes et bouée ... il faut lâcher prise et se laisser porter... un net cran au-dessus de
Soie, et un étrange moment de lecture que je conserverai en mémoire... flottant quelque part entre le Typhon de Conrad, les Pecheurs d'Islande de Loti, le K de Buzzati, le Vol de Nuit de
Saint Exupéry et le Pendule de Eco.