Coldheart Canyon

- Seigneur. Je ne sais pas pourquoi ces créatures sont nées, ni pourquoi elles sont mortes... (Elle secoua la tête avec une sorte de désespoir, sans que Maxine puisse dire si c'était à cause de ses paroles ou de la situation qu'elle essayait de décrire; peut-être un peu des deux.)
"Nous sommes en présence de la mort, reprit Tammy, et quand cela arrive, on se demande, on est forcés de se demander, pourquoi nous vivons. Ce que je veux dire, c'est que ces créatures n'ont pas demandé à vivre. Elles sont nées de manière misérable. Elles ont vécu de manière misérable. Et maintenant, elles sont mortes. Alors, Seigneur, j'aimerais vous demander de prendre soin d'elles. Elles ont vécu sans aucun espoir de bonheur, mais peut-être que vous pourrez leur en offrir dans l'autre monde. Voilà, c'est tout. Amen.
Maxine essaya de faire écho au "Amen" de Tammy, mais elle s'aperçut que ces paroles hésitantes, provenant d'une source si improbable, lui avaient fait venir les larmes aux yeux.

- Pour que ce soit bien clair, Rooney, laissez-moi vous dire ceci: si vous voulez essayer d'écrire ce livre, allez-y. Je vous promets que vous aurez tellement d'avocats au cul que vous aurez l'impression de les chier.

- Je ne crois pas aux interdits. C'est bon pour les gens qui ont peur de suivre leurs instincts. Evidemment, quand tu vis dans le monde extérieur, tu es obligé de suivre les règles si tu ne veux pas passer ta vie derrière les barreaux. Ils t'enfermeront et ils jetteront la clé. Mais ici, ce n'est pas comme dehors. C'est mon Canyon. Ils l'ont baptisé Coldheart Canyon, car ils disaient que mon âme était glacée. Mais que m'importe ce que disent les gens ? Ils peuvent raconter ce qu'ils veulent du moment que leur argent achète les petits plaisirs de l'existence. Je veux que mon royaume soit un lieu où les gens puissent prendre leur plaisir en toute liberté, sans jugements ni châtiments.

Elle observait Todd d'un air impénétrable. Quelqu'un lui allumait une cigarette. Todd lui sourit, mais avant que Katya ait eu le temps de décider si elle voulait lui rendre son sourire ou l'ignorer, il replongea dans le bonheur de cette union à trois, en songeant que si l'amour avec les morts ressemblait à cela, les vivants avaient beaucoup à apprendre.

- Si vous insinuez qu'elle me considère comme son chien, vous avez raison. Mais c'est ma vie. J'ai fait des choix, comme vous. (Il soupira). Certains jours, j'envisage sérieusement de me suicider. Uniquement pour me libérer d'elle. Mais peut-être que ça ne marchera pas. Je risque de me retrouver au point de départ après m'être tranché la gorge, et au lieu d'être son chien, je serai son chien mort.

Vous ne pouvez pas jouer éternellement aux vieux jeux de la chair sans finir par vous lasser. Certes, vous pouvez ajouter du piment en introduisant un fouet ou des cordes; vous pouvez aussi vous accoupler avec une personne de votre propre sexe (ou si c'est ce que vous avez fait toute votre vie, avec quelqu'un du sexe opposé). Mais avec l'habitude, tout cela devient lassant. Il n'existe aucun festin assez tentant pour que le fait de manger ne perde pas, finalement, tout son attrait. Tôt ou tard, même le plus ambitieux des voraces doit s'éclipser en rampant pour chercher le réconfort du vomitorium.

Trois jours après que Tammy eut suivi Marco Caputo sur Sunset Boulevard, jusque dans les bras mystérieux de Coldheart Canyon, eut lieu la cérémonie des Oscars: LA soirée, LE spectacle, lorsque des milliards de personnes à travers le monde braquaient leurs regards sur Tinseltown et que Tinseltown exécutait une pirouette et une révérence en faisant croire qu'elle était une dame et non pas une pute à 5 dollars.

Scénario à chier, film à chier.

Seul le Diable lui-même prenait l'apparence d'une chèvre. Cette femme lui faisait comprendre qu'elle était Lilith, l'épouse du Diable, et que l'enfant qu'il venait de tuer était celui du Diable! Dire que c'était une fort mauvaise nouvelle serait un euphémisme.​

– Considère que c’est un livre d’histoire, dit-elle avec un sourire en coin.
– L’histoire de quoi ?
– Des temps meilleurs.
Todd parcourut rapidement quelques pages. Ici et là, il tombait sur un nom qu’il connaissait : Norma Talmadge, Theda Bara, John Gilbert, Clara Bow… autant de stars de cinéma d’une autre époque.
– Tu as connu tous ces gens ? demanda-t-il.
– Oui, bien sûr. Quand tu voulais t’amuser, c’était ici qu’il fallait venir. Tous les week-ends, il y avait une grande fête. Dans la piscine, parfois. Ou bien dans la maison. Parfois aussi on organisait des chasses dans tout le canyon.
– Des chasses aux animaux ?
– Non, des chasses à l’homme. Avec des gens traités comme des animaux. On les fouettait, on les enchaînait et… bref, tu imagines.
– Je commence… Ouah ! Je vois que Charlie Chaplin est venu ici !
– Oui, il venait souvent. Il amenait ses fillettes.
– Ses fillettes ?
– Il les aimait jeunes.