Une autre chose : les morts ne peuvent pas vous dire que vous vous trompez. Seuls les vivants le peuvent – et ils peuvent mentir. Alors je me fie davantage aux morts. Cela est-il bizarre, ou raisonnable ?
De toutes les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d’autres non. Celles qui dépendent de nous sont nos opinions, nos impulsions, nos désirs, nos aversions ; en un mot, tout ce par quoi nous agissons. Celles qui ne dépendent point de nous sont le corps et les biens qui nous sont donnés, la réputation, les dignités, bref, tout ce sur quoi nous ne pouvons agir. Ce qui dépend de nous est libre naturellement, ne connaît ni obstacles ni entraves ; ce qui ne dépend pas de nous est faible, esclave, entravé et nous est étranger.
« Affrontait » pourrait suggérer une façade, ou du moins une stratégie ; mais son stoïcisme allait au cœur de son être. Pour E.F., c’était la seule attitude mentale – et liée aussi à son tempérament – envers l’existence. Elle supportait implacablement la souffrance, et ne demandait jamais aucune aide – morale, s’entend.
« La vie est à la fois nécessaire et inévitable », a-t-elle répondu. Je pense qu’elle me disait que la fameuse question n’était rien de plus qu’un séduisant mirage. Ou peut-être pas.
Comme elle l’avait dit, il faut toujours prendre en considération la part de hasard et de chance dans notre vie. J’ignore quelle est ou devrait être la part moyenne de chance dans une vie – c’est une question à laquelle on ne peut répondre, et le « devrait » n’y a sûrement pas sa place de toute façon –, mais je sais qu’elle faisait partie de ma chance.
« Il s’efforce de capter l’évanescence de ce moment où les fleurs coupées vont commencer à faner. En les coupant, on les fait mourir plus vite ; en les peignant, on les préserve pour longtemps, bien après qu’elles auront été jetées. C’est alors que l’art devient réalité, tandis que les fleurs d’origine ne sont plus que d’éphémères simulacres oubliés.
Leurs fantasmes pouvaient être aberrants, mais en même temps il y avait quelque chose de piquant chez Elizabeth Finch. Sinon présent et réel, alors potentiel.
La seule chose dans la vie dont on ne puisse jamais douter est le manque de bonheur.
N’est-ce pas ainsi que la plupart des gens veulent vivre ? N’est-ce pas ce dont rêvent la plupart des gens ?
— Méfiez-vous des rêves, répondit Elizabeth Finch. D’ailleurs, en règle générale, méfiez-vous de ce à quoi la plupart des gens aspirent. » Elle marqua une pause et, souriant à demi à Linda, s’adressa à travers elle à la classe : “Monogamie forcée” revient à dire “bonheur forcé”, ce que nous savons impossible. Une monogamie non forcée peut sembler possible.
Beaucoup de gens se « connaissent » sans se connaître. Et sont satisfaits de cette superficialité.