Sebastian Barry a le don de créer des personnages forts, attachants et inoubliables, le personnage de son nouveau roman ne déroge pas à la règle. Nous sommes au milieu des années 90. Tom Kettle, 66 ans, est un policier à la retraite depuis 9 mois. Après une brillante carrière dans la Garda, il s'est installé à Dalkey, sur la côte sauvage irlandaise, dans un appartement en annexe d'un château victorien. Il passe ses journées sur son fauteuil en osier à regarder la mer, les bateaux de pêche, ou les cormorans. Deux agents de la Garda vont interrompre sa solitude et venir frapper à sa porte pour lui demander de l'aide. Alors qu'ils poursuivent une enquête sur un prêtre soupçonné depuis longtemps d'abus, mais sur lequel les hauts responsables de la police et de l'Église ont jusqu'à présent fermé les yeux, une ancienne affaire de meurtre refait surface.
Cette affaire va confronter Tom à un passé qu'il aimerait réussir à oublier alors qu'il est déjà aux prises avec trop de souvenirs. Elle va également l'amener à reconstituer son histoire, histoire bouleversante et terrible.
Ce nouveau roman n'est pas ce qu'il pourrait sembler être à première vue c'est-à-dire une enquête policière. Si le lecteur grâce aux souvenirs de Tom va peu à peu apprendre la vérité, ce n'est absolument pas un roman policier mais l'histoire de Tom Kettle, de la force de son amour pour sa femme June, décédée, des conséquences des traumas subis dans l'enfance. Tom est en effet veuf et il a également perdu ses deux enfants adultes. Ils sont morts mais présents d'une manière obsédante.
Le roman est raconté à la troisième personne, du point de vue exclusif de Tom, une grande partie frisant le flux de conscience, et il est clair dès le début du roman que Tom, en proie à de nombreux traumatismes, n'est pas un narrateur toujours fiable. Plus le roman avance et nous entraîne doucement dans l'esprit et le monde imaginaire de Tom, plus on se dit qu'il semble miraculeux que cet homme ne soit pas complètement brisé.
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Au bon vieux temps de Dieu » est un roman superbe, majestueux, sombre, éprouvant, souvent lyrique et même onirique, sur la façon dont les effets de la violence et des abus gâchent des vies et se répercutent sur des années et sur des générations. S'il n'est pas le premier roman que je lis sur le sujet des abus sexuels et de la maltraitance des enfants par des prêtres en Irlande pratiqués pendant des années en toute impunité, il est assurément un des plus marquants. La prose de Barry est toujours une merveille mais ici elle m'a particulièrement impressionnée.