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Laetitia Devaux (Traducteur)
EAN : 9782073017895
304 pages
Gallimard (05/10/2023)
3.79/5   90 notes
Résumé :
Bien qu’il s’agisse d’une histoire à part entière, nous retrouvons Winona Cole, la jeune orpheline indienne lakota du roman Des jours sans fin, et sa vie dans la petite ville de Paris, Tennessee, quelques années après la guerre de Sécession.

Winona grandit au sein d’un foyer peu ordinaire, dans une ferme à l’ouest du Tennessee, élevée par John Cole, son père adoptif, et son compagnon d’armes, Thomas McNulty. Cette drôle de petite famille tente de join... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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S'il peut se lire indépendamment, ce récit s'inscrit dans la continuité Des jours sans fin, dont on retrouve les protagonistes, Thomas McNulty, John Cole et Winona, leur fille adoptive rescapée du massacre de sa famille sioux, trimant pour joindre les deux bouts dans la ferme de leur ami Lige Magan, dans l'Ouest du Tennessee. Eux qui, en ces lendemains de guerre de Sécession, n'aspirent qu'à vivre enfin en toute tranquillité, doivent se défendre quotidiennement contre la violence. Quand ils ne sont pas assaillis par les pilleurs, ce sont Winona, puis Tennyson, l'un des deux esclaves affranchis qu'ils emploient, qui sont sauvagement attaqués par des inconnus. Mais, alors que l'amertume des anciens Confédérés ne cesse de bouillonner, multipliant les troubles, la petite communauté peut-elle seulement compter sur les autorités pour faire toute la lumière sur ces agressions et pour obtenir justice ?


Comme à son habitude, Sebastian Barry excelle à nous faire ressentir son histoire. Caractérisés au plus fin de leurs attitudes, de leurs émotions et de leur langage, ses personnages prennent vie au point que l'on croirait les voir et les entendre, et l'on ressort de la narration avec l'illusion d'avoir soi-même, le temps de cette lecture, vécu à leurs côtés. Si action et aventure sont bien sûr encore au rendez-vous de ce western, elles se fondent dans une évocation historique particulièrement suggestive de cette Amérique de 1870 encore à feu et à sang, où règnent la faim, la violence et la peur. Entre bandits de grand chemin et rebelles sécessionnistes encore en campagne, meurtres, passages à tabac et incendies criminels entretiennent un sentiment de menace larvée et de paix bien fragile, tandis que le début de reprise en main du Sud par les démocrates conservateurs ne laisse augurer rien de bon, ni pour les Indiens traités comme des animaux, ni pour les Noirs que leurs droits tout neufs ne protègent aucunement des tabassages en règle dès qu'ils risquent un pied en ville.


Centrée cette fois sur Winona, la narration adopte le point de vue doublement meurtri d'une jeune Indienne en passe de devenir femme. Sa douloureuse émancipation dans un imbroglio où s'affrontent désir de justice et vengeance aiguise chez elle une lucidité acérée que le souvenir de la tendresse maternelle et le soutien indéfectible de sa drôle de famille d'adoption vont néanmoins préserver du désespoir et de la haine. A travers elle se pose toute la question de l'identité amérindienne dans la nouvelle Amérique suprémaciste blanche. Si la guerre de Sécession et la défaite des Confédérés avaient alors ouvert quelques espoirs, certes rapidement douchés, pour le sort des Noirs dans l'Union, combats et massacres se poursuivraient encore longtemps à l'encontre des Amérindiens. Pour les survivants comme Winona, se construire est une terrible gageure que leurs descendants peinent encore à réussir aujourd'hui.


Après la violence des guerres et de leurs tueries, ce nouvel opus enchaîne sur une autre forme de brutalité : celle des persécutions racistes qui n'ont pas fini d'agiter l'Amérique. Qu'il s'agisse de la jeune indienne Winona, ou de la vieille esclave noire affranchie Rosalee, la même tendresse envahit peu à peu le lecteur, en même temps emporté par le rythme incessant de ce très immersif western.

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Si les lecteurs de Des Jours sans fin ont déjà fait connaissance avec Winona, la jeune indienne Lakota dont la famille a été décimée quelques années plus tôt, les nouveaux lecteurs de Sébastien Barry ne resteront pas sur leur faim et pourront savourer cette histoire où l'héroïne vit dans une ferme près de Paris, Tennessee, auprès d'une famille pas comme les autres. La jeune fille a mérité par son intelligence d'accéder à un emploi près d'un avocat et malgré ses origines indiennes, est convoitée par Jas Jonski qui voudrait en faire son épouse. Jusqu'au jour où un drame éclate…

Quelques années après la guerre de Sécession, les esclaves ont été affranchis et pour beaucoup cette liberté retrouvée ne signifie pas la disparition des obstacles et des malheurs. Mais les peaux-rouges sont encore plus mal lotis dans cette échelle de valeur inique : même la loi ne s'applique pas à leur cas. Autrement dit pas question de demander réparations pour les outrages ou les injustices subies.

Sebastian Barry dépeint avec beaucoup d'empathie le sort de cette population traitée avec cruauté et dépossédée de ses droits, de ses terres et souvent anéantie par des combats inégaux.

On aime aussi les étapes de la lunaison qui ponctuent les chapitres, qui restitue au coeur de la narration un peu de l'âme de la civilisation détruite.

On aime cette jeune fille courageuse, et maligne, qui tente de se défendre malgré sa cause perdue d'avance, consciente de l'opprobre qui lui a été jetée.

Belle découverte et je remercie Babelio et les éditions Joelle Losfeld.

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C'est tout près de Paris, Tennessee, dans la ferme de Lige Magan, que se sont installés John Cole et son compagnon, Thomas McNulty. À leurs côtés, la jeune Winona, adoptée par John, seule survivante de sa tribu lakota, ainsi que deux esclaves affranchis, Rosalee et son frère Tennyson. Parce que son père a tenu à l'éduquer correctement et lui enseigner non seulement les lettres mais aussi les chiffres, la jeune fille travaille pour l'avocat Briscoe, un ami de Lige. Une vie paisible jusqu'au jour où un certain Jas Jonski, qui travaille à l'épicerie, lui fait la cour, allant jusqu'à lui demander de l'épouser, même si John n'y semble pas favorable. La tension s'installe dès lors que Winona est agressée...

Si la guerre de Sécession est bel et bien finie, ce sont d'autres guerres que se livrent les hommes dans les années 1870. Racisme (aussi bien envers les Indiens que les Noirs qui n'ont aucun droit), violence, lynchage... Aussi, lorsque Winona se fait agresser violemment, John Cole et Thomas McNulty n'ont d'autre choix que de se faire justice, sans se douter des malheureuses conséquences. Si Thomas McNulty était le narrateur « Des jours sans fin », c'est ici Winona, à tout juste 17 ans, qui prend la parole pour nous raconter son histoire, celle de sa famille adoptive, sa place qu'elle peine à trouver dans une société encore raciste mais aussi l'ambiance pesante, sinon violente, qui règne dans le Tennessee avec l'émergence du KKK. Empreint de sensibilité, ce roman initiatique et profondément humain explore, tout en finesse, la complexité d'un pays en devenir. Sebastian Barry en saisit aussi bien la beauté que l'horreur. Ses personnages, si magnifiquement dépeints, témoignent d'une force, d'un amour et d'une tendresse incroyables.

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Répercutions de la toute fraîchement achevée guerre de Sécession du côté du Tennessee où beaucoup ont encore la défaite coincée en travers de la gorge et le remède au bout du fusil. C'est dans cette région échauffée où la loi et l'ordre sont des concepts chimériques qu'on retrouve John Cole et Thomas McNulty, héros et, pour ce dernier, narrateur des Jours sans Fin.
Ayant pris un peu de bouteille mais toujours aussi amoureux, ces deux-là vivent maintenant, en compagnie de deux esclaves affranchis, dans la ferme d'un compagnon-soldat de fortune du temps où, sous l'uniforme yankee, ils avaient fait la guerre aux rebs, aux bandits de grands chemins et aux Indiens, récupérant dans la foulée la petite Ojanjintka, jeune Lakota de son état, que leur troupe venait de rendre orpheline après un massacre aussi sanglant que révoltant de gratuité.
Ojanjintka renommée Winona Cole et fille adoptive de ce couple atypique prend les commandes de ces Milliers de Lunes pour faire entendre sa voix, son traumatisme et ses souvenirs qui peinent souvent à faire surface au milieu des rudes conditions d'une exploitation de tabac dans une contrée où le racisme et les préjugés relèguent les Indiens si bas dans l'échelle humaine qu'ils n'y apparaissent même plus.
On peut leur faire tout ce qu'on veut à ces peaux-rouges et Winona va en faire les frais, battue et violée sans que personne ne s'en émeuve et n'ait encore moins l'idée d'en appeler à la justice de toute façon inexistante pour certaines ethnies.
Alors quand sa famille adoptive décide d'essayer de la venger, elle ignore encore qu'elle va déchaîner contre elle l'enfer de l'imbécilité ségrégationniste.

D'une écriture toujours élégante, Sebastian Barry nous livre une suite Des Jours sans Fin dans la même veine brutalement poétique. Ne nous épargnant rien des injustices et méfaits commis sur les « sauvages » au nom de la race blanche, Barry met une fois de plus son lyrisme au service de la cruauté et de la bêtise humaines qu'il entend bien dénoncer à travers l'attachante Winona car, qu'importe l'époque à laquelle son roman se situe, si certaines choses ont évolué juridiquement parlant, les mentalités racistes et patriarcales, elles, se gardent bien souvent de suivre le mouvement.
Malgré tout moins ambitieux et accrocheur que le premier opus, pas question pour autant de bouder Des Milliers de Lunes et si Sebastian Barry s'attèle par hasard à jouer les prolongations avec un troisième tome, j'en serai avec enthousiasme.
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Elle, c'est Winona. Vous la connaissez peut-être déjà si vous avez lu Des jours sans fin. En ce qui me concerne, c'est la première fois que je croise son chemin. Sa voix est tout empreinte des âmes indiennes qui flottent au plus profond de son être. Elle associe les évènements qu'elle nous confie à de jolies manifestations de la nature : des années qui défilent comme des chevaux galopant dans des prairies infinies, des larmes qui tombent comme une pluie de printemps ou un sourire à l'image d'un soleil qui ne se couche pas.
Elle sait que toutes celles qui l'entouraient, sa mère, sa soeur, ses tantes et ses cousines ont été massacrées alors qu'elle avait six ou sept ans. Les hommes aussi. Mais de cette atrocité elle ne veut se souvenir.
Secourue dans son enfance par John Cole et son compagnon Thomas McNulty, elle vit avec eux à la ferme de Lige Magan qui les emploie aux côtés de Tennyson et de Rosalee, sa soeur, esclaves affranchis après la guerre de Sécession. Ensemble, aidés par les mulets qui hersent la terre, ils cultivent le tabac. Maintenant, c'est-à-dire une petite dizaine d'années après ce conflit, elle dit avoir sûrement dix-sept ans, ou un peu moins, qui peut fixer le jour de sa naissance ? Personne. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est née par une nuit de lune du cerf.
Assez loin de la ville de Paris, dans le Tennessee, Winona tente de vivre le plus discrètement possible. Être indienne lui ôte tous les droits, si ce n'est celui d'être battue, humiliée, piétinée sans que quiconque n'y trouve à redire. de justice il n'en est guère, elle est là pour les Blancs, très rarement pour les Noirs et légalement inexistante pour les Indiens. Frapper ou tuer un Indien n'est pas un crime alors lorsqu'une agression profane le corps de Winona, elle se défend de se souvenir, une fois de plus, de cet acte abominable. Ne pas se souvenir, c'est peut-être faire preuve de courage pour continuer à vivre. C'est aussi éviter que ceux qui tiennent à elle la vengent, en lieu et place d'application d'une loi qui n'est pas destinée à cette non-citoyenne. Donc un fléchissement de la mémoire indispensable. Emplir plutôt sa tête de moments heureux, savourer tous les gestes de Thomas et John pour son bien-être et sa protection, se sentir une personne aimée.
Dans ce comté du Tennessee, la succession des gouverneurs et leurs tendances plus ou moins racistes fait tanguer l'équilibre bien fragile obtenu pour les Noirs qui sont encore des proies pour les rebelles ne digérant toujours pas le fait d'avoir perdu leurs esclaves. Lorsque Tennyson est à son tour victime d'un lynchage, Winona s'arme de sa petite force pour agir seule et quêter elle-même une justice pour ces deux agressions « Et faire ça non par folie aveugle, mais parce que ma mère m'avait appris à chasser la peur et à avoir un courage de mille lunes. »

Cette ambiance de Western dans lequel Winona se déplace avec un poignard et un mini revolver à crosse de nacre, a ses fermiers, son chérif, son avocat, son forgeron.C'est le décor qui va servir à montrer l'opposition entre le microcosme de la ferme de Lige et l'absurdité des préjugés, des certitudes, du racisme. On y verra s'opposer l'amour à la haine, la gentillesse à la méchanceté.
Sebastian Barry campe admirablement les lieux, à commencer par la ferme de Lige Magan perçue comme un refuge abritant la vulnérabilité de ce petit groupe. Blancs, Noirs et Indiens sont ici des individus qui représentent quelque chose et qui devraient entrer dans les rouages du mot justice pour être défendus. Ici, il n'y a que des êtres humains respectés pour ce qu'ils sont :
- Rosalee, l'ancienne esclave, la mère nourricière, sa précieuse douceur qui se penche sur le corps meurtri de Winona puis sur celui de son frère quelques temps après.
- Tennyson, ses vieilles chansons qui illuminent les soirées de la maisonnée puis s'éteignent avec sa voix après son agression.
- Thomas McNulty qui sort parfois sa robe et se lance dans une danse effrénée.
- Winona qui apporte sa fraîcheur, sa jeunesse, son travail. Elle se souvient de la valeur des siens si grande dans la communauté indienne et moins que poussière pour ce peuple blanc. C'est ainsi que pour John et Thomas, elle est un trésor alors que pour la ville elle n'est Rien. Près d'elle, c'est la richesse « des hommes bons comme des femmes. »

Deux agressions vont-elles réduire à néant cet équilibre ? L'amour et le respect entre ces personnages vont-ils leur survivre lorsque le besoin de vengeance ou de justice (la frontière est si ténue) rôde tout autour de la ferme ?

Les dialogues m'ont un peu étonnée car tous les personnages, et ce sans exception, avalent plus ou moins les mots, un fait retranscrit par de nombreuses apostrophes. Cela donne une connotation rurale qui s'oppose à la richesse de la narration. Toutefois, j'ai vraiment apprécié ce roman qui est un plaidoyer pour la tolérance et le respect de chacun, un cri de justice pour chaque être humain. Je lirais bien les débuts de Winona dans Des jours sans fin pour retrouver ce dépaysement d'une terre lointaine pleine d'inégalités et ces personnages attachants qui s'efforcent d'y vivre malgré l'hostilité de leurs voisins et de lois si défavorables face à leur couleur ou leur provenance.
Merci aux Editions Joëlle Losfeld et à Babelio pour cette belle découverte.
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critiques presse (2)
Telerama
23 octobre 2023
Roman exceptionnel, marqué par la voix de la jeune fille, son rythme, sa naïveté, suivant le mouvement de ses pensées.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeMonde
06 septembre 2021
Dans son nouveau roman, l’écrivain irlandais explore en virtuose le Sud des Etats-Unis après la guerre de Sécession.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (51) Voir plus Ajouter une citation
Pour eux, nous n'étions rien. Je repense à la grande valeur que nous nous accordions et je me demande ce que cela signifie lorsqu'un autre peuple juge que vous valez si peu que vous méritez uniquement la mort.
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Un garçon de ferme dégingandé pouvait toujours remarquer votre peau sombre, vos cheveux noirs, et s'imaginer que ça lui donnait le droit de vous jeter à terre pour vous rouer de coups. Personne ne dirait rien. Pas même le shérif ou un adjoint.
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Quand on était pauvre, en Amérique, il suffisait de donner l'impression d'avoir fait quelque chose de mal pour être pendu.
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Quand on tient une personne en grande estime, c'est un immense plaisir rien que de la contempler, de la voir simplement se déplacer dans l'air de la journée, de remarquer cette habitude qu'elle a de faire ci ou ça, sa façon de pivoter la main, et comment cette personne, cette personne que vous vénérez, redresse le menton ou lève les bras pour s'attacher les cheveux.
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Une fois seule sur la route, tandis que la lumière du jour rendait l’âme et que les couvertures déchirées des ténèbres et de la pénombre recouvraient tout, j’ai commencé à souffrir de ma blessure, comme tout soldat au bout de quelques heures. La force qui m’avait d’abord submergée se dissipait, la douleur devenait si violente et si infernale que je me demandais pourquoi je n’avais pas accordé plus d’importance à tous les moments de ma vie vécus sans un tel poids.
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